Je suis allée voir un spectacle d’hypnose (alors que je n’y crois pas du tout)

Je suis allée voir un spectacle d’hypnose (alors que je n’y crois pas du tout)

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© 2006 Warner Bros

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Par Mélissa Chevreuil

Publié le

Et fait rare, ce n’était pas un hypnotiseur mais une hypnotiseuse sur scène.

Je sais que j’avais promis de ne plus me cacher lâchement derrière l’astrologie en 2024, mais rien à faire. Je suis Taureau. Terre à terre. Pragmatique. Donc, par essence, très sceptique quant à l’hypnose. Pour des raisons de santé et sous les conseils de mes médecins themselves, j’avais essayé d’en voir un en face à face, sans succès, étant visiblement peu sensible. Mais je voulais me redonner une chance. Le spectacle de Giorda, première femme hypnotiseuse de France, à L’Européen à Paris, était l’occasion parfaite. La salle est quasi pleine, le public essentiellement composé de bandes de potes, de familles ou de couples. Je me dis alors que ce n’est clairement pas l’endroit que j’aurais choisi pour un date, mais soit.

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Le show commence par un petit storytelling où Giorda, costume seyant et voix qui porte, nous explique qu’à ses quinze ans, tout a changé, quelque chose s’est brisé en elle. Pourquoi ? Et ? Donc ? On ne le saura jamais. Très vite, elle enchaîne sur une sorte de mise en garde. À partir de maintenant, il nous faudra oublier les limites du réel, être le plus ouvert d’esprit possible car en chacun·e de nous sommeille une force qui nous dépasse. Avec mon +1, on sourit, tant on a l’impression de regarder la morale de fin d’un téléfilm Disney Channel. S’il se veut très feel good et pétri de bonnes intentions, ce ton moralisateur, présent du début à la fin du spectacle, a un petit côté ringard, je dois bien l’admettre. Le pitch de présentation s’achève et commencent alors les festivités.

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Nous sommes toutes et tous convié·e·s à nous lever en collant bien mains, nos jambes et nos pieds, et à rester très attentif·ve·s au son et au rythme de la voix de Giorda. Ceux et celles qui seront réceptif·ve·s seront incapables de décoller leurs index l’un de l’autre. Ils sont une bonne vingtaine et sont invité·e·s à monter sur scène. Mon +1 et moi levons les sourcils et alpaguons une jeune femme qui s’apprête à rejoindre l’hypnotiseuse. “Pardon mais vous n’arrivez vraiment pas à séparer vos doigts là ou vous faites genre ?”, demande mon ami Gémeaux, bien plus culotté que moi. “Mais non, et ça me fait chier !”, répond l’intéressée, visiblement paniquée. Un petit garçon est également présent mais Giorda le congédie. Au-delà d’un potentiel danger, elle précise : “Je refuse d’hypnotiser les enfants, on pourrait dire que c’est truqué”. Le gamin boude et se rassoit aussitôt. Pour les autres, c’est l’heure de se prendre des balayettes. Je m’explique : la star du soir prend le temps d’aller voir chaque personne montée sur scène une par une et en comptant jusqu’à trois, les fait tomber dans un sommeil profond, en les allongeant comme si de rien n’était. Je suis hilare, à la fois impressionnée et totalement duper. Est-ce une foule de complices payés sous le manteau ? Ils sont tout de même pas mal, il faudrait être sacrément motivé·e pour mettre tant de gens dans la confidence. Certains semblent vraiment pioncer. L’un d’eux est totalement affalé au centre de la scène dans une position peu flatteuse, raie des fesses dégagée. Si je n’ai pas filmé, je vous laisse un exemple ici avec… Michou (le multivers en 2024 on a dit).

Par la suite, Giorda réveillera tout le monde et gardera sur scène les plus réceptif·ve·s. Au fur et à mesure, plusieurs “cobayes” s’émancipent de l’envoûtement. Certains le disent, l’air un peu gêné : “Désolé mais je crois que ça ne fait plus effet”. Pas vexée, la maîtresse de cérémonies les renvoie poliment. D’autres resteront quasi du début à la fin et seront finalement les vrais main characters de la soirée. À un jeune homme nommé Kylian, Giorda fait croire tour à tour qu’il a gagné au loto, puis qu’il est dans une kermesse, et enfin que sa petite amie (qui filme tout avec son téléphone depuis le début) est une grosse peluche. Quand il se “réveille”, après avoir vécu tant d’aventures, il lâche un très naturel “putain”, les joues rougies par la honte. Difficile de penser qu’il est un acteur. À noter que si quelques numéros sont franchement amusants en plus d’être impressionnants, d’autres sont carrément border, comme celui qui consiste à faire croire à un spectateur qu’un pistolet à eau est un vrai revolver. Même si je capte l’idée de faire passer un objet inoffensif en quelque chose de dangereux (et donc que la réciproque doit être possible, et utile pour lutter contre des phobies), reste que le plan est de mauvais goût. On aurait pu s’en passer.

Tour de magie ? Manipulation mentale ?

Comme moi, beaucoup de personnes dans le public ont du mal. Un jeune homme est bruyant et se fait vite remarquer malgré lui. Il sera invité plus tard sur scène et, hypnotisé, confondra lors d’une séance de toucher à l’aveugle une pierre avec une éponge. À la fin du spectacle, je peux l’entendre conspuer dans sa barbe auprès de celle qui l’accompagne. “C’est clairement un tour de magie et rien d’autre, je n’y crois absolument pas.” Pour être honnête avec vous, le doute ne m’a pas quittée du début à la fin. Toujours après le show, une jeune femme comptant parmi les hypnotisé·e·s est interrogée de manière oppressante par le public. “Je ne sais vraiment pas ce qu’il s’est passé, c’était si bizarre.” J’ai envie d’y croire et de la croire.

Ce qui est en revanche évident, c’est qu’il y a des astuces, des “tricks”, de la manipulation mentale. Comme quand une jeune femme insensible à l’hypnose est invitée à dessiner quelque chose et qu’une autre, elle très réceptive et hypnotisée, qui plus est aveuglée par un bandeau, doit trouver ce qui figure sur le dessin. “Je devine une fleur.” Elle voit juste. Le truc, c’est que la dessinatrice était justement assise à côté… d’une rose. Elle a forcément été inconsciemment influencée. Moi-même, je m’étais fait la réflexion : c’est sûrement ce que j’aurais dessiné. Aussi, et surtout, car c’est facile et que ça ne nécessite pas un superbe coup de crayon. Bref, si je ressors du show légèrement moins sceptique, je reste dubitative sur d’autres aspects. Mais n’écoutez peut-être pas la vieille Taureau aigrie que je suis, et faites-vous donc votre propre avis.

Giorda Hypn’ose, spectacle à voir à L’Européen (Paris) le 14 février (21 h 30) et 13 mars 2024 (21 h 30).