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Le temps d’un épisode, Arrow est devenue politique pour le meilleur et pour le pire

Le temps d’un épisode, Arrow est devenue politique pour le meilleur et pour le pire

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Par Adrien Delage

Publié le

Les scénaristes du show de super-héros ont tenté, avec maladresse mais sincérité, de s’attaquer au sujet du contrôle des armes à feu aux États-Unis.

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Depuis cinq ans, Arrow est le socle des séries de super-héros de la CW créées par le conteur d’histoires Greg Berlanti. La série a connu des hauts et des bas, s’ancrant avec succès dans une violente réalité avec sa deuxième saison pour mieux sombrer dans des intrigues abracadabrantes au cours des saisons 3 et 4. L’introduction du mysticisme n’a pas fonctionné et Arrow fait bien de laisser ce genre de thématiques à ses confrères comme The Flash et Supergirl, qui s’en sortent mieux de ce côté-là.

En saison 5, le showrunner Marc Guggenheim et son équipe de scénaristes ont judicieusement décidé de revenir aux bases des premières saisons. Finies les histoires de magie tirées par les cheveux, retour à une facette plus sombre du personnage d’Oliver Queen (Stephen Amell) mais aussi plus réaliste, qui colle mieux à la peau de l’Archer vert.

Au cours de l’épisode “Spectre of the Gun”, les scénaristes ont surpris les fans de la série en choisissant de critiquer la place des armes dans la société américaine. Une idée étonnante et ambitieuse pour une série de super-héros, qui est malheureusement décevante. Le débat est tombé dans la complaisance tandis que le parti pris de la série, et donc de ses créateurs, n’a jamais été précisément exprimé dans la conclusion de l’épisode.

Le costume du justicier au placard

Le premier choix du showrunner Marc Guggenheim et de son équipe est pertinent. Oliver n’enfile qu’une seule fois sa tenue de vigilante au cours de l’épisode. Ils ont choisi d’en faire un véritable héros humain qui règlera la nouvelle agression contre Star City sans son arc et ses flèches. Cette tragédie est une fusillade sanglante qui a lieu dans les locaux d’Oliver, alors dans son costume de maire. Plusieurs civils mourront au cours de cette attaque.

Cette scène renvoie évidemment aux multiples attentats terroristes de notre époque et réussit avec brio son ancrage dans notre réalité. Jusqu’au dénouement, le tireur est d’ailleurs masqué pour qu’aucun amalgame ne soit surinterprété par les spectateurs par rapport à sa couleur de peau, sa religion ou son idéologie.

À travers ce drame, tous les personnages de la série vont débattre de la réglementation des armes aux États-Unis. Et c’est là où le scénario commence à battre de l’aile. Si Oliver affronte pour seul adversaire dans l’épisode une députée républicaine pro-armes, dans l’espoir de trouver un compromis entre la sécurité des citoyens et leur droit exprimé dans le deuxième amendement de la Constitution des États-Unis, Rene, Felicity et Curtis débutent un débat politique de comptoir quant à la justification du port d’une arme au quotidien.

Les échanges entre Wild Dog et Mr. Terrific sont à première vue intéressants car les deux personnages sont d’origine afro-américaine. Le premier a vécu une histoire déchirante, perdant sa femme et sa fille à cause du trafic d’armes et de drogues répandu dans les banlieues, symbolisé dans Arrow par les Glades, le quartier le plus pauvre de la ville. Si le cliché de l’individu afro-américain en rédemption est un trope récurrent dans le Berlantiverse (Wally dans The Flash, James dans Supergirl), les (touchants) flashbacks retraçant l’histoire de Rene viennent parfaitement contredire le point de vue de Curtis, offrant au débat une scission inattendue au sein d’une même minorité.

À l’opposé de Wild Dog, Curtis provient, au vu de sa manière de s’habiller et de ses études prestigieuses menées en informatique, d’un milieu aisé. C’est également un personnage gay comme l’univers des super-héros du Berlantiverse en connaît déjà. Au cours d’un échange tendu avec Rene, Curtis avance que les Noirs ont au moins “quatre fois plus de chances de se faire tirer dessus” par les policiers que des Blancs. Si cette statistique fait véritablement écho au racisme omniprésent et à la politique ultralibérale de l’Amérique de Donald Trump, elle montre surtout que les scénaristes se moquent un peu de nous.

Selon une étude menée par le Washington Post en 2015 et relayée par le Chicago Tribune, les personnes de couleur blanche se font en moyenne plus souvent tirer dessus par les forces de l’ordre. Et contrairement à ce qu’affirme Curtis, les personnes de couleur noire ont 2,5 fois plus de chances de se faire abattre par des gardiens de la paix. Il est regrettable de voir que pour soutenir leurs propos, même s’ils sont réels et critiquables, les scénaristes se sentent obligés de l’exagérer en jouant sur l’aspect spectaculaire que demande une fiction de super-héros.

À l’inverse, ils ont bien mieux maîtrisé la capture du tireur prêt à réitérer son coup. C’est par la parole et sans aucune utilisation de la violence que le Green Arrow finit par l’apaiser et empêcher son suicide. Il sauve ainsi Star City non par les actes héroïques qu’il a accomplis sous sa capuche, mais en tant que maire. Une belle leçon d’humilité de la part d’une série et d’un super-héros qui avaient tendance à défendre l’adage “la fin justifie les moyens”.

Au final, Oliver et la députée républicaine rédigeront un accord qui assure la sécurité des citoyens tout en respectant la Constitution des États-Unis. Mais alors qu’on s’attendait à en voir la nature, ne serait-ce qu’une idée de ce texte de réforme, l’épisode se termine sans véritable solution apportée au débat qu’il a ouvert au début de “Spectre of the Gun”. C’est comme si les scénaristes n’avaient pas voulu assumer leur parti pris. C’est dommage, car à la surprise de cet épisode audacieux, nous ne retiendrons qu’un semblant de plaidoyer inachevé.

La parole comme meilleure arme

Rares sont les épisodes d’Arrow où le dialogue surclasse l’action. Et pourtant, les seuls véritables moments musclés de “Spectre of the Gun” ont lieu au cours des fusillades de la mairie et du foyer de Rene. Le fait est que cet épisode apporte une note d’optimisme sur l’importance de discuter, d’écouter, de débattre de la culture et des opinions avec autrui.

Dans Arrow, une dispute dévoile au spectateur une Felicity résignée qui n’hésite pas à signaler son avis tranché sur la nature des débats politiques d’aujourd’hui : ils sont infructueux voire malveillants. Ce à quoi, avec beaucoup de naïveté mais une volonté sincère, Curtis répond que les citoyens ont oublié d’écouter et de croire en leurs convictions.

Le message est élégant mais loin d’être convaincant quand on connaît le background violent du show et surtout les tendances libérales et conservatrices d’Oliver, qui tuait sans hésiter lors des premières saisons. Sans oublier les méthodes de ses sidekicks Diggle et Rene, qui deux épisodes avant tiraient à vue avec des revolvers en combattant Prometheus…

À la fin de l’épisode, le maire de Star City avance le proverbe “seuls les cons ne changent pas d’avis”. Les scénaristes concluent sur une poignante scène d’hommage aux victimes de la fusillade, qui s’apparente plus que jamais dans l’esprit des spectateurs français à une scène qu’on a trop souvent vécue après les attentats du 13 novembre 2015 et les attaques dans des lieux publics pendant l’été 2016 pour les Américains.

Mais une fois encore, le discours final délivré par Oliver devient presque indécent quand il conclut avec “il faut continuer à faire preuve de bravoure”, sans apporter une seule solution à ses concitoyens, abattus face aux morts engendrées par la libre circulation des armes en Amérique.

Finalement, à travers cet épisode, Arrow démontre peut-être les limites des sujets critiquables dans les comics. Dès leur apparition dans les années 1940, les écuries DC et Marvel avaient pour objectif d’encourager les lecteurs dans une époque sombre ravagée par la Seconde Guerre mondiale.

On pouvait alors voir Superman et Captain America frapper Hitler sur les pages de couverture, alors que de véritables personnes combattaient et mourraient pour leur survie. Malheureusement, il ne suffit pas d’une flèche ou d’un batarang bien placés pour mettre un terme aux agissements de super-vilains quand il s’agit d’êtres humains. Un épisode audacieux donc, mais qui manque cruellement de crédibilité.

En France, la saison 5 d’Arrow est diffusée sur la plateforme MyTF1VOD en US+24.