En écoute : la BO rock 70’s et pointue de Trust, la série de Danny Boyle

En écoute : la BO rock 70’s et pointue de Trust, la série de Danny Boyle

Image :

© FX

photo de profil

Par Adrien Delage

Publié le

Des classiques comme les Stones ou Pink Floyd, mais aussi des pépites britanniques vintage comme The Merseybeats et Atomic Rooster.

À voir aussi sur Konbini

En 2018, Danny Boyle a donné un souffle romanesque à l’histoire de la dynastie des Getty, portée la même année sur grand écran par Ridley Scott dans Tout l’argent du monde. Réalisateur, coshowrunner et producteur sur Trust, le réalisateur de Trainspotting a transcendé de manière irrévérencieuse le drame de l’enlèvement par la mafia calabraise de John Paul Getty III (à prononcer “the third”), petit-fils du magnat du pétrole homonyme, au début des années 1970. Outre la prestation inattendue et fabuleuse de Brendan Fraser (le héros de la trilogie La Momie que tout le monde pensait disparu), sorte de cow-boy voyageur temporel classieux qui brise le quatrième mur, la musique du show nous emporte dans un tourbillon de couleurs amené à se finir dans le rouge sang.

Derrière l’orgueil du roi Midas et la naïveté de son petit-fils, Trust parle aussi de musique et l’utilise avec un respect absolu pour ses artistes. Prenez la première chanson du pilote, “Money” de Pink Floyd. Un titre qui sert pleinement le propos à travers ce plan-séquence qui vient iconiser la demeure californienne de George Getty. La caméra survole la bâtisse imposante à l’ombre du mont Lee, soulignant la richesse familiale avant de mettre en exergue la souffrance que cache cette opulence : le suicide très sanglant du propriétaire, qui se donne le seppuku ancestral avec une fourchette à barbecue.

Au cours de cette séquence d’intro complètement dingue, emblématique de la mise en scène d’une élégance rare qui caractérisera les neuf autres épisodes, la caméra plonge dans la piscine familiale. Là, la musique se brouille comme si on l’entendait sous l’eau. De cette manière ingénieuse, Danny Boyle brise une première fois le quatrième mur et impose sa BO comme un élément central de Trust. La musique accompagne, tournoie, compatit et souffre en même temps que ses personnages, comme un opéra interprété en live par un orchestre.

Ce mot n’est d’ailleurs pas choisi au hasard. Outre les guitares blues des Rolling Stones sur “Gimme Shelter” (là encore, un titre lourd de sens puisqu’il évoque la guerre du Viêt Nam), la soundtrack est riche en musique classique italienne. Ces mélodies renvoient au côté baroque de J. Paul Getty, son amour pour l’art et la Renaissance, et sont un contrepoint musical aux méthodes expéditives de la ‘Ndrangheta, la mafia calabraise. Les épisodes centrés sur Primo et ses comparses constituent d’ailleurs le meilleur de la série.

Les compositions de Gioachino Rossini (à qui l’on doit notamment Le Barbier de Séville) sont récurrentes dans Trust et tranchent avec certaines scènes, notamment dans l’épisode 8, où le fils de Leonardo découpe l’oreille de J. Paul Getty III après être sorti de la messe matinale, les mains ensanglantées en signe d’offrande et une aura divine le submergeant. Un plan magnifique mais terriblement glaçant.

La vibe rock’n’roll des années 1970 qui hante le show est également convoquée avec pertinence. Aladdin Sane, album et single emblématiques de la discographie de feu David Bowie, a été commercialisé quelques mois avant l’enlèvement de Getty. Il en va de même du titre évocateur “Hold Your Head Up” d’Argent, un groupe londonien de rock progressif, héritier des Kinks, dont seul un cinéaste natif de Manchester pouvait se souvenir.

Dans le même esprit, on vous conseille “Backstreet Luv” de Curved Air, sextuor pionnier dans la fusion et l’utilisation du violon dans le rock, ou encore “Sorrow” des Merseybeats (The Merseys jusqu’en 1969), ceux à qui ont volé la vedette les Beatles alors que les deux formations endiablaient en même temps les soirées du mythique Cavern Club de Liverpool pendant les sixties.

Vous l’aurez compris, non seulement Trust revisite un épisode troublant et médiatisé de la dynastie Getty, mais la série parvient également à peindre une fresque musicale de cette période. Parfois, Danny Boyle va encore plus loin dans la création de cette identité sonore. C’est le cas du “Dark Side of the Moon” de Pink Floyd, qu’il découpe dans trois épisodes comme un ballet en trois actes.

Ce découpage appuie d’une part la descente aux enfers des Getty (the Third est réellement kidnappé après son mensonge, son père sombre à nouveau dans l’alcool, le personnage incarné par Hilary Swank est désemparé), et fait jaillir d’autre part toute la folie transgressive et libératrice d’une décennie charnière dans l’histoire de la civilisation. En bon chauvin, il ne manquerait qu’“Antisocial” pour compléter cette BO magistrale et relevée.

En France, la saison 1 de Trust est disponible sur myCANAL.