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Fleabag : la déchirante comédie de Phoebe Waller-Bridge est une des meilleures séries de l’année

Fleabag : la déchirante comédie de Phoebe Waller-Bridge est une des meilleures séries de l’année

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Par Marion Olité

Publié le

Révélation féminine de ces derniers mois en Angleterre, Phoebe Waller-Bridge a imposé son style avec Fleabag, qui redessine les contours du genre de la comédie dans les séries. Un petit bijou d’écriture à découvrir d’urgence.   

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Sortie cet été dans la discrétion sur BBC3 puis diffusée aux États-Unis sur Amazon à la rentrée, Fleabag pourrait franchir d’autres frontières dans les prochains mois (on croise les doigts pour une diffusion française). Sa productrice, Lydia Hampson, était de passage au Mipcom — le marché international des contenus audiovisuels — pour vendre à l’étranger l’atypique série de Phoebe Waller-Bridge, adaptation de sa pièce de théâtre de 2013.

Lors d’une table ronde de l’Association des critiques de séries (ACS) animée par Marianne Levy, Lydia Hampson est revenue sur la genèse du projet :

“Phoebe Waller-Bridge [auteure et actrice de Fleabag et Crashing, vue aussi dans la saison 2 de Broadchurch, ndlr] trouvait qu’on manquait de rôles forts et de voix féminines. Les partitions qui l’intéressaient étaient celles de rôles masculins. Donc elle a décidé de s’écrire elle-même un rôle, où on voit tout ce que font les femmes dans la vie — la façon dont elles peuvent s’ennuyer, être très cash ou très tristes — mais qu’on ne montre pas à la télévision.”

La série, composée de six épisodes, met en scène la vie de Fleabag (étonnant prénom, qui signifie “sac de puces” en français), une jeune femme célibataire vivant à Londres. Drôle, cash, sarcastique et sexuellement très active, elle entretient une relation compliquée avec sa rigide sœur, Claire (Sian Clifford), son opposé sur bien des points. Au fil des épisodes, on comprendra que derrière son insolence et son apparente insensibilité se cache une femme au bord du gouffre, traumatisée par un drame personnel.

Fleabag étonne et séduit de par son procédé — l’héroïne nous adresse régulièrement des regards irrésistibles face caméra, comme Frank Underwood dans House of Cards —, mais aussi par son subtil mélange de comédie crue et de noirceur, sans oublier un jouissif renversement des codes entre hommes et femmes.

Fleabag est une série féministe dans le sens où elle met en scène un personnage féminin fort qui se comporte d’une façon que l’on pourrait qualifier de typiquement masculine. Elle a plusieurs partenaires sexuels, elle jure et boit… Ce sont des tropes assignés habituellement aux personnages masculins”, explique Lydia Hampson. 

Les thèmes abordés en filigrane par Fleabag — l’amitié entre deux femmes, les relations entre sœurs, les troubles de la sexualité, l’addiction au porno, la solitude — sont aussi variés que les émotions qu’elle provoque.

L’équilibre entre drame et comédie est savamment maîtrisé. On rit devant les réactions de son petit copain de longue date, petite chose fragile (son comportement sert à se moquer des clichés liés à la représentation habituelle des personnages féminins), devant des répliques (“Do I have a massive asshole ?”, soit : “Ai-je un énorme trou du cul ?”, demande-t-elle à la caméra alors qu’elle vient de se faire sodomiser par un mec particulièrement bien monté… et reconnaissant) ou des scènes crues (on la retrouve plus tard en train de se masturber en regardant Barack Obama).

Une série féministe

On pleure quand, peu à peu, l’armure de Fleabag se craquèle au fil des épisodes, jusqu’à la révélation finale, où toute sa souffrance éclate au visage du spectateur. Ce personnage féminin fort est justement tout sauf fort. Elle fuit ses problèmes, se réfugie dans l’alcool et le sexe pour ne pas affronter ses erreurs aux conséquences dévastatrices.

“Phoebe ne s’est pas dit ‘je suis en train d’écrire un manifeste féministe’ quand elle a écrit la pièce originale. Elle s’attaque à ce sujet dans le premier épisode de Fleabag, où le personnage se demande si elle n’est pas une ‘mauvaise féministe’.

Quand elle a écrit cette pièce, Phoebe s’est elle-même posé pas mal de questions : ‘Comment ça, le féminisme, ce n’est pas juste vouloir les mêmes droits pour les hommes et les femmes ? Quelles sont les autres règles ? Et si je n’arrive pas à le faire comme il faut ?”

En montrant que les personnages féminins n’ont pas besoin d’être badass pour être profonds et intéressants, Fleabag s’inscrit dans la lignée féministe d’un Girls, dans un style moins “mumblecore” et résolument plus acide. Jamais une comédie n’aura été aussi déchirante.