The Get Down : et Grandmaster Flash créa le hip-hop

The Get Down : et Grandmaster Flash créa le hip-hop

photo de profil

Par Marion Olité

Publié le

Si vous vous demandez comment Baz Luhrmann a pu capturer l’essence du hip-hop dans la série The Get Down, la réponse tient en deux mots : Grandmaster Flash.

À voir aussi sur Konbini

Engagé comme consultant sur un projet que le réalisateur australien a dans la tête depuis dix ans, il est rapidement promu producteur associé avant qu’on lui demande s’il est OK pour devenir un personnage de la série.

Car comment raconter les débuts du hip-hop sans y inclure Grandmaster Flash, considéré avec DJ Kool Herc comme l’un des pères fondateurs du mouvement né dans le Bronx des 70’s ?

“Personne ne demande les ingrédients qui ont fait naître le hip-hop : je vais vous le dire, il y a Kool Herc, Africa Bambattaa et moi. Kool Herc avait la banque de sons la plus incroyable que j’aie jamais vue. Si je dois me définir, je dirais que j’étais le plus technicien des trois”, explique le musicien, venu transmettre sa passion à Londres auprès d’un petit groupe de journalistes pour la sortie de The Get Down.

Il faut dire que Joseph Saddler de son vrai nom a toujours été fasciné par l’électronique. Alors qu’il grandit dans un foyer pauvre du Bronx avec sa famille d’origine barbadienne, il prend pour habitude de démonter les appareils électroniques familiaux comme la radio ou le sèche-cheveux de sa sœur. Son don sera comblé par des études à la Samuel Gompers High School, où il apprend l’ingénierie électrique. À la maison, il se fait régulièrement choper par son père en train de fouiner dans son immense collection de vinyles.

Curiosité et créativité

Tous les ingrédients sont là, reste au jeune homme à les utiliser à bon escient. À force d’étudier les styles de Pete Jones, Kool Herc ou Grandmaster Flowers, et d’expérimenter les sons dans le secret de sa chambre, il développe une technique, la Quick Mix theory, considérée comme la base que tout DJ doit connaître avant de se lancer.

Il y a le scratch, qui consiste à manipuler un disque d’avant en arrière à partir d’un point précis (défini par le fameux crayon violet, scène présente dans The Get Down), le backspinning (trouver le bon beat à répéter pour faire la transition entre deux disques) ou encore le punch phrasing.

Ma mère me disait : ‘Mais qu’est-ce que tu fabriques avec ces disques, c’est quoi ce truc stupide ?’”

Dans The Get Down, le virtuose Grandmaster Flash vient d’inventer ces techniques. Il n’a pas encore sorti son album fondateur, The Message, et son single culte du même nom. Il prend sous son aile des crews, notamment nos “get down brothers” et leur enseigne son savoir-faire, entre technicité et code d’honneur – exemple : on ne vole pas des mixtapes de Grandmaster Flash pour se faire du fric en soirée, sans un sérieux retour de bâton. Il organise les premières “block parties” endiablées.

“La première party à laquelle j’ai participé, c’était dans le South Bronx. Le mari de ma sœur aînée était le super-intendant de l’immeuble. L’un des appartements était vide et c’est devenu le lieu de ma première party. Je n’en garde pas un souvenir si mémorable. Honnêtement, je n’avais pas explosé la baraque”, avoue-t-il en riant. 

Si le show de Baz Luhrmann s’est largement nourri des anecdotes de Grandmaster et d’autres artistes de l’époque, il retranscrit davantage un feeling que la pure vérité. Ce que confirme le principal intéressé : “The Get Down n’est pas un documentaire, mais une histoire, celle des 70’s, et surtout comment ces gamins ont amené le hip-hop dans les 70’s. Je me souviens de ma mère qui me disait : ‘Mais qu’est-ce que tu fabriques avec ces disques, c’est quoi ce truc stupide ?’ Ils ne comprenaient pas !” 

Avec la série, de nombreuses personnes vont comprendre ce qu’était le “get down”, et pourquoi Grandmaster Flash est considéré comme un pionnier du hip-hop. Effet de miroir troublant, alors que dans le show, il joue les mentors auprès de notre bande de jeunes héros créatifs, en coulisses, le vrai Grandmaster a tenu ce rôle auprès de son jeune double de fiction, l’acteur Mamoudou Athie.

“Ils ont dû chercher un moment un jeune acteur qui me ressemblait à cette époque. Je leur ai dit ‘bonne chance les gars !’. Deux mois après, ils viennent me présenter celui qui sera le jeune Grandmaster Flash dans la série (Mamoudou Athie). Donc j’y vais, un peu à reculons, et je regarde ce type. Oh My God ! Il me ressemblait, ça c’est sûr.”

Le comédien a eu droit à des cours en accéléré sur l’art du hip-hop. Le maître se souvient : “Il m’a dit : ‘Flash, je ferai tout ce que tu me diras de faire pour être le plus réaliste possible quand ils me filmeront.’ Je lui ai dit : ‘Tu es vraiment sûr de toi ?’ Je lui ai fait faire les mêmes choses vingt fois de suite, jusqu’à ce qu’il chope le truc. ‘Baisse-toi, non. Baisse-toi plus !’ Et maintenant, fais-le comme si tu t’en foutais [rires].”

Le message

Grandmaster Flash a beau dire, le regard rieur, qu’il est un prof’ horrible, le résultat est assez bluffant dans la série. Transmettre ce savoir, et rappeler aux étoiles du hip-hop actuelles – Kanye West & co – ce qu’elles lui doivent constituent sans doute les deux motivations principales de l’homme pour s’impliquer autant dans The Get Down.

“J’adore ce que je fais et je ne sais pas si je prendrais ma retraite un jour. Mais je n’aurai pas eu la conscience tranquille en partant sans essayer une nouvelle fois de faire comprendre aux gens ce qu’était le ‘get down’.” 

Car si elle ne donne pas toujours l’impression de s’en préoccuper, la génération qui brille aujourd’hui en haut des charts ne rayonnerait peut-être pas autant sans les inventions de Grandmaster Flash.