Jessica Jones fait face à son passé dans une saison 2 au féminisme réjouissant

Jessica Jones fait face à son passé dans une saison 2 au féminisme réjouissant

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Marvel’s Jessica Jones

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Par Marion Olité

Publié le

Notre antihéroïne préférée est de retour pour vaincre le patriarcat.

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Il est conseillé d’avoir visionné les 6 premiers épisodes de la série avant de poursuivre la lecture de cet article.

En fin de saison 1, on avait laissé une Jessica Jones libéréeeee, délivréeeeee de son bourreau, le terrible Kilgrave. Mais pour ce faire, la justicière a malgré elle dû tuer son ennemi, qui, aussi fou et dangereux soit-il, n’en restait pas moins un être humain. La culpabilité ne va pas tarder à tarauder notre détective, toutefois passée maîtresse dans l’art de réprimer ses émotions. On la retrouve donc à s’occuper d’affaires mineures destinées à remplir les caisses d’Alias Investigation. C’est seulement devant la grande insistance de sa BFF, Trish, et parce qu’elle est mise au pied du mur par la mort d’un innocent, que Jessica va se décider à affronter ses démons.

Quand vous avez réussi une très belle première saison, c’est quasiment une gageure de faire aussi bien et de récolter autant de lauriers pour sa suite. D’autant que la série cumulait quelque chose de rare dans le genre super-héroïque : un personnage principal atypique, voire subversif, extrêmement bien écrit et interprété (oui, on t’aime Krysten Ritter) et un méchant tout aussi charismatique (David Tennant, on t’aime aussi), en font tout simplement la meilleure de toutes les séries nées de la collaboration fructueuse entre Netflix et Marvel. Alors forcément, bonjour la pression pour la saison 2.

La bonne nouvelle, c’est que Melissa Rosenberg et son équipe proposent quelque chose de différent mais de toujours très intelligemment écrit. La showrunneuse n’a pas opté pour le classique “plus de tout” (plus d’action, de méchants, d’obscurité…) qui était par exemple à l’œuvre sur la saison 2 de Daredevil. Cette deuxième livraison revient aux racines de Jessica, qui n’a que de très vagues souvenirs de la façon dont elle s’est retrouvée dotée de pouvoirs. Pour accepter ses capacités, qu’elle a plutôt tendance à mépriser, comme nous le confiait récemment Krysten Ritter, la jeune femme va devoir fouiller dans son passé, repenser à sa famille mais aussi à l’endroit où elle a acquis cette force surhumaine (sans son consentement).

Cet arc narratif n’est pas exempt de stéréotypes (on pense à des séries 90’s comme Dark Angel où l’héroïne recherche la firme qui l’a modifiée, avec méchant docteur à tuer en bonus), mais il a le mérite de creuser la personnalité de Jessica. En revanche, les potentiels méchants n’arrivent pas à la cheville du terrifiant Kilgrave et c’est peut-être un peu ce qui manque dans les premiers épisodes de cette saison 2, plaisants à visionner mais assez maigres en enjeux. Les scénaristes se concentrent sur la psychologie de Jessica, qui mine de rien évolue, puisqu’elle tente notamment de gérer sa colère, de faire confiance à un homme ou encore de travailler en équipe (si, si !). Tout ne s’arrangera pas en deux scènes. Jessica avance d’un petit pas pour parfois régresser de deux. Mais elle essaie et en cela, son comportement est diablement réaliste. Demandez à une survivante d’un viol, souffrant en plus de stress post-traumatique, si elle a “guéri” vite, s’il est même possible de complètement se remettre d’une attaque pareille.

“– I never take no for an answer.
– How rapey of you.”

En dépit de la lenteur des premiers épisodes, Jessica Jones reste une des meilleures séries super-héroïques sur le marché, en premier lieu parce qu’elle est l’une des rares à afficher un féminisme de tous les instants, que ce soit à travers les vies professionnelles ou personnelles de Jessica et Trish (Rachael Taylor). La première renverse les codes de la féminité, en adoptant un comportement dit à tort “de mec”. Jessica ne se maquille pas, boit comme un trou (conséquence de son PTSD non traité), s’habille et se lave vite fait quand elle y pense, utilise les hommes quand elle a envie de sexe. “L’amour, c’est pour les idiots”, nous explique-t-elle dans l’épisode 6. À la faveur d’une nouvelle rencontre masculine, elle va devoir revoir ses habitudes. Ou pas. À elle de voir.

Au contraire, Trish, l’enfant star en pleine rébellion, a trouvé (a priori) un mec bien, le premier de sa vie en fait, elle qui a cumulé les losers. Donc quand ce dernier la demande en mariage (en invitant au passage tous ses amis et proches de peur qu’elle dise non, bonjour l’intimité), elle devrait foncer non ? Eh bien, pas forcément. Trish se rend compte qu’elle veut la carrière de son mec, pas son mec. Et depuis quand faut-il épouser le premier mec bien sous tous rapports qui se présente sous prétexte que, cool, c’est pas un connard ? La seule personne qui soutiendra l’animatrice radio dans sa décision sera… Jessica Jones.

Il y a aussi ce passage où Trish doit faire chanter un cinéaste blanc renommé, la bonne cinquantaine passée, pour obtenir des informations sur IGH. Pour cela, elle lui rappelle qu’il a abusé d’elle alors qu’elle n’avait que 15 ans, ajoutant que sa mère l’a pour ainsi dire prostituée. Un arc qui prend une résonance particulière dans notre société post-Weinstein et pour un Hollywood régulièrement accusé de fermer les yeux sur ce genre d’affaires pédophiles, souvent révélées des années plus tard, quand la justice ne peut en général plus faire grand-chose.

Même si je pense que cet arc méritait une conclusion plus forte (le cinéaste s’en tire à bon compte), c’est pour ce genre de scènes que j’aime Jessica Jones et ses héroïnes. Et pour ces répliques qui renversent subtilement les clichés antiféministes, comme ce moment où Pryce Cheng dit à Jessica : “I never take no for an answer” et qu’elle lui répond “How rapey of you”. Avec cette réplique mordante, Melissa Rosenberg dénonce subtilement ce lieu commun erroné – selon lequel les femmes disent non avant de dire oui – qui participe à la culture du viol.

Du côté des personnages secondaires, toujours très bien écrits (ce qui n’est pas forcément le cas de toutes les séries Marvel/Netflix, où certains sidekicks se retrouvent à faire de la figuration), on suit avec attention les trajectoires de Malcom, le junkie repenti, et l’avocate sans foi ni loi Jeri Hogarth. Incarnée par la fascinante Carrie-Anne Moss, cette dernière retourne aussi les clichés machos en étant une femme de pouvoir, lesbienne, qui se comporte de façon amorale. Elle est confrontée cette saison à une épreuve qui nous la fait voir sous un jour nouveau. Son lien avec Jessica – mélange de respect, presque d’amitié et en même temps non dénué d’un rapport de force fluctuant selon les situations – reste un des points forts de la série.

Si elle est un peu lente au décollage, Jessica Jones prouve avec ce début de saison 2 qu’elle n’a rien perdu de son pouvoir d’attraction et de son intelligence. En revanche, on reste pour le moment un peu sur notre faim côté scènes d’action, mais les réalisatrices de cette deuxième saison nous ont sûrement gardé le meilleur pour la fin.

Les deux premières saisons de Marvel’s Jessica Jones sont disponibles sur Netflix.