Julianna Margulies (Urgences, The Good Wife) : “Je ne voulais pas dire au revoir à Alicia”

Julianna Margulies (Urgences, The Good Wife) : “Je ne voulais pas dire au revoir à Alicia”

photo de profil

Par Delphine Rivet

Publié le

En deux séries et deux rôles majeurs, elle est devenue un membre de la royauté au pays des sériephiles. Rencontre avec la queen Julianna Margulies.

À voir aussi sur Konbini

Et dire qu’au départ, le personnage de Carol Hathaway devait mourir à la fin du pilote d’Urgences… Julianna Margulies en a fait une héroïne que l’on n’oubliera jamais. Et c’est avec le même talent qu’elle a incarné ensuite Alicia Florrick, dans The Good Wife, une femme bafouée par son mari infidèle et manipulateur qui renaît de ses cendres et prend une sacrée revanche sur la vie… et les hommes.

Durant sept saisons, et bien aidée par le brillant couple de showrunners Michelle et Robert King, elle a porté sur ses épaules l’un des plus grands succès critiques sur un network de cette dernière décennie. À l’occasion de Séries Mania, où elle était invitée d’honneur, nous avons rencontré Julianna Margulies qui s’est confiée sur sa carrière et a partagé avec nous ses souvenirs sur les plateaux d’Urgences et de The Good Wife.

BIIINGE | Entre la rumeur d’une huitième saison de The Good Wife sans Michelle et Robert King, et le fait de dire adieu à Alicia Florrick, comment vous sentiez-vous durant cette dernière saison ?

Julianna Margulies | Quand ils sont venus me dire que les King s’arrêtaient, et m’ont demandé si je voulais continuer alors que mon contrat arrivait à son terme, j’ai dit oui. Parce que j’adore l’interpréter ! Mais je n’aurais fait que dix épisodes à l’année*, je n’arrivais plus à suivre le rythme, c’était trop de travail. Après sept ans, ça faisait beaucoup. Mais j’ai adoré, et je ne voulais pas lui dire au revoir. Alors j’ai proposé : pourquoi ne pas se contenter de dix épisodes sur le câble et on en ferait une série différente ? J’ai suggéré ça en septembre 2015. Et ils ont semblé adorer l’idée, mais en fin de compte, ils ont dit : “Non, on ne va pas faire ça. On va juste laisser la série se terminer”. Et ça m’allait très bien !

“Pour moi, Alicia a continué à conquérir le monde”

Toutes les bonnes choses ont une fin. Et à l’arrivée, ça faisait du bien de conclure, mais ça a été dur de lui dire au revoir. Et à la fois, j’étais si soulagée, parce que j’ai réalisé que j’avais tellement pris sur moi pendant tout ce temps. L’espace d’un instant, c’était bien de pouvoir relâcher un peu la pression. Et je ne me rendais même pas compte de combien j’étais exténuée, jusqu’à ce que j’arrête de bosser aussi dur. Mais surtout, je suis si heureuse d’avoir fait partie de cette époque formidable pour la télévision et d’avoir joué une femme formidable à laquelle tant de gens semblent s’identifier. L’écriture était si bonne, ses répliques me manquent, son sens de la répartie. Mais le temps était venu. Pour moi, Alicia a continué à conquérir le monde. C’est comme ça que je la voyais à la fin, comme une guerrière.

* Une saison de The Good Wife était en moyenne composée de 22 épisodes, ndlr.

Est-ce que vous avez eu l’occasion de regarder son spin-off, The Good Fight ? Il leur arrive de mentionner Alicia parfois, comme si son esprit était toujours dans les parages.

J’ai vu le premier épisode et j’ai trouvé ça fantastique. Vous savez, Cush et Christine sont mes copines [Cush Jumbo et Christine Baranski, deux des trois stars de The Good Fight, ndlr], donc j’étais super heureuse pour elles. Tout comme pour les King qui ont un nouveau hit entre les mains. D’avoir participer à ces fondations, c’est génial.

En tout cas, voir Diane Lockhart dire “fuck”, c’est un grand moment ! Christine Baranski a l’air d’y prendre un certain plaisir.

Sûrement ! Mais surtout, vous savez, en tant que femme dans ce milieu, je suis très reconnaissante que quelqu’un comme Christine Baranski ait sa propre série. C’est si rare dans notre industrie. À Hollywood, généralement, les femmes qui ont plus de 30 ans n’ont pas leur propre série. Encore moins si on en a plus de 60. Donc je suis ravie.

“Alicia était un peu une antihéroïne, avec ses failles”

Vous avez incarné Carol Hathaway et Alicia Florrick, deux rôles iconiques, deux femmes fortes et complexes. Et si elles avaient été des hommes, on les aurait appelé “antihéros” et on aurait écrit des livres à leur gloire. Vous ne regrettez pas le manque de rôles de ce type pour les femmes à la télévision ?

Je crois qu’elles sont trop rares à la télé, en effet, mais aussi au cinéma. Je pense qu’on en voit davantage au théâtre, dans des rôles comme Médée ou Hedda Gabler. Mais plus généralement, je crois qu’ils vont devenir plus forts et plus courants, parce que le public est au rendez-vous. Les femmes veulent voir des femmes complexes. Elles veulent avoir l’opportunité de ne pas penser à leur propre vie pour un instant, tout en s’identifiant à quelqu’un d’autre. Donc les choses changent. Je suis reconnaissante d’avoir pu participer à ce changement. La télévision, c’est un medium qui touche tout le monde. Mais c’est si vaste maintenant, le paysage télévisuel est si immense qu’il y en a pour tout le monde. Et certains ont compris que les femmes adorent s’asseoir chez elles pour retrouver leurs personnages préférés, qui, bien souvent, sont aussi des femmes. Mais oui, je suppose qu’Alicia était un peu une antihéroïne, avec ses failles.

D’ailleurs, à bien des égards, The Good Wife était une série féministe et politique…

Oui, je le pense aussi. Je crois que ce qui l’a rendue aussi populaire, c’est que c’était une série judiciaire avec un arrière-plan politique. Et je sais qu’en tant que téléspectatrice, j’aime regarder des séries judiciaires, et j’aime regarder des séries politiques. Dans The Good Wife, c’était un joli mélange des deux.

Est-ce que vous n’auriez pas souhaité que The Good Wife soit toujours diffusée aujourd’hui, sous la présidence de Trump ?

Une part de moi, oui. [rires] Mais dans un sens, on aurait prêché des convertis. Je crois que les gens qui ont voté pour Trump ne sont pas toujours ceux qui regarderaient une série comme The Good Wife. En revanche, si on était toujours à l’antenne, je crois que j’aurais fait des suggestions pour trouver des moyens d’atteindre ces gens-là, d’être tous respectueux les uns envers les autres, de comprendre nos différences plutôt que de les craindre, ou d’être en colère. Parce qu’au final, la colère ne mène nulle part. Donc oui, j’aurais adoré en faire un moyen de tendre la main à ces gens-là, plutôt que de prêcher des convertis.

Sur une note un peu plus nostalgique, quel impact a eu la mort de Will et le départ de Josh Charles hors caméra ?

On était tous dévastés. Déjà, Josh était un ami très cher. C’est un acteur tellement merveilleux, j’ai vraiment adoré travailler avec lui. Mais pour la série, au-delà de la tristesse et des adieux à un ami précieux, ça a provoqué une sorte de choc, donné un élan d’énergie à la saison 5. Ce souffle nouveau apporté à la série nous a aussi permis de continuer d’une façon très intéressante. Ça a pris des proportions énormes. Et soudain, il y avait plus de téléspectateurs, dont certains ont binge-watché le show depuis le début pour être à jour, et c’est une nouvelle génération de fans qui est née.

Ce que j’ai préféré dans tout ça, c’est qu’au début, quand je suis arrivée sur cette série qui s’appelle quand même The Good Wife, les hommes croyaient que c’était une série féminine. Mais quand les gens ont assisté à la sortie de Josh Charles avec la mort de Will Gardner, et le bruit que ça a fait, j’étais plus souvent interpelée dans la rue par des hommes qui me disaient : “Je dois admettre, je ne regardais pas la série au début parce que je croyais que c’était un show ‘girly’, mais aujourd’hui, je ne peux plus m’arrêter de regarder”. Et on a donc tous ces nouveaux spectateurs masculins qui réalisent que c’était juste le titre qui sonnait, j’imagine, “trop féminin” pour eux. Je crois qu’à l’arrivée, on avait autant de spectateurs masculins que féminins.

“J’ai dû voler la garde-robe de Carol Hathaway !”

Pour finir, y a-t-il un souvenir ou une anecdote, sur The Good Wife ou du temps d’Urgences, que vous chérissez en particulier ?

Oh, il y en a tant ! Plus que je ne pourrais en compter ! Mais je vais vous raconter l’un de mes moments préférés sur Urgences. C’était ma toute dernière scène, on a tout filmé en secret parce que personne ne devait découvrir que George [Clooney, ndlr] était de retour. Même le cast ne savait rien, ça n’était pas dans le script. Même moi je ne savais pas, quand on a fait la dernière lecture du script de l’épisode final. Et c’est alors que le showrunner John Wells m’a dit : “Est-ce que tu peux rester s’il te plaît ?”, et George est arrivé et on m’a annoncé la nouvelle : “Écoute, il y a une fin différente. On ne peut mettre personne d’autre dans la confidence parce qu’on veut que ce soit une énorme surprise”.

Donc il nous ont fait voyager par avion séparément jusqu’à Seattle [le lieu du tournage, ndlr]. J’ai dû voler ma garde-robe ! Les gens du département des costumes ne devaient pas savoir alors j’ai volé les bottes et la veste d’Hathaway. Je me suis faufilée dans la loge maquillage ! Je me suis maquillée et coiffée toute seule dans la salle de bain. On avait loué une petite maison à ce couple, à qui nous avions fait signer un contrat de confidentialité ultrarigide. On a filmé avec un opérateur, John Wells à la caméra, et George et moi, c’est tout.

On a tourné cette scène dans le secret le plus total. Pour je ne sais quelle raison, on a fait le voyage du retour ensemble, dans le même avion, vers Los Angeles. Et je me souviens qu’on s’est regardé et on s’est dit : “Un moment comme celui que nous venons de vivre, ça n’arrivera plus jamais”. C’était un instant si définitif, mais aussi important pour ces deux personnages, pour qu’ils aillent de l’avant. Et je pense que c’est ce que le public voulait voir à la fin d’Urgences, et s’assurer que ces deux-là étaient ensemble. Donc oui, c’est un souvenir très spécial à mes yeux.

Si vous voulez voir, ou revoir, The Good Wife, Téva rediffuse ses sept saisons depuis le 22 avril dernier, tous les samedis à 20h50.