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Les Médicis, maîtres de Florence : “Les Médicis, c’est l’histoire de la civilisation occidentale”

Les Médicis, maîtres de Florence : “Les Médicis, c’est l’histoire de la civilisation occidentale”

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Par Delphine Rivet

Publié le

À l’occasion du lancement, ce mardi 25 octobre sur la plateforme SFR Play, de Médicis, maîtres de Florence, nous avons pu rencontrer Frank Spotnitz, le showrunner de cette grande saga familiale.

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Un soap à la sauce florentine

Nous sommes en 1429, à Florence. Giovanni Médicis, banquier du Pape et patriarche d’une des plus puissantes familles d’Italie, est assassiné. C’est en tout cas l’histoire que veut nous raconter Frank Spotnitz, derrière l’adaptation de The Man in the High Castle et scénariste sur X-Files.

Lorsqu’il a été approché par Altice Studios et la Rai pour écrire la saga romanesque Les Médicis, maîtres de Florence, Frank Spotnitz ne savait que très peu de choses sur la légendaire famille : “J’ai été fasciné par leur rôle dans la Renaissance et leur passion pour l’art.”

Difficile en effet de ne pas évoquer l’apport inestimable de ces mécènes en cette période de bouillonnement artistique. Donatello, Michel Ange, De Vinci, Boticelli… tous ont été parrainés par les Médicis.

Un projet ambitieux, porté par Dustin Hoffman dans le rôle de Giovanni, et Richard Madden (Rob Stark dans Game of Thrones) dans la peau de son fils, Cosimo, et tourné essentiellement en Toscane. Cette co-production internationale fait surtout la part belle aux acteurs anglo-saxons, ce qui crée un décrochage légèrement perturbant en version originale lorsque certains seconds rôles italiens s’expriment avec un fort accent.

L’histoire, celle que la série veut nous conter, est somme toute assez classique. Spotnitz a trouvé chez les Médicis le terreau idéal pour bâtir sa saga romanesque. Dustin Hoffman lui-même, nous assurent les producteurs, aurait dit oui tout de suite lorsqu’on lui a soumis l’idée. Après tout, les premiers grands soaps familaux ne datent pas d’hier. Par le passé, deux séries s’étaient même tiré la bourre en faisant un portrait sulfureux des Borgia (sur Showtime et Canal+). Les Médicis, version SFR Play, sont toutefois bien plus sages que leurs contemporains.

“En s’attaquant à des faits historiques, on a des archives, puis soudain, pendant 10 ans, plus rien sur la vie des héros, puis de nouveau des archives dans lesquelles se plonger, puis plus rien… Notre job, c’est de boucher les trous, en prenant des libertés parce que c’est mieux pour l’histoire que l’on raconte.”

On sent pourtant que beaucoup d’efforts ont été mis en œuvre afin d’inciter le public à s’intéresser à cette famille. Si l’angle choisi par Frank Spotnitz semble déroger un peu à la grande tradition du soap en costume en mettant en avant, non pas des intrigues de cours et des secrets d’alcôves, mais la naissance d’un système bancaire favorisant le libre-échange, le résultat est pourtant très conservateur.

“Comment convaincre des gens qui ne s’intéressent pas aux Médicis de regarder une série sur les Médicis ? On ne peut pas présumer du fait que les gens se passionneront pour une famille de banquiers du XVe siècle”, admet volontiers Frank Spotnitz.

Les Médicis, précurseurs de l’ascenseur social

Ce qui a surtout retenu l’attention de Frank Spotnitz, c’est leur contribution au système bancaire, tel qu’on le connaît aujourd’hui.

“Ce qui m’a le plus frappé, c’est que la finance était considérée comme un péché, la plupart des banquiers étaient des juifs car les chrétiens n’étaient pas autorisés à être banquiers. Et les Médicis ont réussi à convaincre les gens qu’ils n’étaient pas des usuriers, qu’ils ne faisaient pas leur fortune sur le dos de leur argent, mais grâce à l’échange. Et c’est comme ça qu’ils sont devenus les banquiers du Pape. Ils sont devenus très puissants.”

Mettre en avant une famille de riches banquiers, ce n’est pas exactement le parti pris le plus populaire qui soit en 2016. Mais Frank Spotnitz insiste : en incitant au libre-échange et au partage des richesses, les Médicis ont contribué à déverrouiller l’ascenseur social. À cette époque, si on naissait pauvre, on le restait. Et c’était valable pour toute sa descendance.

Mais en créant le prêt bancaire, les Médicis ont permis à tous de dépasser ce statut. Dès lors, n’importe qui avec une bonne idée pouvait se voir accorder un crédit et espérer s’élever socialement. “Et c’est le commencement de la classe moyenne, du monde dans lequel on vit aujourd’hui.”

Un positionnement qui leur a attiré de nombreux ennemis, notamment parmi l’establishment Florentin : les nobles de l’époque n’étaient pas franchement chauds pour que d’autres deviennent aussi riches qu’eux. “C’était une belle idée à explorer, surtout en 2016. En observant le passé, on comprend mieux le présent. Les Médicis ne sont pas une histoire italienne, c’est l’histoire de la civilisation occidentale.”

Première création originale pour SFR Play

Les Médicis, maîtres de Florence, c’est d’abord un pari pour Altice Studios qui apporte là sa première création originale à la plateforme vidéo SFR Play (anciennement Zive). Cette coproduction entre le Royaume-Uni et l’Italie a pour vocation d’être la vitrine du service VOD, qui se lance ainsi sur le marché de la production de contenus.

Au-delà des têtes d’affiches alléchantes, la série se vante aussi d’avoir pour influence des films de la trempe du Parrain de Francis Ford Coppola (auquel la scène d’ouverture avec la mort de Giovanni est un clin d’œil) et Amadeus, de Milos Forman.

Amadeus est une ‘fiction historique spéculative’. Parce que le film imagine que Salieri haïssait Mozart et on ignore si c’était vraiment le cas. Mais c’est une porte d’entrée dans l’histoire de Mozart. Donc on s’est dit ‘et si Giovanni de Médicis, le patriarche, avait été assassiné ?’. Donc on a décortiqué les livres d’Histoire et ce n’est pas précisé. Bien sûr, il y a eu des tentatives mais rien qui puisse expliquer comment il est mort.”

Pour financer cette grande fresque romanesque, les partenaires anglais et italiens (et Altice Studios, arrivé en cours de route sur le projet) ont mis sur la table une belle enveloppe de 27 millions d’euros. Les séries d’époque, ça coûte cher. Il faut bien sûr créer des costumes (2 500 pour cette première saison), mais aussi filmer en décors réels et y ajouter une bonne dose d’effets spéciaux pour reconstituer le Florence du XVe siècle, période à laquelle le Duomo n’était pas encore bâti.

Cette première saison est ainsi composée de huit épisodes qui seront mis à disposition sur SFR Play par paquets de deux, chaque semaine, suivant ainsi de quelques jours la diffusion sur la Rai. Au terme de ces quatre semaines, les abonnés SFR pourront voir et revoir l’intégralité de la série. Une seconde saison est en développement, bien que la commande n’ait pas encore été confirmée. Et parce que la saga des Médicis se raconte sur plusieurs générations, ce sont d’autres acteurs qui prendront la suite.