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Lettre à Buffy : tu es ma plus belle histoire d’amour sérielle

Lettre à Buffy : tu es ma plus belle histoire d’amour sérielle

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Par Marion Olité

Publié le

Buffy, tu as changé ma vie. 

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Le 10 mars 1997, tu te réveillais pour la première fois dans la petite ville de Sunnydale. Hantée par des visions cauchemardesques, tu allais faire la connaissance de Xander et Willow, tes futurs meilleurs amis, et de Giles, ton mentor. Tu allais devoir prendre tes responsabilités de tueuse et combattre toutes sortes de démons, réels et métaphoriques. Tu allais nous embarquer dans une aventure épique, tragique et magique, pendant sept saisons d’une incroyable densité.

C’est quelque chose d’assez spécial d’être une femme qui a grandi en même temps que toi. J’avais 14 ans quand j’ai commencé à te regarder sur M6 botter les culs des vampires. J’ai découvert en même temps que toi les grands bonheurs et les grands malheurs des premiers amours. J’ai rêvé de pouvoir balancer des kicks bien sentis à ces abrutis qui me menaient la vie dure. Le collège peut vite ressembler à un film d’horreur si on a la malchance de ne rentrer dans aucune case bien définie, et ça Joss Whedon, ton créateur, l’a bien compris. Tu as été mon exutoire, Buffy. Mon modèle et ma BFF.

Avec toi, mes années collège ont été plus douces. Et même si personne ne me comprenait, ou si peu (comme son héroïne, le fan de Buffy contre les vampires est un peu seul contre le reste du monde, qui de loin a toujours jugé cette série sympa mais kitsch avec ses monstres en latex), tu étais là pour me remonter le moral, pour me donner de la force, pour me dire de ne pas lâcher l’affaire.

“The hardest thing in this world is to live in it”

Ensemble, nous avons franchi des obstacles, nous avons connu des histoires d’amour déchirantes, nous avons lutté contre nos addictions, nous avons fait face à la mort (notamment dans l’exceptionnel épisode “The Body”), et sans vraiment nous en rendre compte, doucement glissé vers l’âge adulte. Nous avions des responsabilités (sauver le monde pour toi, pas simple). Nous avons connu des périodes assez sombres, tout en tentant de toujours chercher un équilibre, de s’écouter, d’essayer de mieux se comprendre. Nous avons pu mesurer la force de l’amitié, une autre forme d’amour, inconditionnelle, à rapprocher de l’amour filial. C’est cet amour qui a sauvé le monde, quand Willow n’écoutait plus rien ni personne (dans “Grave”).

Lentement, mais avec détermination, tu as trouvé ta voie. Pour cela, tu as dû t’émanciper des hommes, en particulier de ton mentor, Giles, que tu aimes comme un père, mais qui finissait par freiner ton évolution et ne pouvait prendre les décisions à ta place. Il voulait te protéger, mais c’est toi qui l’a protégé et sauvé maintes et maintes fois. C’est toi qui a le pouvoir, qui doit l’assumer, envers et contre tous parfois. Tu as appris à l’utiliser et finalement à le partager.

Quand j’ai commencé à te suivre, Buffy, j’étais fascinée par ta force, ta maturité (dès la saison 1, tu renonces à un potentiel amoureux par sens du devoir dans “Never Kill a Boy on the First Date”), et par ta faculté à vivre tes passions selon tes règles. Bien plus tard, j’ai réalisé que tu avais été mon premier role model féministe. Tu as ouvert la voie aux filles badass des années 1990-2000 comme Max dans Dark Angel, Sydney Bristow dans Alias ou encore Veronica Mars, ta petite sœur la plus légitime. 

Ta complexité, ton univers mythologique incroyablement riche, ton sous-texte psychologique, sociétal et politique encore totalement pertinent 20 ans plus tard, tes épisodes d’une audace folle (“Once More, with Feeling” et “Hush” entre autres), ton sens du cliffhanger qui tue (“WTF, Buffy a une soeur ?”, “OMG ils ont tiré sur Tara !”, “Mais ils ne peuvent pas tuer Angel ?!”), ton humour so meta, ta générosité, ton female gaze avant l’heure (pour notre plus grand plaisir, on les aura vus sous toutes les coutures, les abdos de Spike et Angel), tes drames dignes d’un bouquin de Shakespeare (pas étonnant, ton créateur en est dingue)…

Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, Buffy, tu m’as donné envie d’écrire sur les séries, de les analyser comme des objets d’art – de l’art intime et populaire dans le sens noble du terme, qui porte une responsabilité particulière. Tu as accompagné tant de vies et de changements de société. En apparaissant les soirs de prime time sur une grande chaîne américaine, tu as contribué à une représentation plus juste des femmes et des sexualités dans toute leur diversité.

Buffy, maintenant tu es partout. On retrouve des bouts de toi dans iZombie, Sweet/Vicious, Vampire Diaries, Supernatural ou Riverdale. Comme à la fin de la saison 7, où tu offrais ton pouvoir à toutes les jeunes femmes du monde – les “potentielles” qui avaient en elles tout ce qu’il faut pour rayonner, encore fallait-il qu’elles s’en rendent compte. Aujourd’hui, nous sommes toutes devenues des tueuses, Buffy. Et c’est un peu grâce à toi.