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Plaisir coupable : Charmed, un pouvoir des trois assurément kitsch

Plaisir coupable : Charmed, un pouvoir des trois assurément kitsch

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© The WB

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Par Florian Ques

Publié le

Avec huit saisons au compteur, Charmed s’est imposée comme un classique de la fin des années 90, sans même avoir recours à un sortilège.

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Avec Buffy contre les vampires et Gilmore Girls, la WB était à la fin des années 90 la maison d’une poignée de shows “feel good” et distrayants. Fusionnée avec UPN pour former la CW (Arrow, Jane the Virgin & co), la chaîne était également à l’initiative de Charmed, une petite série fantastique sans prétention qui a su séduire toute une génération de téléspectateurs.

Trois sœurs, 1 grimoire, beaucoup de possibilités

San Francisco, fin des années 90. Trois sœurs aux tempéraments contraires sont amenées à cohabiter ensemble dans la demeure familiale dont elles ont héritées. Tandis que la petite dernière rentre au bercail en provenance directe de la Grande Pomme, une tempête sévit sur la ville côtière et plonge la maison dans l’obscurité. Planche de ouija dégainée et grimoire poussiéreux déniché dans le grenier, le trio se découvre des pouvoirs magiques. Ces derniers s’avèrent plutôt utiles quand un démon menaçant les prend pour cible.

Si le pitch de base de Charmed peut passer pour excessivement kitsch de nos jours, ce n’était pas tout à fait le cas en 1998, année de diffusion du tout premier épisode. Le pilote avait même amassé dans les 8 millions de téléspectateurs, un sacré record pour la WB, qui n’avait encore jamais atteint de chiffres pareils. Chez nous, la série a été proposée 4 mois plus tard seulement (pas mal pour l’époque), en 1999, dans le cadre de la fameuse trilogie du samedi soir sur M6 (Buffy ! Roswell !). À croire qu’il y avait déjà un peu de magie derrière tout ça ? OK, c’était facile.

Les fans du show, encore en masse, n’ont certainement pas oublié les scènes de baston over-the-top où les soeurs Halliwell tabassent du démon à coup de télékinésie et potions magiques. Car Charmed, c’était surtout ça. Les épisodes suivaient un schéma bien précis, qui a probablement contribué au succès du programme. Prue, Piper et Phoebe (et plus tard Paige, prenant le relai de son aînée) mènent une journée tranquille jusqu’à ce qu’une créature malfaisante tente de dérober leurs pouvoirs. Le hic ? Les trois sorcières badass ne sont pas du genre à se laisser faire. Elles enchaînent alors backflips et coups de poing dans les faciès souvent déformés de leurs ennemis. Et ces ennemis, ils étaient nombreux.

Dix ans après son arrêt, la série culte laisse derrière elle une mythologie personnelle, qui s’appuie sur des emprunts à différentes cultures. Du Wendigo issu des légendes amérindiennes aux leprechauns du folklore irlandais, Charmed s’est façonnée un univers bien à elle avec des inspirations aussi variées qu’éclectiques. On se souvient encore de la Source ou bien de Balthazar et son visage effrayant, origine de pas mal de cauchemars de gosse.

Charmed, c’est aussi les vies sentimentales tumultueuses des sœurs Halliwell. Pendant ses multiples années à l’antenne, on a pu assister au rapprochement de Piper et Léo, à leurs hauts et leurs bas, à leurs moments attendrissants comme déchirants. Il y avait aussi Phoebe et ses innombrables prétendants collectionnés au fil des saisons. Puis sa liaison avec Cole (interprété par un Julian MacMahon pré-Nip/Tuck) demeurait une valeur sûre de la série.

Au bout du compte, s’il existe probablement quelques (rares) personnes à être passées à côté de ce phénomène, Charmed a touché la génération 90’s et continue de faire perdurer son héritage à travers d’inépuisables rediffusions sur la TNT. Si la série n’a jamais vraiment séduit la critique, le pouvoir des trois aura quand même protégé les trois sœurs de l’annulation pendant huit saisons. Plutôt douées, ces sorcières.

La scène culte : la mort de Cole

Semaine après semaine, les sœurs Halliwell dégommaient de nouveaux ennemis à l’envergure discutable tout en s’efforçant de gérer leurs vies professionnelles et amoureuses du mieux qu’elles le pouvaient. Phoebe, la plus fleur bleue de la fratrie, a eu le malheur de mélanger ces deux mondes plutôt incompatibles. La raison ? Cole Turner.

Initialement présenté comme un être maléfique manipulant les trois sorcières pour mieux les exterminer, Cole a su gagner en profondeur. Au fil des saisons, cet hybride mi-humain mi-démon a dévoilé une facette plus touchante de son personnage. La relation entre Phoebe et Cole, fondée sur le principe du fruit défendu à la Roméo et Juliette, venait parfaitement contrebalancer la romance plus pure et évidente de Piper et Léo.

Malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin et ce couple maudit ne fait pas exception à la règle. Dans le centième épisode de la série, comprenant que Cole et sa double personnalité démoniaque sont indissociables, Phoebe s’allie à ses sœurs pour le détruire une bonne fois pour toutes. La mort dans l’âme, elle lance une potion (what else ?) sur son bien-aimé et l’anéantit. Un twist très shakespearien à la sauce Charmed, en somme.

Cette scène est symbolique de tout l’esprit du show. On y retrouve tous les ingrédients qui ont élevé Charmed au rang d’objet culte : un grand méchant, du bon witchcraft à l’ancienne, une bonne dose d’émotion et, sans doute l’élément essentiel, une solidarité fraternelle à toute épreuve.

Si elles ne se comprennent pas toujours, les trois sœurs font en effet preuve d’une loyauté sans faille. Qu’importe la situation, rien n’a jamais réussi à diviser la famille Halliwell, pas même une Paige devenue reine des vampires pas très réglo ou une Phoebe avec une queue de sirène. Oui oui, ces deux choses ont vraiment eu lieu. C’est un peu ça, aussi, la magie de Charmed.

Un pur plaisir coupable

La première chose qui fait de Charmed un pur plaisir coupable, c’est inévitablement ses effets spéciaux un brin suspicieux. Pour la période, ils ne devaient déjà pas être transcendants. Une quinzaine d’années plus tard, ils sont encore moins impressionnants et tombent carrément dans le ridicule. Les petites poussières lumineuses lorsque les êtres de lumières se téléportent font désormais pâle figure face au Demogorgon de Stranger Things.

Pour la défense de Constance M. Burge, la créatrice du show, ce n’est pas tant la faute de la série. L’avancée toujours croissante en matière de qualité d’effets spéciaux fait que nous devenons, en tant que téléspectateurs investis, de plus en plus exigeants. Cet aspect est accentué à cette ère de “Peak TV“, qui nous encouragent à vite passer à une autre série si les effets sont trop mal faits.

Il n’y a pas que les FX à déplorer dans Charmed. Les make-up artists de la série devaient s’arracher les cheveux pour produire les tronches affreuses de Warlocks et consorts avec les moyens de l’époque. Concrètement, chaque nouvelle créature de l’univers fabuleux de Charmed avait de grandes chances d’être affublée d’un maquillage aussi douteux que son costume, digne d’un destockage Gifi.

Les intrigues, plutôt manichéennes et répétitives, ne tirent pas la série vers le haut non plus. Pourtant, zapper sur sa télé et tomber sur une rediffusion du show, c’est comme trouver son ancien doudou lors d’un grand ménage de printemps. On a l’impression de retomber en enfance, et c’est ce côté nostalgique qui permet à un nombre interminable d’œuvres de perpétuer leur héritage. L’alchimie entre Holly Marie Combs, Alyssa Milano et Rose McGowan joue pour beaucoup et permet de facilement s’attacher à leurs mésaventures plutôt WTF.

Alors oui, Charmed est indubitablement criblée de défauts mais ce n’est pas ça le plus important. Pendant huit saisons, on a adoré voir les trois sœurs botter le cul des démons, lesquels n’avaient de cesse de faire exploser les vitres de leur baraque plutôt que de gentiment passer par la porte d’entrée. On n’a jamais eu trop d’explications quant aux réparations, mais la fratrie Halliwell devait probablement avoir un budget entièrement dédié à Carglass (ou son équivalent américain, du moins).

Nous aussi, on avait envie de venir boire une pinte au P3 pour écouter une représentation live des Cranberries et parler de la grève des êtres de lumière avec Paige et Léo. Bien sûr qu’on crevait d’envie de feuilleter le Livre des Ombres et apprendre la recette pour un bon philtre d’amour. Puis, croiser Norman Reedus, Jon Hamm ou Amy Adams à leurs débuts, ça nous aurait bien dit. Nous n’aurons tristement plus l’occasion de faire tout ça, à moins qu’un éventuel reboot ne voit le jour ?

En attendant, si certaines séries plus récentes ont tenté en vain de surfer sur le genre de la série de sorcières (Witches of East End, The Secret Circle, Eastwick), aucune n’est encore arrivée à la cheville de la série. Car personne ne peut remplacer Charmed, son girl power façon 90’s et ses effets spéciaux cheap !