AccueilPop culture

Plaisir coupable : Gossip Girl ou les tribulations d’ados pourris gâtés à New York

Plaisir coupable : Gossip Girl ou les tribulations d’ados pourris gâtés à New York

Image :

© The CW

avatar

Par Florian Ques

Publié le

“I’m the best of the best. I’m Blair Waldorf.”

À voir aussi sur Konbini

Initialement une série de bouquins de chick lit, Gossip Girl a eu droit à son adaptation sur le petit écran grâce à Stephanie Savage et Josh Schwartz, à qui l’on doit notamment l’excellente Newport Beach. C’est l’une des rares fictions télé à avoir été réellement tournée à New York plutôt qu’en studio ou chez nos amis canadiens. Entre soap adolescent et défilé de mode, retour sur un phénomène de la fin des années 2000.

Sex, money and Louboutin

“Good morning, Upper East Siders. Gossip Girl here, your one and only source into the scandalous lives of Manhattan’s elite.” À prononcer avec la douce voix de Kristen Bell, de toute évidence. La rengaine vous est familière ? Gossip Girl, cette série pour ados lancée en 2007 aux States, dévoilait les dessous sulfureux de la jeunesse dorée new-yorkaise. Pendant qu’on collectionnait les paires de Converse et les sacs à dos Eastpak, les teenagers pétés de thunes du show sirotaient leurs frappuccinos sur les marches du MET, exhibant fièrement leurs dernières pompes Moschino.

Dans le pilote, le retour imprévu à la gare de Grand Central d’une Blake Lively pimpante (pré-mariage avec Ryan Reynolds, ça va de soi) met tout le microcosme richissime de l’Upper East Side en effervescence. Avant de bastonner du requin dans Instinct de survie, l’actrice campait Serena Van Der Woodsen, lycéenne aux longs cheveux soyeux dignes d’une pub L’Oréal, à la silhouette élancée telle un Ange de Victoria’s Secret. Mais ça, c’est un prérequis. Pour faire son nid dans l’univers bling bling de Gossip Girl, des atouts physiques majeurs ne sont pas négligeables. Le mot d’ordre : pas de place pour les moches.

Non, les jeunes de la série ne sont pas des modèles d’acceptation. Prenons l’illustre Blair Waldorf. Incarnée par la plus discrète Leighton Meester, Blair est la personnification même de la mean girl avec une resting bitch face maîtrisée et une répartie plus efficace que du venin de serpent. La relation toxique entre les deux fashionistas nous a introduit au concept tristement novateur de frenemy (“ami-ennemi”).

Qu’on se le dise maintenant que le show a tiré sa révérence : S et B = pire amitié au monde. Se taper le boyfriend de sa meilleure amie ? Check. Double check, même. Sous couvert d’une enfance commune et d’anecdotes partagées, les deux se font les pires crasses mais finissent toujours par se rabibocher. Best friends forever, n’est-ce pas ?

Autour des deux donzelles toutes de Chanel vêtues gravitent d’autres personnages plus ou moins notables. Nate, le beau gosse au charisme d’huître (la faute à des storylines ennuyeuses, on peut au moins accorder ça à son interprète Chace Crawford). Dan, l’outsider torturé. La virginale puis dévergondée Jenny. Enfin, Chuck, le bad boy au costard cintré et au nœud papillon délicatement noué. Un personnage aussi génial que complètement surréaliste pour son âge. Au bout du compte, tous incarnent des stéréotypes ambulants que l’on devrait détester. Et pourtant.

La scène culte : Blair bannit Jenny de l’Upper East Side

Chuck et Blair. Blair et Chuck. Les amants maudits de l’Upper East Side, façon Roméo et Juliette en uniformes preppy. Au fil des six saisons qui composent le show, ces deux-là nous auront fait vivre les hauts et les bas de leur relation tant autodestructrice que mélodramatique. Ils se sont déchirés et pardonnés presque autant de fois que Jenny a abusé de l’eyeliner (spoiler : ça fait beaucoup). Pour l’anecdote, l’histoire entre les deux gosses friqués n’était pas anticipée par le créateur de la série, Josh Schwartz. L’alchimie entre Leighton Meester et Ed Westwick aura eu raison des téléspectateurs, qui n’ont cessé de quémander leur dose de “Chair” à chaque épisode.

Emblématique, cette scène représente Gossip Girl dans toute sa splendeur : une intrigue soapesque réunissant tous les protagonistes, de la tension digne du meilleur épisode des Feux de l’amour et, par-dessus tout, des fringues qu’on jurerait tirées du dernier lookbook de The Kooples. Comme par magie, Dan, Serena et leurs parents se retrouvent au même endroit, un peu à la manière des collégiens qui s’amassent en troupeau lorsqu’une baston éclate sous le préau.

Un pur plaisir coupable

Gossip Girl est la définition même du plaisir coupable, dans le sens où on a conscience que c’est pas du Shakespeare et pourtant, on ne cesse d’en redemander. Un peu comme cette paire d’Uggs qu’on s’entête à vouloir porter chaque hiver. Les twists bas de gamme s’enchaînent à vitesse grand V au milieu d’intrigues capillotractées. Sincèrement, quel est le pourcentage de chances pour que le père de Chuck ait simulé sa mort pour échapper à ses créanciers ? Avant de réellement clamser en tombant d’un building sous le regard de son propre fils, qu’il avait juste avant menacé de faire interner ? Si ça n’a ni queue ni tête, il ne faut pas s’inquiéter : bienvenue dans l’Upper East Side, où un bal des débutantes peut dégénérer en accident de limousine (promis).

Même si nous étions fascinés par les histoires over-the-top de ces ados surréalistes, le show possédait bon nombre de lacunes, à commencer par sa difficulté à nous faire éprouver de l’empathie pour ses personnages. Pas de l’empathie à la “oh non, Serena s’est encore fait tromper, zut la pauvre”. Non, de l’émotion, de la vraie, celle qui prend aux tripes et qui nous met dans tous nos états. Malgré ses meilleures tentatives, Gossip Girl n’était pas un bon tire-larmes. Pendant qu’on galère à joindre les deux bouts et à payer nos factures, Blair et sa clique s’inquiètent d’organiser leur gala de bienfaisance. Pas easy de se projeter et de se mettre à leur place quand on réalise que leurs moindres intérêts tournent autour du flouz et du paraître.

Néanmoins, la série a su redorer son blason par d’autres aspects. Sa fonction principale : nous faire rêver. Ses soirées extravagantes nous donnaient des envies de tout plaquer et déménager à la Grande Pomme (bien sûr, l’excitation est vite redescendue quand on s’est aperçu du prix des loyers new-yorkais). De la robe Balenciaga au sac à main Valentino, la garde-robe inépuisable de Blair Waldorf reste encore aujourd’hui une référence indéniable. La mode occupait un rôle prépondérant dans le show, à tel point que la styliste Vera Wang et les mannequins Karlie Kloss et Tyra Banks sont apparues furtivement.

Au rayon des guests notables, Gossip Girl aura su les collectionner, qu’ils soient là pour pousser la chansonnette (Lady Gaga, No Doubt) ou simplement pour faire un cameo (Cyndi Lauper, Ivanka Trump et même la frenchie Lou Doillon). L’apparition de ces pop stars et autres it girls a contribué à ancrer le show dans la réalité, parfois même un petit peu trop. Comme quand on nous apprend que Lily, la mère de Serena, a eu une courte idylle avec un certain Nicolas Sarkozy. La série a d’ailleurs toujours eu un faible pour la France, engageant des acteurs frenchies (Roxanne Mesquida, Clémence Poesy, Hugo Becker) et venant carrément tourner à Paris le season premiere de la saison 4.

Grâce à son succès, l’opulence du show s’est exportée à l’international avec une version mexicaine, thaïlandaise et même turque. On terminera cette rétrospective par un bref hommage à la plus sous-estimée de mean girls : Georgina Sparks. Quoi qu’on en dise, Gossip Girl aura laissé sa marque sur le paysage sériel avec son fashion game haut niveau et ses coucheries interminables (à tel point que Vulture a mis au point une “hookup chart” pour s’y retrouver). XOXO.

PS : Dorota, we love you.

L’intégralité des six saisons de Gossip Girl sont disponibles dès maintenant sur Netflix.