En saison 2, Santa Clarita Diet joue brillamment avec les codes de l’horreur et ça lui réussit

En saison 2, Santa Clarita Diet joue brillamment avec les codes de l’horreur et ça lui réussit

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Par Delphine Rivet

Publié le

Si la première saison nous laissait franchement sur notre faim, la deuxième confirme que la série a de quoi devenir une petite merveille de comédie horrifique. Attention, spoilers !

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Avec sa saison 2, lancée sur Netflix le 23 mars dernier, Santa Clarita Diet trouve enfin son rythme de croisière. Plus sûre d’elle, la série embrasse complètement la satire, en retournant un genre dont tout le monde connaît les codes, et permet à son cast de s’élever au-dessus du jeu qu’il nous a offert en saison 1. À mille lieues de la sinistre The Walking Dead, elle prend une direction résolument attachante. Et ce sont ses personnages, plutôt que le sous-texte horrifique, qui donnent à Santa Clarita Diet toute sa saveur. On aurait souhaité que les membres de la famille Hammond trouvent leur place plus rapidement dans cet imbroglio, mais mieux vaut tard que jamais.

Zombie with a twist

Elle n’est pas la première à prendre le parti de rendre sympathique la figure du mort-vivant. Le film de 2006, Fido, marchait sur un bien joli fil avec cette idée, et en ce moment, sur nos écrans, iZombie continue de s’éloigner des standards établis par le cinéma de Romero. Dans la saison 1, Sheila (Drew Barrymore) était une bombe à retardement, incapable de canaliser ses pulsions cannibales. En saison 2, ses meurtres sont d’utilité publique.

Les Hammond sont évidemment attachants, mais surtout, ce sont de bonnes personnes. Oui, ça peut paraître contradictoire en sachant qu’ils hébergent en leur sein une dangereuse zombie. Dans un tout autre contexte, elle aurait été mise en quarantaine, ou aurait buté sa famille, ou serait la plus grande menace du voisinage. Mais les Hammond sont soudés, et s’adaptent. Sheila apprend à gérer un boss ultra-sexiste, Joel (Timothy Olyphant) brille par son pragmatisme et sa dévotion, et Abby (Liv Hewson) se fait le fer de lance des causes justes. Résultat, dans l’Amérique post-Trump, la série choisit de jeter en pâture une bande de nazis à son héroïne affamée et d’envoyer une adolescente faire exploser un site de fracturation hydraulique. Un compromis qui semble tout à fait raisonnable !

Une épidémie de zombies ne fait généralement pas de quartier. Ceux qui survivent ne sont pas nécessairement les plus vertueux ou courageux, et ceux qui meurent sont parfois innocents, parfois ce sont des monstres. Santa Clarita Diet s’oppose à tout un genre qui a érigé le cynisme au rang d’art. Elle opte pour une vision bien plus lumineuse des choses, et pas seulement parce qu’elle balance des répliques comiques toutes les 10 secondes.

Elle rejette la haine et ses héros s’interrogent sincèrement sur le bien et le mal. Ironiquement, Sheila est bien mieux dans ses baskets depuis qu’elle bouffe de la chair humaine. Et sa faim n’est pas seulement guidée par son envie de viscères frais puisque son appétit sexuel est aussi décuplé. Elle est en phase avec ses désirs. Au lieu de l’éloigner de ses proches, sa transformation les a rendus plus soudés que jamais et déterminés à maintenir les apparences d’une tribu sans histoire.

En marge de leurs petits tracas quotidiens, l’arche narrative de cette saison, qui se dévoile hélas un peu tard, s’attache à découvrir l’origine de la condition de Sheila. Et là encore, Santa Clarita Diet ne respecte rien (pour notre plus grand plaisir). Exit les virus pathogènes. Les seules responsables sont… des palourdes. C’est tellement con et si drôle à la fois de faire d’une cargaison de coquillages une potentielle menace mondiale.

The suburban life

Tout, dans cette série, joue sur le contraste permanent entre les lumières californiennes et les couleurs chaudes de cette banlieue aisée et bien proprette, aux pelouses taillées au millimètre, et le pendant gore et souvent absurde de ce que traversent les Hammond. Il faut faire bonne figure durant le barbecue des voisins, tout en préparant le prochain snack à base de nazi de Sheila.

Les banalités du quotidien prennent alors une tournure tragicomique, comme lorsqu’en saison 1, dans le tout premier épisode, Joel, dans un supermarché, restait figé devant plusieurs grille-pain. Complètement perdu, il essayait de digérer le fait que sa femme était une morte-vivante, que son rival au boulot (Nathan Fillion) la draguait ouvertement et qu’en tant que mari, il était bien désemparé face à tout ça.

Fort heureusement, en saison 2, Joel a trouvé sa place et l’interprétation de Timothy Oliphant s’en ressent. Il est l’époux attentif aux besoins de sa femme, un père aimant, qui, malgré sa grande nervosité, est prêt à tout pour protéger sa petite famille. Les deux ados, Abby et Erik, se taillent aussi la part du lion avec des trajectoires aussi touchantes que prometteuses.

Santa Clarita Diet, avant d’être une série de zombies, est surtout une “suburb comedy” qui explore les vicissitudes d’une famille de privilégiés dans une banlieue où, en apparence, il fait plutôt bon vivre. Et si ce sous-genre de comédie nous a bien appris quelque chose, c’est que, passé le perron d’une accueillante maison, les habitants ont tous leurs petits secrets inavouables.

On peut toutefois déplorer que certaines résolutions d’intrigues fassent un peu l’effet d’un rétropédalage, comme si la série refusait de franchir certaines lignes. Comme le sérum concocté par Erik (Skyler Gisondo), censé stopper l’aggravation des symptômes de Sheila, qui paraît bien pratique pour repousser à plus tard les conséquences d’une telle transformation.

Santa Clarita Diet manie encore un peu maladroitement petits et grands arcs narratifs, redoublant parfois d’efforts pour poser un cliffhanger à la toute fin d’un épisode, qui sera résolu dès la première minute du suivant. Sur une plateforme comme Netflix qui encourage le binge-watching, le suspense retombe vite comme un soufflé.

Mais malgré cela, la saison 2 se termine sur un twist qu’on n’avait pas vu venir. Mieux encore, la dernière scène ouvre des perspectives savoureuses, qui mettent encore un coup de canif au genre zombiesque. La pop culture nous a appris à craindre ces créatures, à les voir d’abord comme des personnes mortes devenues d’insatiables prédateur·trice·s. Ici, la série pose la question : et si Sheila, en sa qualité de ressuscitée, était en fait une sorte de messie ? Nous, on n’y croit pas une seconde, mais la pauvre Anne (Natalie Morales) en est, elle, persuadée.

Entre les saisons 1 et 2, la série passe finalement par une phase de mutation, à l’instar de Sheila (Drew Barrymore), que beaucoup de comédies ont connue : un lancement moyen qui mène à une suite nettement plus remarquable. Appelons ça la “saison de la maturité”, ou le “syndrome Community“, comme vous voulez. Toujours est-il que Santa Clarita Diet vieillit comme du bon vin. Son showrunner, Victor Fresco, étant aussi celui qui avait imaginé la très satirique “office comedy” Better Off Ted, on ne peut qu’être confiant sur l’avenir de la série. Cette nouvelle salve d’épisodes était, en tout cas, presque un sans-faute.