La saison 2 de Westworld booste toutes ses fonctions motrices dans un épisode sanglant

La saison 2 de Westworld booste toutes ses fonctions motrices dans un épisode sanglant

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Par Adrien Delage

Publié le

Branle-bas de combat chez les androïdes, qui lancent leur révolte dans un season premiere intense et violent. Attention, spoilers.

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Ces derniers temps, il ne fait pas bon vivre au parc de Westworld pour nous, humains. “Journey Into Night”, l’épisode d’ouverture de la saison 2, mais aussi et surtout le nom du dernier scénario écrit par le créateur de l’infrastructure et ses résidents, Robert Ford, a entraîné la révolte des androïdes. Les robots sont menés par Dolores d’un côté, et Maeve de l’autre, tandis que Bernard est confronté à une scission intérieure, déchiré entre sa conscience humaine (celle d’Arnold) et son corps mécanique.

Dès ses débuts, la saison 2 de Westworld pose donc des enjeux simples et excitants, qu’on peut résumer aussi facilement. Mais il ne faut jamais sous-estimer la plume trompeuse de Jonathan Nolan et Lisa Joy, créateurs et showrunners de la série la plus high concept depuis The Leftovers de Damon Lindelof. Vexé par l’efficacité et le theory crafting précis des Redditors en saison 1, le tandem s’est retroussé les manches pour nous écrire un nouveau chapitre qui s’annonce plus violent, plus ambitieux et plus énigmatique. Le labyrinthe de la conscience n’était que le début, nos esprits vont désormais s’égarer entre les dédales de cette mythologie fascinante qui cache d’autres parcs à l’extérieur.

Le voyage de Bernard

Cette saison, nos yeux de spectateurs captivés s’ouvrent à travers ceux de Bernard, ou plus précisément de son pendant humain, Arnold. Jonathan Nolan et Lisa Joy envoient un message fort à l’attention des spectateurs dès cette première scène : la temporalité n’est jamais un élément acquis dans Westworld. En effet, on comprend vite que Bernard est “pris au piège” de son propre esprit tourmenté : une timeline se situe juste après le massacre du gala, et une seconde semble être un bond dans le temps se déroulant des semaines après. Le cadre temporel du parc est indiscernable, nous sommes paumés, bon retour à Westworld.

Comme d’habitude, les signes physiques pour se repérer entre ces périodes sont peu visibles : Bernard a une blessure à la tête dans la première qui disparaît dans la seconde, Ashley Stubbs, attaqué et kidnappé par la Ghost Nation en saison 1, réapparaît comme par magie et des membres éminents de Delos Inc. débarquent sur l’île une quinzaine de jours après l’attaque. Si les informations sont floues pour le moment, il se pourrait même que les timelines soient multiples voire que la seconde ne soit qu’un rêve, une simulation ancrée dans l’esprit de Bernard pour lui soutirer des informations.

En effet, ce cher Bernard est aussi confus que le spectateur à la vue de la violence qui frappe le parc. L’équilibre des forces s’est inversé, puisque ce sont désormais les androïdes qui traquent les humains et assouvissent leurs pulsions d’une brutalité rarement atteinte dans Westworld. Dolores se permet même de paraphraser Ashley Stubbs devant un invité (“As-tu déjà questionné les conditions de ta réalité ?”, lui avait-il dit dans le pilote), affirmant qu’il y a plus de Wyatt que de Dolores dans cette âme vengeresse. L’ultime scénario de Robert Ford semble se mettre en place à mesure que les pions du jeu se déplacent sur l’échiquier du grand Ouest.

Par ailleurs, la présence du robot enfantin de Ford confirme une théorie majeure de la saison 1 : il n’est pas vraiment mort. L’ex-directeur du parc a probablement profité de son contrôle total sur l’infrastructure pour glisser des parcelles de sa conscience dans les recoins de sa création. Ainsi, il agit toujours comme le maître du jeu (comme le souligne la mélodie au piano qui continue de jouer malgré le chaos ambiant), et fait une nouvelle fois de William sa marionnette en lui proposant de trouver “la porte”. Parle-t-il réellement de la sortie du parc, ou s’agit-il d’une nouvelle métaphore pour permettre à l’Homme en noir de dépasser sa condition humaine et se diriger vers le transhumanisme ?

Dans les trous du lapin blanc

En fin de compte, Bernard pourrait suivre la trajectoire qu’a prise Dolores en saison 1 et s’enfoncer un peu plus encore dans le trou du lapin blanc. Un procédé narratif qui saura exciter les fans de la série, puisqu’il permet d’approfondir la mythologie exponentielle de Westworld. On pense par exemple aux multiples révélations de “Journey Into Night” : l’anomalie du cadavre du tigre (le parc 6 est-il consacré à la civilisation orientale ?), la localisation de Westworld dans la mer de Chine, les intentions de Karl Strand et des pontes de Delos Inc., le cadavre de Teddy qui implique la seconde temporalité autour de Bernard…

Au-delà de sa violence accrue, son rythme endiablé et ses acteurs toujours impressionnants (mention spéciale à Thandie Newton, exceptionnelle), la saison 2 de Westworld réussit un tour de force en nous replongeant dans son propos tout en le réinventant. Tous ceux qui avaient peur d’assister à un essoufflement, de perdre en surprise, seront rassurés : Jonathan Nolan et Lisa Joy maîtrisent à merveille le concept de la “mystery box” insufflé par J.J. Abrams, et perpétué par Damon Lindelof, Noah Hawley, Nick Antosca ou encore Bryan Fuller. L’effet mindblowing fonctionne toujours aussi bien, renforcé par une production value minutieuse et réaliste.

Si le chemin sinueux du show et son aspect spectaculaire, captivant ne vous suffisent pas, la saison 2 de Westworld se dirige doucement vers des sujets profonds voire existentiels. On pense évidemment à la notion de maternité, représentée par le personnage de Maeve, à la recherche de sa fille perdue. Dans le nouveau (et sublime) générique, cette thématique est carrément visible dans l’image de l’androïde serrant son bébé. Jusqu’où Maeve est-elle prête à aller pour récupérer son enfant ? Qu’est-ce que la maternité quand le principe de fécondation naturelle n’a pas été appliqué ? Peut-on aimer un être dont les sentiments ont été dictés par un scénario ? Tant de questions qui font de Westworld, à la manière de Lost à son époque, une véritable fresque philosophique voire métaphysique.

Il est difficile de trouver des défauts à la série de HBO tant elle assure, cochant tous les critères d’une œuvre créative et réfléchie, qui utilise à bon escient la boîte à outils narrative. Elle s’apparente au fameux concept de blockbuster intelligent, légèrement galvaudé dans le cinéma contemporain et si cher aux critiques des films de Christopher Nolan (ce n’est pas un hasard si son frère scénariste est aux commandes du show). Si tout va bien, que la saison 2 évite de s’embrouiller dans sa propre complexité, nous ouvre les portes de nouveaux parcs, traite ses personnages avec toujours autant d’amour et nous sort un épisode aussi magistral que “Trompe L’Œil”, alors on va sûrement assister à l’avènement d’une série culte.

La saison 2 de Westworld est diffusée tous les dimanches soir sur HBO et en simultané sur OCS City chez nous.