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Avec “San Junipero”, la saison 3 de Black Mirror passe de la dystopie à l’utopie

Avec “San Junipero”, la saison 3 de Black Mirror passe de la dystopie à l’utopie

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Black Mirror

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Par Marion Olité

Publié le

Vendredi 21 octobre, la saison 3 de Black Mirror, attendue de longue date, a été mise en ligne par Netflix. Six nouvelles histoires où la technologie pousse les humains dans leurs retranchements. Parmi elles, “San Junipero” a retenu notre attention. 

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Avec cet épisode, Charlie Brooker s’aventure dans un genre, la romance, qu’il avait jusqu’ici soigneusement évité. Les relations amoureuses ont bien été traitées, mais de la façon la plus sombre possible, dans le terrible “The Entire History of You” ou dans le tragique “Be Right Back”. Cette fois, triple surprise : “San Junipero” propose une vision plutôt optimiste de la technologie, mais s’attaque aussi à notre fascination pour le passé, sans oublier, cerise sur le gâteau, un… happy end.

Et elles vécurent heureuses…

1987. Alors que The Lost Boys passe au ciné, une jeune femme timide et un peu paumée, Yorkie (la craquante Mackenzie Davis, plus connue pour son rôle de Cameron dans Halt and Catch Fire) se rend dans une boîte de nuit, et va y rencontrer l’extravertie Kelly (la non moins craquante Gugu Mbatha-Raw). C’est le coup de foudre, mais leur histoire d’amour sera semée d’embûches. 

“Cette saison, nous avons souhaité avoir plus de variété dans le ton, car nous avions aussi six épisodes à gérer, contre trois auparavant. Et puis, je ne veux surtout pas que l’on devienne trop prévisibles.

On ne veut pas être catalogués comme la série dévastatrice qui va vous déprimer”, a confié Charlie Brooker à Biiinge lors d’un entretien à Londres.

Le showrunner touche complètement son but avec cet épisode très surprenant, que l’on pourrait qualifier un peu vite d’anti Black Mirror avec son ton doux, sentimental, laissant la place à l’espoir. Brooker a renoncé à la dystopie, par essence fataliste, pour se laisser tenter par l’utopie, où les histoires d’amour ne finissent jamais, où même la mort peut être vaincue (grâce à une firme qui vous envoie pour toujours dans un paradis virtuel). Il suit les codes de la romance, et on assiste à la valse hésitation de ces deux héroïnes attachantes : la séduction, la première nuit, les doutes, le dilemme, la décision finale.

Mais aussi original “San Junipero” soit-il, il répond en réalité à des codes 100 % Black Mirror : un gros twist (si vous ne comprenez rien au début, c’est normal !), la présence d’un monde futuriste et surtout l’utilisation de la technologie pour créer des dilemmes moraux chez les personnages.

… jusqu’à la fin des temps

L’écrasante majorité des scènes se déroule dans un monde rétro, soit un sacré pari pour une série d’anticipation. Là encore, Brooker est malin de s’attaquer à une tendance aussi présente dans notre société que le futurisme, son exact opposé : le rétro. Comment ne pas craquer pour l’histoire de Kelly et Yorkie, ces deux filles adorables, lookées so années 80, qui se déhanchent sur des titres dancefloor et optimistes (on sort de l’épisode avec “Heaven Is a Place on Earth” dans la tête) ?

L’époque choisie, les eighties, n’est pas anodine. Elle ne cesse de revenir en grâce ces dernières années dans les domaines de la musique, de la mode et même du ciné et des séries, en témoigne l’hystérie autour de Stranger Things).

“Le monde a tellement changé avec l’introduction de la technologie que cela devient difficile de se souvenir du monde d’avant, quand tout le monde n’avait pas les yeux rivés sur son smartphone, ou ne passait pas son temps à chater sur Facebook. Les gens trouvent un certain réconfort dans le passé”, commente Brooker. 

L’air de rien, “San Junipero” prend aussi de la hauteur en proposant une réflexion sur deux des états les plus fascinants de la condition humaine : l’amour et la mort, les deux étant intimement liés dans l’épisode.

Kelly, mariée IRL, va devoir choisir entre suivre son mari dans la mort — ce dernier ayant refusé l’option “San Junipero” parce qu’il croit en Dieu et pense être réuni au paradis avec sa fille — ou vivre à jamais (enfin, le temps qu’elle a payé la firme à conserver sa conscience, si on veut être très précis) dans cette maison sur la plage aux côtés de son nouvel amour, Yorkie. Elle doit à la fois choisir sa mort et son amour.

Et si l’épisode se termine sur une note a priori positive — Kelly et Yorkie ont droit à leur happy end (chose très très rare dans l’histoire des amours lesbiennes à la télé, qui mérite d’être saluée) —, cette utopie laisse forcément un arrière-goût doux amer. Dans ce paradis virtuel, seuls les sentiments ne sont pas aseptisés. Les deux amoureuses, comme un disque rayé, se rejoignent au même club et vivent en boucle leur histoire, façon un jour sans fin. La mort n’a jamais été aussi étrange et douce.

La saison 3 de Black Mirror est disponible en intégralité sur Netflix.