Les dessous du speed watching, ou comment mater ses séries en accéléré

Les dessous du speed watching, ou comment mater ses séries en accéléré

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Par Florian Ques

Publié le

Le binge watching, c’est tellement 2016. Pour la nouvelle année, la tendance aux États-Unis est au speed watching, autrement dit la dernière méthode en vogue pour dévorer le maximum de fictions en un laps de temps.

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Avec un surplus toujours croissant de séries en cette ère de “Peak TV”, nombreux sont les sériephiles à frôler l’indigestion et à regretter de ne pas pouvoir découvrir de nouveaux programmes à ajouter à leur planning séries. En somme, trop de choses à mater, pas assez de temps.

Mais ça, c’était avant. Depuis plusieurs mois, des adeptes de fictions se sont adonnés à l’exercice du speed watching qui, comme son nom le suggère, consiste à regarder ses séries préférées en avance rapide. Pour ce faire, YouTube propose cette fonctionnalité, de même que des extensions pour Chrome ou encore VLC permettent d’aboutir au même résultat.

Là où certains voient un sacrilège, d’autres trouvent dans le speed watching la possibilité d’économiser du temps tout en regardant davantage d’œuvres fictionnelles. Car non, cette méthode atypique de visionnage ne se limite pas aux séries et s’étend jusqu’à d’autres domaines culturels tels que le cinéma ou l’écoute de podcasts, comme le précise un article du New York Times.

“Dans un premier temps, j’avais déjà réduit le nombre de séries que je suivais, mais je ne voulais pas arrêter non plus. Puis étant en PACES [la première année de médecine, nldr], à un moment vous n’avez vraiment plus le temps de passer une heure à regarder une série,  j’ai commencé à utiliser l’accélération.”
— Théo S., 19 ans et étudiant

Dans une optique de gain de temps, avoir recours au speed watching apparaît comme une alternative légitime. L’offre en matière de séries est si étendue à l’heure actuelle qu’il est nécessaire de faire un tri pour sélectionner quelles œuvres visionner en priorité. Mater ses shows fétiches en accéléré permet de garder son planning toujours aussi rempli tout en mettant du temps de côté. Une décision compréhensible dans cette période historique, où pas moins de 455 séries américaines ont été diffusées en 2016.

Pour d’autres, ce n’est pas tant la perspective de gagner du temps qui les motive. Sur certaines séries vétérantes, avec plusieurs saisons au compteur, il n’est pas étonnant que certains perdent le fil et ne trouvent plus autant d’intérêt qu’avant dans les intrigues de leurs personnages un temps adorées. Or, dans une volonté de parcourir une œuvre dans son intégralité et d’éviter cet arrière-gout d’inachevé, le speed watching est une solution cohérente. On regarde tout en accéléré pour suivre un minimum le fil conducteur afin de boucler au plus vite la série et hop, l’affaire est dans le sac.

De l’autre coté du spectre, ce mode de visionnage n’amène-t-il pas à survoler des éléments-clés d’une série ? Regarder des slow burners intimistes et travaillés tels que Breaking Bad ou encore Rectify conduirait inévitablement ses spectateurs à passer à côté de l’atmosphère voulue par leurs créateurs. L’intention artistique serait alors écartée pour y préférer une découverte plus superficielle et, au bout du compte, impersonnelle.

Un récit est rendu accessible et a tendance à davantage toucher son public grâce aux émotions mobilisées. Malheureusement, ces dernières risquent de perdre de leur impact en avance rapide. Le rythme est très souvent un aspect que les réalisateurs et scénaristes soignent dans leurs œuvres, et le speed watching ne permettrait pas de rentrer dans l’histoire de la façon dont elle devrait être explorée (et appréciée).

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“J’ai regardé des vidéos YouTube en vitesse x1,25 pendant trois jours et je ne m’en suis même pas rendu compte.”

Je l’utilise plus par nécessité que par réelle envie, reconnaît Theo, adepte du speed watching. C’est toujours mieux de regarder une série en vitesse normale. Mais j’ai pris la mauvaise habitude de zapper les moments plus mous, même si j’ai le temps de regarder l’épisode sans accélérer.” Une réaction logique, comme le soutiennent Karen Banai et Yizhar Lavner. Ces derniers dévoilent dans une étude que le cerveau humain est capable de s’habituer sur le long terme à entendre des dialogues accélérés. Le revers de la médaille ? Un échange à vitesse normale peut leur paraître étrange, comme le souligne un article du Washington Post.

Cependant, il faut prendre des pincettes. Les pour et les contre se valent et peuvent sans aucun doute se défendre. Il existe une grande différence entre regarder un épisode de Game of Thrones accéléré en 120 % plutôt qu’en 200 %. D’un côté, les dialogues restent intelligibles et permettent indubitablement de terminer l’épisode plus rapidement. De l’autre, il est possible que Jon Snow ait la voix d’un Chipmunk et perde toute crédibilité. Comme dans beaucoup de situations, deux poids, deux mesures.