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The Get Down : Baz Luhrmann saisit la jeunesse bouillonnante du Bronx des 70’s

The Get Down : Baz Luhrmann saisit la jeunesse bouillonnante du Bronx des 70’s

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Par Marion Olité

Publié le

Netflix sort ce vendredi 12 août la très attendue première série de Baz Luhrmann, The Get Down, qui nous plonge dans le Bronx fiévreux et violent des 70’s, où résonnent les premières notes de hip-hop. 

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Du son, un gros plan sur une statue symbolique, un narrateur contemporain qui nous plonge dans le passé, un amour impossible, une ville fiévreuse et violente, de fausses images d’archive, de la poésie bruyante, la présence de la religion… Roméo + Juliette, le premier gros succès de Baz Luhrmann, portait en lui les germes de The Get Down.

Est-ce le sujet passionnant – la naissance d’un mouvement musical et culturel qui influence encore largement notre époque – ou le fait de s’intéresser de nouveau à la jeunesse ? Toujours est-il qu’après les empesés Gatsby le magnifique et Australia, le cinéaste a retrouvé son mojo en se plongeant dans sa toute première série.

100 % Baz Luhrmann

Série n’est d’ailleurs pas exactement le bon terme pour définir l’objet artistique (un pilote d’une heure et demie et cinq épisodes d’une heure pour cette “première partie”) auquel on a à faire. À  la manière de Martin Scorsese sur Vinyl, le pilote de The Get Down apparaît comme une sorte d’hybride un peu brouillon entre le format sériel et ciné. Il n’est pas exempt de défauts, ce qui s’explique : Baz Luhrmann est un cinéaste, pas un showrunner.

Réussir un pilote nécessite de maintenir un délicat équilibre entre une bonne exposition des personnages et de l’univers proposé, dessiner les enjeux de la saison tout en faisant preuve d’audace (personne ne veut regarder un truc ultra-scolaire à l’heure de la Peak TV). Peu y parviennent, et rarement les cinéastes.

Avec ce pilote d’une heure trente, Baz Luhrmann tombe dans l’écueil du trop-plein. Trop de protagonistes à peine esquissés, d’ambiances différentes qui manquent de liant : un style docu avec de vraies/fausses images d’archive mélangées qui évoque le procédé de Roméo + Juliette, du soap, du drama, de la romance. Empli d’une naïveté et d’une énergie qui part dans tous les sens, ce premier épisode est une ébauche brouillonne mais séduisante.

Jeunes et magnifiques

En revanche, là où The Get Down se distingue du grand frère rock Vinyl, c’est que les enjeux pour la suite sont clairs (les gamins vont tenter de devenir des artistes tout en faisant face à la violence du Bronx), et les personnages sont aussi différents qu’attachants. La team de boys menée par le sensible Ezekiel (excellent Justice Smith, vu dans Paper Towns) est à croquer. Leur dynamique et l’apport du charismatique Shaolin Fantastic (Shameik Moore) fonctionnent à merveille. Ces gamins sont créatifs, émerveillés, bouillonnants d’énergie et font tout pour s’en sortir dans un contexte de violence généralisée. Comment ne pas les aimer ? 

On met un peu plus de temps à s’attacher au groupe de filles, et à la trajectoire de Mylene (Herizen F. Guardiola), qui n’a qu’une idée en tête : devenir une reine du disco, quitte à rendre dingue son prêtre de père (Giancarlo Esposito aka Gus Fring dans Breaking Bad). C’est quand Baz Luhrmann consent enfin à la déniaiser et à lui donner une vraie épaisseur (à partir de l’épisode 3) qu’elle devient intéressante.

Sa relation impossible avec Ezekiel est à mi-chemin entre High School Musical et West Side Story ou Roméo + Juliette. Connaissant le penchant du cinéaste pour les histoires d’amour qui finissent mal, en général, gageons que la suite se rapprochera davantage des deux derniers films susmentionnés. 

The Get Down fait briller ses jeunes, mais a plus de mal à trouver le ton juste avec ses personnages adultes, un peu trop réduits à des caricatures (le producteur loser, la mamma mafiosa, l’oncle entrepreneur). Les anti-Luhrmann pourront arguer d’un manque de subtilité et désespérer de sa propension à l’agitation visuelle et sonore constante. L’homme a toujours privilégié l’énergie à la contemplation, le lyrisme au minimalisme, le postmodernisme au réalisme. Tout est question d’équilibre et le pilote passé, ses tics un peu énervants laissent place à l’essentiel : les jeunes et la musique.

Le bon flow

Vu l’amour que le cinéaste porte à la musique et à la danse depuis ses premières œuvres, il était plutôt bien placé pour prendre les rênes d’une telle série. The Get Down parvient avec brio à restituer la magie des débuts du hip-hop à travers ces gamins qui vivent leurs premières block party, apprennent à scratcher et à sampler, les yeux écarquillés devant la dextérité d’un jeune Grandmaster Flash (Mamoudou Athie). Ils sont à l’affût de la moindre mixtape du maître, de ses leçons aussi surréalistes que pertinentes (le coup du crayon dans l’épisode 2).

Évidemment, le cinéaste s’est entouré des meilleurs du domaine : entre autres Grandmaster Flash himself, Nas et Nelson George, historien du hip-hop et producteur exécutif sur le show. Les flashforwards en 1996, avec un Ezekiel devenu une star qui déverse son flow devant des milliers de fans, permettent aussi de montrer l’évolution du mouvement musical en vingt ans.

Les autres arts concomitants au hip-hop – le breakdance et le graffiti – sont tout aussi savamment mis en scène, notamment à travers le jeune Dizzee, incarné sobrement, avec ce qu’il faut de cool, par Jaden Smith. Et que dire du flamboyant Cadillac (Yahya Abdul-Mateen II), bad guy chaud comme la braise, qui nous transmet sa passion du disco ? Son déhanché et sa prestance rivalisent avec le John Travolta de La Fièvre du samedi soir, c’est dire.

La réussite de The Get Down tient à la peinture du Brooklyn des seventies, entre espoir de ses jeunes qui veulent bouffer le monde et inventent une nouvelle poésie (dont Ezekiel va devenir un des prophètes) et la réalité d’une violence qui peut éclater à tout moment, les traumatiser et couper court à leurs aspirations. Mais c’est aussi cette atmosphère et cette peur qui inspirent le MC en devenir. Et quand la caméra s’attarde sur l’acteur, le laisse déclamer ses mots et prend le temps de se poser, The Get Down atteint de vrais moments de grâce.

Les six premières parties de The Get Down sont disponibles sur Netflix depuis le 12 août.