The Son : un western efficace qui manque d’un grain de folie

The Son : un western efficace qui manque d’un grain de folie

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Pierce Brosnan as Eli McCullough – The Son _ Season 1, Gallery – Photo Credit: James Minchin/AMC

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Par Adrien Delage

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On n’a peut-être pas trouvé le successeur de Hell on Wheels et Deadwood, mais la série d’AMC reste un divertissement sympathique où l’on rencontre trois générations d’une famille texane. Attention, spoilers.

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Si les shows horrifiques et les séries de super-héros sont à la mode sur le petit écran ces dernières années, le western reste un genre peu exploité par les scénaristes. Les fans de la sombre Hell on Wheels ou de la cultissime Deadwood n’ont pas grand chose à se mettre sous la dent, si ce n’est la première saison de Westworld qui rendait hommage au genre à sa façon. C’était sans compter sur les deux créateurs de Hemlock Grove, Brian McGreevy et Lee Shipman, qui ont choisi d’adapter en série le best-seller The Son du romancier Philipp Meyer (Le Fils, publié chez Albin Michel en France).

Cette fresque américaine multigénérationnelle suit la vie d’Eli McCullough au milieu des années 1910, le père d’une famille pauvre résidant dans le sud du Texas, à la limite de la frontière mexicaine. Le patriarche rêve de richesse, persuadé que le sol de son État renferme du pétrole en abondance. Un pitch qui n’est pas sans rappeler le There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson. Mais avec la menace des tribus indiennes et le manque de moyens de transport dans ce Texas profond, les investisseurs sont réticents à installer des puits pour en extirper le potentiel or noir qui s’y terre.

Pour incarner cette figure pastorale, les créateurs ont casté un ancien James Bond en la personne de Pierce Brosnan. The Son marque le retour de l’acteur sur le petit écran, trente ans après avoir incarné le détective Remington Steele dans la série du même nom, programme qui animait probablement les après-midi TV & chill de vos grands-mères à la fin des années 1980.

Flashbacks et clichés du genre

A priori, Pierce Brosnan possède le charisme et la carrure pour incarner l’archétype parfait de l’antihéros à la Don Draper ou Heisenberg et donner un peu d’élan à ce western classique. Malheureusement, la série est vite rattrapée par des clichés du genre en dépit d’une narration dynamique, qui permet au spectateur de voyager dans le temps (coucou Westworld).

Ainsi, des flashbacks récurrents nous transportent au milieu des années 1800, où un jeune Eli McCullough (Jacob Lofland) voit sa famille se faire massacrer par des Indiens qui l’ont ensuite capturé et fait prisonnier pendant plusieurs mois. Ces retours dans le passé sont d’ailleurs bien plus prenants et intenses que les scènes longuettes du présent. Pas sûr que ce soit une bonne nouvelle pour la suite du show…

À travers cette narration “décousue” (on reste loin de celles de Lost et Westworld évidemment), on découvre les conséquences de ce traumatisme sur le Eli d’aujourd’hui. De sang-chaud, impitoyable, violent, buveur extrême de whisky, le personnage d’Eli McCullough n’échappe à aucun des stéréotypes du “Lone Star State”. Difficile d’être convainquant quand on est un acteur comme Pierce Brosnan, originaire d’Irlande… Mais l’homme porte plutôt bien le chapeau et les bretelles, si bien qu’on finit par apprécier ce cow-boy grognon et fatigué malgré l’accent so Irish qui trahit les racines de l’acteur.

Une ribambelle de personnages pas franchement folichons gravite autour du père de famille : son plus jeune fils rebelle Pete (Henry Garrett, Zero Dark Thirty) avec qui il s’entend très mal (cliché n° 1), l’aîné Phineas (David Wilson Barnes), qui attend patiemment que son père clamse pour reprendre le flambeau (cliché n° 2) et le “gringo” pas sympa et grand méchant mexicain Pedro Garcia (vous avez compris), incarné par Carlos Bardem.

Quant aux personnages féminins, ils sont quasiment inexistants dans le pilote et tristement relégués aux rôles de seconds couteaux voire aux scènes de sexe gratuites, trope bien trop dépassé en cette ère de Peak TV. Heureusement, une idylle naissante entre le jeune Eli et l’indienne badass Prairie (Elizabeth Frances, vue dans Love) pourrait redonner un peu de saveur à cet enchaînement de stéréotypes.

À la manière du pilote de Preacher, on ne sait pas trop où les créateurs veulent nous emmener à la fin de ce premier épisode. Mais la série de Seth Rogen et Evan Goldberg avançait de base des personnages déjantés et une violence soudaine pour nous captiver dès les premiers instants. On se doute qu’un complot se trame entre Eli McCullough, les Indiens et les nouveaux investisseurs venus pour le pétrole. Mais pour le moment, The Son est franchement léthargique par moment et le personnage de Pierce Brosnan ne fait que refléter ce sentiment à force de tirer la gueule à longueur de scènes.

Bref, il n’y a pas grand chose à dire sur cet épisode pilote, ni bon, ni vraiment mauvais. La production est solide (on est tout de même sur AMC, la chaîne de The Walking Dead), le casting efficace mais sans plus, le système de narration sympathique et les paysages du Texas superbes.

Toutefois, il manque un grain de folie et une pincée d’originalité dans le scénario pour réellement faire de The Son une bonne série. La suite nous en dira assurément plus, mais il n’est pas certain que ce pilote un poil trop poli et formaté suffise à convaincre les spectateurs de continuer à regarder les mésaventures d’un énième antihéros du petit écran, soit-il ou non situé dans l’univers envoûtant du Far West.

En France, la saison 1 de The Son reste inédite.