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La saison 1 de Westworld s’achève sur un final étourdissant

La saison 1 de Westworld s’achève sur un final étourdissant

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Par Marion Olité

Publié le

La première saison de Westworld s’est achevée en apothéose ce week-end, sur un épisode d’une densité incroyable. Attention, spoilers. 

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“I’m in a dream.” En écho à la toute première scène de Westworld, Dolores (Evan Rachel Wood) prend la parole pour emmener le téléspectateur par la main, et lui raconter son histoire. Avec ses airs de demoiselle en détresse, en attente d’un homme pour la sauver et ses régulières crises de larmes, il faut bien avouer qu’elle avait fini par nous agacer, Dolores. Et toute notre attention avait été reportée sur Maeve (Thandie Newton), la badass girl, celle qui allait vraiment briser la boucle. Sauf qu’à l’image du créateur du parc d’attraction, Robert Ford (Anthony Hopkins), les showrunners Lisa Joy et Jonathan Nolan ont plus d’une corde à leur arc narratif. Et ils le prouvent magistralement en une heure et demie de scènes aussi épiques qu’introspectives.

Welcome to the world

Le titre de l’épisode, “The Bicameral Mind”, n’est pas anodin. Il fait référence au livre controversé du psychologue Julian Jaynes, The Origin of Consciousness in the Breakdown of the Bicameral Mind. Sa théorie : avant d’être conscient, l’esprit humain était divisé en deux parties (il était bicaméral), celle qui écoute et obéit, et celle qui parle (donc avant celle qui ressent, réfléchit et exprime ses sentiments). Pour Jaynes, l’homme bicaméral d’il y a environ 3 000 ans n’avait pas conscience de lui-même et de ses actions. Un peu comme un animal qui chasse, copule et se nourrit par instinct de survie, mais ne pense pas.

Dans Westworld, cet être humain bicaméral est représenté par les humanoïdes, créés par Robert Ford et Arnold Weber. Dolores, Maeve, Teddy et les autres sont enfermés dans une boucle narrative qui ne prend fin que quand les concepteurs décident de les remettre à jour et de les lancer dans une nouvelle aventure. Ils sont réduits à leur partie du cerveau qui écoute et obéit. Dolores écoute les voix des hommes (ses concepteurs) dans ses “rêves”, et leur obéit, comme s’il s’agissait de divinités.

Dans ce season finale, le show prend le parti audacieux de répondre à de nombreuses questions dont celle de la signification du “Maze”, ce fameux symbole qui représente un labyrinthe, et la clé de tout pour l’Homme en Noir. Il n’avait pas tort, seulement, ce n’est pas sa clé, mais celle des humanoïdes. Elle symbolise l’éveil de leur conscience, dernière barrière qui les sépare de l’humanité, s’ils parviennent au centre. Pour en arriver là, Dolores passera par l’introspection et la reconnaissance de ses actions passées.

Mais dans Westworld, on ne peut jamais vraiment être certain qu’un humanoïde a réellement conquis son libre arbitre. La trajectoire de Maeve le prouve : tout au long de la saison, elle semble se libérer de ses entraves une à une, avant qu’un rebondissement ne nous fasse douter. Et si elle était programmée pour se révolter ? Et s’il s’agissait seulement d’un nouvel arc narratif inventé par ce grand malade de Robert Ford ? À moins que son code n’ait été modifié par Arnold de son vivant… La réalité a-t-elle encore un sens ?

Storytelling

C’est là où ce season finale de Westworld atteint quasiment la perfection. Il allie habilement une dimension méta (c’est une série dans la série, avec des arcs narratifs pour les personnages, imaginés par les créatifs), métaphysique, le tout avec un sens assez brillant du divertissement. La structure de l’épisode, qui répond au season premiere, a été minutieusement pensée. C’est de nouveau Dolores qui ouvre et clôt l’épisode. Certaines phrases entendues dans le pilote et réutilisées dans le season finale prennent un nouveau sens (These violent delights have violent ends”). Mais cette fois, la boucle répétitive sera brisée par la créature d’Arnold et Robert.

Si on peut reconnaître à The Walking Dead une grand maîtrise du cliffhanger (créer un récit qui s’achève sur un suspens insoutenable, type qui Negan va-t-il tuer ?), Westworld est passée maîtresse dans l’art d’un autre outil narratif bien plus intéressant et compliqué à manipuler : le twist. Au cours des dix épisodes, on avait eu un petit aperçu de ce dont Lisa Joy et Jonathan Nolan étaient capables. Les plus gros twists concernaient le personnage de Bernard (Jeffrey Wright) dont on apprenait successivement qu’il était un humanoïde, puis dans l’épisode 9 qu’il partageait la même enveloppe charnelle (et un peu de souvenirs mais tout cela reste un peu flou) que le co-créateur de l’univers, Arnold. Pour ce season finale, les enjeux ont été démultipliés et les twists s’enchaînent à un rythmé effréné, quasiment toutes les demi-heures.

C’est en entrelaçant les timelines que la série nous offre le twist le plus spectaculaire de la saison, concernant les origines de l’Homme en Noir. Westworld a digéré les pionnières de la narration déconstruite (Alias, Lost, True Detective, American Horror Story…) pour venir réclamer sa couronne de série totale. Plus encore que le discours métaphysique, pour le moment assez simple (“il faut souffrir pour gagner son humanité”, dit en substance Robert Ford à Dolores, c’est un peu court), ce season finale reflète l’ambition de Westworld de s’imposer comme la série définitive sur le storytelling. 

Comment raconter l’histoire parfaite ? En alliant le sujet le plus abyssal (l’être humain, ce qui le compose, sa quête de sens dans l’univers, sa peur de la mort) à la forme la plus divertissante (le bon vieux genre du western avec ses scènes de baston et ses paysages magnifiques) sans oublier de lier tout cela par une narration ultra-maîtrisée (des personnages complexes, des révélations fracassantes et une bande son épique pour sublimer le tout).

Oui, Westworld est parfois parfaite, comme dans ce season finale, et elle en a conscience. La scène finale du massacre des invités par Dolores, et de la (fausse ?) mort de Robert Ford (qu’il a savamment mis en scène) pose autant de questions que le season finale ne nous avait donné de réponses. Héritage lostien, quand tu nous tiens. Il faudra évidemment attendre la suite de la série pour arguer de sa profondeur philosophique et de sa cohérence sur le plan narratif (quand on joue avec les temporalités, il ne faut pas se planter au risque de perdre une partie des fans). Cette première saison, qui s’achève magistralement, aura servi à nous exposer les règles du jeu, et les forces en présence. On a maintenant hâte d’assister à leur déchaînement.

En France, la première saison de Westworld est diffusée sur OCS.