Il faut qu’on parle de ce cliffhanger jouissif dans la saison 2 de Westworld

Il faut qu’on parle de ce cliffhanger jouissif dans la saison 2 de Westworld

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Par Adrien Delage

Publié le

“Hello, old friend.” Attention, spoilers.

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Si les voyages initiatiques de Dolores et Maeve sont au centre de l’intrigue de Westworld, force est de constater que les twists scénaristiques majeurs, du genre à vous faire valser de votre canapé, s’articulent autour de Bernard. En déployant cette narration complexe et sinueuse, Lisa Joy et Jonathan Nolan continuent de construire autour de l’androïde façonné à l’image d’Arnold l’une des énigmes les plus insaisissables et captivantes de la série. L’épisode “Phase Space” n’échappe pas à la règle et nous voilà désormais aussi paumés que Bernard dans les données du Berceau.

Si la narration de Westworld s’était un peu écartée du personnage le temps de montrer la grandeur de Shogun World, les enjeux du parc de Delos nous reviennent en pleine poire dans ce sixième épisode. Ne tournons pas autour du pot plus longtemps : le retour de Robert Ford était à la fois prévisible (Anthony Hopkins oblige) et inespéré. Et pourtant, le créateur de Westworld a distillé auprès des pions de son jeu (et des spectateurs) des indices de son retour depuis le début de la saison 2, comme un certain petit garçon d’un conte de Charles Perrault saupoudrait des miettes de pain sur son chemin pour le retrouver.

Ford l’omniscient

Figure divine du parc et de la série, Robert Ford connaît les moindres recoins et secrets de sa création. Cette position omnipotente lui permet de manipuler ses acteurs comme un marionnettiste tapi dans l’ombre. Outre le jeu mystérieux prévu pour William, Ford semble tisser les fils du destin de Dolores, se prenant pour une Parque de la mythologie romaine. En effet, contrairement aux révélations de la saison 1, la fille Abernathy pourrait obéir au dernier plan, ou scénario, du big boss comme le suggère la mise en parallèle du premier et du dernier plan de l’épisode (Dolores joue au piano, puis Ford occupe ce même siège).

Pour cet architecte wachowskien, les grands artistes de notre civilisation sont immortels. Pas physiquement, mais de façon spirituelle à travers leur musique comme il l’indiquait dans la première saison. Or, Ford est devenu une entité musicale à part entière, symbolisée par le piano et sa mélodie qui permettaient de débuter chaque matin les différents scénarios des androïdes du parc. Pour ce faire, il a transféré sa conscience dans le Berceau, sorte de gigantesque réceptacle à data, où sont stockés les multiples personnalités et historiques des robots.

“Un vieil ami m’a dit un jour quelque chose qui m’a beaucoup réconforté. Quelque chose qu’il avait lu. Il m’a dit que Mozart, Beethoven et Chopin n’étaient pas morts. Ils étaient simplement devenus musique.” Robert Ford dans “The Bicameral Mind”

Ainsi, Ford est parvenu (grâce à son fidèle acolyte Bernard/Arnold, qui n’en garde que quelques bribes de souvenirs via la scène de la petite boule rouge) à une forme d’immortalité. Mieux, il a relevé le défi raté de William, qui tentait tant bien que mal de préserver James Delos de la mort en transposant sa conscience dans un corps d’hôte. On sait désormais que les 149 tentatives n’ont rien donné, l’hybride n’arrivant pas à accepter sa réalité, celle d’avoir survécu à la Faucheuse. Ford a donc trouvé un autre moyen pour s’extirper de la caverne de Platon et accéder à une nouvelle réalité.

De cette manière, le créateur du parc garde la mainmise sur tout ce qui s’y déroule. Il prémunit les membres de Delos contre un possible hack, guide les âmes perdues à travers la Ghost Nation (une humble théorie par l’auteur de cet article exprimée par la suite), assure la révolte via Dolores et joue avec (se joue de ?) William. On a d’ailleurs entendu de nombreux signes de cette omniscience absolue sur son attraction : sa voix dans la version jeune de son androïde dans le season premiere, puis celles d’El Lazo (incarné par Giancarlo Esposito) et la fille de Lawrence, avant de croiser le chien de son enfance vu en saison 1. C’étaient déjà des preuves irréfutables d’une présence spectrale dans le parc.

En vérité, ce cachottier d’Anthony Hopkins nous avait teasé le retour de son personnage dans le plus grand secret en amont de la saison 2. Le 24 avril dernier, il publiait ni vu, ni connu une vidéo de lui en train d’interpréter une belle mélodie au piano. Vous l’aurez deviné, il s’agit du même morceau joué par Robert Ford dans “Phase Space”. Plus doux et discret, mais moins drôle que sa danse flippante pour le retour de la série.

Les enfants de Ford ?

Si on ignore les véritables intentions de Ford à l’égard de Dolores, MacGuffin de cette deuxième saison, les enjeux autour de Maeve et William commencent à se dessiner. Comme lorsque Jacob cherchait un candidat pour protéger l’île de Lost, le créateur de Westworld souhaiterait transmettre sa volonté à Maeve. En accédant à l’esprit bicaméral, qui lui permet notamment de contrôler les hôtes, l’ex-tenancière du Mariposa est sortie de sa boucle narrative (une théorie confirmée après la diffusion du season finale de la saison 1 par Jonathan Nolan en personne).

Or, Robert Ford chercherait potentiellement à la remettre dans le droit chemin, ou plutôt celui qu’il lui réserve. Cette théorie est soutenue par les propos du leader de la Ghost Nation, qui lui ordonne dans “Phase Space” : “Viens avec moi, car nos destins sont liés”. Un second indice nous met la puce à l’oreille. Il s’agit du mot laissé par Felix indiquant la localisation de sa fille, où l’on pouvait lire : “Parc 1, secteur 15, zone 3”.

En sachant que Joy et Nolan ne laissent jamais rien au hasard dans leur bébé, ces chiffres coïncideraient avec un récit biblique. Si l’on considère que la Génèse est le premier livre de la Bible, 15 est le chapitre et 3 le psaume correspondant, on trouve cette citation d’Abraham : “Voici, tu ne m’as pas donné de postérité, et celui qui est né dans ma maison sera mon héritier”. Autrement dit, c’est un message caché de Ford adressé à Maeve qui fait d’elle son héritière. On découvre d’ailleurs dans l’épisode 6 que sa fille a une nouvelle mère, laissant Maeve sans famille.

Quant à William, tout porte à croire que Ford le guide vers un dilemme, la fameuse porte. Il ne s’agirait pas d’une voie d’issue mais bien d’une métaphore vers l’immortalité, ou au contraire, la mortalité. Ainsi, un léger détail au détour d’une phrase sème le doute sur l’identité de l’Homme en noir : et s’il était un androïde depuis le début de l’histoire ?

Outre la métaphore de l’amour et la réponse à l’énigme du Sphinx, c’est un dialogue entre William et sa fille qui tend à argumenter cette théorie. Alors que les deux personnages discutent de Juliet, l’Homme en noir confond Grace et sa femme à propos d’une phobie des éléphants pendant un séjour à The Raj. Or, William est un homme profondément intelligent, rigoureux et pragmatique, pas franchement du genre à oublier ce type de détails. S’il est bien un hôte, la porte de Ford le mènerait alors vers un choix shakespearien : le déni de sa nature véritable en tant qu’androïde (la mort) ou l’acceptation de celle-ci (l’immortalité, offerte par un clone de son corps jeune et la possibilité de vivre définitivement son histoire d’amour avec Dolores via un transfert de conscience).

En France, la saison 2 de Westworld est diffusée en simultané avec les US sur OCS City.