X-Files s’attaque aux fake news avec l’hilarant épisode “The Lost Art of Forehead Sweat”

X-Files s’attaque aux fake news avec l’hilarant épisode “The Lost Art of Forehead Sweat”

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Par Delphine Rivet

Publié le

Le scénariste Darin Morgan revient avec un épisode maîtrisé et hilarant, et réaffirme l’importance de la comédie dans une série aussi sérieuse que X-Files.

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S’il y a une chose que X-Files réussit à la perfection, c’est le glissement d’un genre à l’autre. Bien sûr, chacun d’entre nous aura ses préférences entre la conspiration qui lui sert de fil rouge, les épisodes “monstre de la semaine” ou les bulles d’oxygène que permettent ses parenthèses comiques. Et à ce petit jeu, s’il y a un scénariste de X-Files qui sort du lot, c’est bien Darin Morgan. On lui doit notamment le très réussi “Humbug” et son freak show (saison 2, épisode 20), ou encore “Mulder And Scully Meet the Were-Monster” (l’épisode 3 de la saison passée).

This is fake news!

Celui-ci, intitulé “The Lost Art of Forehead Sweat” est dans la droite lignée de ce qu’il a écrit auparavant. Darin Morgan, c’est celui qui aime jouer avec notre perception des événements, prend un malin plaisir à tourner en ridicule – toujours avec bienveillance – la mythologie que la série a mis plus d’une décennie à bâtir. Si ce n’est pas ce que l’on retient en premier d’une série comme X-Files, la comédie en est pourtant un des piliers. Et cet épisode 4 de la saison 11 est une petite merveille en la matière.

Ici, X-Files a décidé de mettre à l’épreuve son célèbre mantra, “La vérité est ailleurs”. Parce qu’à l’ère de Trump, il semble que personne ne parvienne à s’accorder sur ce qu’est, justement, la vérité. Parce que, vous l’ignoriez sans doute, mais les fake news sont l’œuvre d’un seul homme (et non, ce n’est pas le Potus) et leur diffusion est garantie par les moutons de Panurge que nous sommes. Yep, c’est la conspiration la plus voyante, et pourtant la plus méconnue de notre histoire contemporaine. Un vrai délire collectif.

Tout commence avec Reggie Something (joué par Brian Huskey). Oui, alors, bien entendu, Something n’est pas son vrai nom. Il ne s’en souvient plus. Donc ce sera “Reggie Machin”, un point c’est tout. Donc, tout commence avec Reggie, qui contacte Mulder, comme le faisait en son temps Gorge Profonde. Là, dans ce parking abandonné, il lui explique qu’il est au cœur d’un complot visant à manipuler la mémoire collective. Et lui, en l’occurrence, a été effacé de certains événements dont il se souvient pourtant comme si c’était hier.

C’est une manifestation contrôlée de “l’effet Mandela“, un phénomène de mémoire collective… erronée. La culture pop est jalonnée de ces “distorsions de la réalité”. C’est ce qui fait, notamment, que beaucoup de gens sont certains que Nelson Mandela est mort en prison en 1980 (ce qui a donné son nom à l’effet en question). On rencontre aussi ce phénomène dans des œuvres ancrées dans l’inconscient collectif. Par exemple, non, Dark Vador n’a jamais dit à Luke Skywalker, dans L’Empire contre-attaque, “Luke, je suis ton père”. Pourtant, on est tous persuadés d’avoir entendu ces mots sortir de sa bouche. Nope.

Plus méta, tu meurs

Pour convaincre Mulder que sa mémoire a été également manipulée, Reggie lui dit que son épisode préféré de The Twilight Zone (La Quatrième Dimension), intitulé “The Lost Martian”, n’existe pas. Impossible, notre agent du FBI est un fan ultime de la série SF, il a même un souvenir très prégnant de lui, enfant, devant cet épisode. Et bien sûr, en rentrant à son bureau, aucune trace nulle part dans son stock d’enregistrements en VHS du Martien en question.

Ce qui donne lieu au meilleur dialogue de l’épisode, entre Mulder et Scully, quand cette dernière insinue que, peut-être, il a confondu avec une autre série, The Outer Limits (Au-delà du réel). Outré, son partenaire rétorque : “Confondre The Twilight Zone avec The Outer Limits ?! Est-ce que tu me connais vraiment ?!!” La caméra nous montre ensuite, sur le canapé de ses parents, un garçon de 8 ans… avec la tête du Mulder d’aujourd’hui greffée dessus. L’effet comique est immédiat. Mais l’on comprend aussi que c’est son cerveau d’adulte qui a probablement créé ce souvenir de toutes pièces.

Pour Scully, c’est sûr, c’est juste une manifestation un peu exacerbée de l’effet Mandela, rien de plus naturel et cartésien. Pour Reggie, c’est une conspiration à l’échelle d’un pays (au moins !). Pour Mulder, c’est forcément la marque d’univers parallèles. Mais l’étrange bonhomme va peu à peu semer le doute dans l’esprit de nos agents, en leur expliquant qu’il est à l’origine des X-Files. Là, la série nous offre un petit montage jouissif dans lequel Reggie est inséré dans des scènes d’anciens épisodes. Mieux encore, le générique est revisité et instrumentalisé à la bouche, avec une apparition de l’agent spécial Reggie Something. Plus méta, tu meurs.

Rencontre du troisième type

Tout l’épisode jouera sur ces changements de perception, ces petites bizarreries dont on finit par se convaincre qu’elles sont normales. Jusqu’au moment où Reggie raconte que Mulder, Scully et lui ont bien rencontré un alien et lui ont même parlé, mais que la scène a été effacée de leur inconscient. La séquence, elle aussi, est un sommet de drôlerie.

L’extraterrestre demande d’abord aux agents de ne plus envoyer personne dans l’espace, parce que ce ne sont pas les meilleurs d’entre eux qui s’y rendent. Il prévient : ils vont finir par construire un mur pour séparer l’humanité du reste de l’univers. On sent le ras-le-bol dans la voix de l’alien… sauf qu’il reprend la même rhétorique que Donald Trump avec les Mexicains. On rit jaune.

Il confie alors à Mulder un livre intitulé All the Answers (“Toutes les réponses” en français) pour le dissuader de poursuivre sa quête obstinée. Notre héros s’effondre au sol, comme un gamin à qui on a bouffé les bonbons d’Halloween. Parce qu’au fond, ce que veut Mulder, c’est trouver lui-même la vérité, pas qu’on la lui file sur un plateau. Grosse crise existentielle en vue… mais tout a (heureusement ?) été effacé de leur mémoire collective.

La fin des conspirations, c’est la fin de Mulder et Scully. Et sans doute qu’ici, Darin Morgan prophétise la fin de X-Files, qui n’a pas su se faire une place dans cette époque, comme elle l’a brillamment fait auparavant. Les temps changent, mais notre duo court toujours après la même chose, dans un monde où les faits les plus élémentaires sont niés.

Entre ceux qui pensent que la Terre est plate, ceux qui ne croient pas à l’efficacité des vaccins, et ceux qui affirment avec un aplomb désarmant qu’ils sont des génies quand le déficit intellectuel est manifeste (oui, on parle de Trump)… Le président américain a fait du mensonge une arme redoutable. X-Files, avec “The Lost Art of Forehead Sweat”, nous rappelle à la dure réalité : il n’y a plus de frontière entre ce qui est vrai et ce qui est faux si tout le monde se met à croire ce qu’il veut. La quête de vérité de nos deux agents a rarement été plus drôle et philosophique à la fois.