AccueilPop culture

Jenni Konner, cocréatrice de Camping avec Lena Dunham, nous parle de l’après Girls

Jenni Konner, cocréatrice de Camping avec Lena Dunham, nous parle de l’après Girls

Image :

Jenni Konner, Juliette Lewis et Lena Dunham sur le tournage de Camping (©HBO)

avatar

Par Marion Olité

Publié le

On a rencontré Jenni Konner, la moitié moins médiatisée du duo créatif formé avec Lena Dunham depuis Girls. Les deux femmes sont à la tête de Camping, nouvelle dramédie adaptée d’un format anglais pour HBO.

À voir aussi sur Konbini

Jenni Konner, Juliette Lewis et Lena Dunham sur le tournage de Camping. (© HBO)

C’est dans un hôtel sur les hauteurs de Beverly Hills, à Los Angeles, lors d’une matinée ensoleillée d’octobre, que l’on a rencontré l’équipe de Camping, en compagnie d’autres journalistes de la presse internationale. Il y a d’abord eu les lumineux Jennifer Garner et David Tennant. J’attendais avec plus d’impatience encore la rencontre avec Lena Dunham. Mais cette dernière a dû annuler sa promo pour raisons de santé, comme elle l’a expliqué sur Instagram. C’est donc sa partenaire depuis Girls, Jenni Konner – un peu fatiguée par les événements politiques de son pays (“L’Amérique court à sa perte mais je vais bien !”, lance-t-elle à une journaliste qui lui demande comment elle se porte) – qui nous a parlé, seule mais pour elles deux, de la gestation de cette nouvelle dramédie.

Le choix d’adapter ce format anglais, imaginé par Julia Davis en Angleterre, est étonnant pour un duo créatif dont la marque de fabrique est la narration de l’intimité. Passer d’une série qui raconte quasiment sa propre vie à l’adaptation de la série d’une autre, voilà un cheminement étonnant, mais il a son explication.

“On venait juste de finir Girls quand on a découvert Camping. On n’avait pas une envie délirante de replonger dans une série tout de suite, mais cela nous a finalement semblé une super opportunité de revenir tranquillement, à notre rythme, et sur un projet limité dans le temps, vers la télévision.”

Ce qui leur a plu à elle et à Lena Dunham, c’est “cette idée de placer des personnages dans un environnement claustro alors qu’ils sont dans la nature, un truc censé être énorme. Il y a tellement d’espace, mais ils sont coincés entre eux.” Une idée qui traverse parfois Girls, où Marnie, Jessa, Shoshanna mais surtout Hannah semblent piégées les unes avec les autres, et dans leurs problèmes, alors qu’elles évoluent dans une ville immense, la Big Apple. Dans les deux séries également, les personnages féminins ont guidé l’envie artistique du duo.

Girls était une série sur des femmes qui ne peuvent pas s’empêcher de raconter tout ce qu’elles ressentent, à n’importe quel moment de leur vie. Elles ne peuvent rien garder à l’intérieur. Tout est urgent. Sur Camping, on aimait cette idée de ces femmes qui doivent se comporter comme des adultes et gardent pour elles des choses qui les mettent mal à l’aise. Elles essaient de rester polies quand elles sont en colère, et parfois elles en deviennent cruelles les unes envers les autres. On a beaucoup parlé de cette série avec Lena comme une série sur les femmes et ce qu’elles se font entre elles (‘women on women crime’). Et c’est là qu’on s’est dit : ‘C’est une idée qui marche autant en Angleterre qu’aux États-Unis, c’est universel.'”

“L’important, ce n’est pas d’apprécier les personnages, mais de pouvoir s’identifier à eux”

À première vue, Camping reste très différente d’un Girls : les deux créatrices s’intéressent ici à un clan mixte de quarantenaires qui répriment leurs émotions et pensent que tout va bien, jusqu’à ce que cette situation, qui les place ensemble sans échappatoire, fasse exploser les façades. Mais les deux séries partagent une écriture et une vision d’autrices commune, et ça se ressent. Jenni Konner et Lena Dunham concoctent, une nouvelle fois, une galerie de personnages, en particulier féminins, pas franchement sympathiques au premier abord.

“Je dis toujours que l’important, ce n’est pas d’apprécier les personnages, mais de pouvoir s’identifier à eux, de créer un lien avec eux. Et la meilleure façon de faire ça, c’est d’écrire un personnage avec une vraie sincérité. Si c’est bien fait, ça se sent. Après l’avant-première de Camping, une personne est venue me voir et m’a dit : ‘Je suis Kathryn, et ça m’énerve profondément [rires, ndlr]. Je suis celle qui se précipite à l’hôpital avec mon enfant s’il est tombé deux secondes’. S’il y a quelque chose dans le personnage auquel le spectateur peut s’identifier, c’est gagné.”

Jennifer Garner incarne Kathryn, l’héroïne de <em>Camping</em>. (©HBO)

Le plus intéressant dans leurs séries, c’est cette façon très singulière qu’elles ont de nous tendre un miroir grossissant de nos failles, des moments où l’on n’est pas exactement au top de notre forme. Leurs personnages, subtilement écrits, sont souvent qualifiés un peu vite de têtes à claques. Ne ressentirait-on pas cette allergie parce qu’au fond, les Hannah, Kathryn et autre Walt disent quelque chose de nous que nous ne voulons pas voir ? L’autre explication avancée par Konner est tout aussi valable : on a encore peu l’habitude d’être confronté·e·s à des personnages féminins réalistes et faillibles, qui ne s’excusent pas d’être là même quand ils se comportent mal.

“Alors oui, c’est risqué, réagit la productrice. Comme toutes les choses importantes que l’on fait. Les gens écrivent des personnages masculins complexes depuis tellement longtemps. Il est temps que ce soit pareil pour les femmes. On me dit souvent : ‘Personne ne veut voir une femme pas sympa à l’écran’. Mais on continue, parce que j’ai plein d’amies pas forcément aimables au premier abord [rires, ndlr].”

On ne va pas se mentir : Camping a reçu un accueil critique plutôt glacial. Alors certes, la série reste anecdotique et Lena Dunham connaît clairement moins bien la vie des quarantenaires que celle des jeunes femmes vingtenaires. Pourtant, si on lui donne sa chance, les protagonistes cliché au début gagnent en épaisseur au fil des épisodes. Jenni Konner est lucide et sans le dire réellement, elle semble voir cette série comme une sorte d’intermède, pour se remettre de l’aventure éreintante et formatrice qu’a représenté Girls pour les deux femmes.

“Je ressens une pression, mais je sais que nous n’allons pas refaire Girls. Je n’ai aucune illusion à ce propos. Ce n’est pas Game of Thrones non plus, on ne part pas à l’assaut du monde. Mais j’espère que Camping fera rire les gens. Je pense qu’on arrive à un moment de l’histoire, où il est important juste de faire passer un bon moment aux gens.”

La première saison de Camping est diffusée sur HBO et en US+24 sur OCS City chez nous.