The White Lotus : une satire tragicomique au pays des cocotiers et des rupins sous Xanax

Publié le par Adrien Delage,

Ⓒ HBO

Après la bouleversante Enlightened, Mike White nous propose une introspection exotique dans la vie de touristes ultrariches.

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Le plaisir de l’été est toujours décuplé à l’idée de chiller sur la plage et partir voyager. Mais c’est aussi la période pour apprécier les mini-séries prestigieuses et estivales de HBO, qui nous gâte depuis plusieurs années : The Night Of en 2016, Sharp Objects en 2018, Big Little Lies en 2019, Lovecraft Country en 2020… Des œuvres incroyables mais souvent dramatiques, qui ont laissé leur empreinte dans l’esprit des spectateurs et parfois remporté des prix. En 2021, la chaîne américaine nous propose cette fois une comédie exotique avec The White Lotus, possiblement pour marquer une rupture avec une nouvelle année traversée par la morosité et les tragédies causées par la pandémie mondiale. L’occasion de voyager et de décompresser devant le petit écran, si le Covid ou le pass sanitaire vous empêche de partir.

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The White Lotus est une création de Mike White, le scénariste de la comédie électrique Rock Academy et de la superbe Enlightened sur HBO. Il nous emmène entre les murs du Lotus Blanc, un hôtel luxueux situé à Hawaï. Armond, le manager de l’enceinte, est aux petits soins avec ses clients quitte à se montrer autoritaire et intransigeant avec son staff. La mini-série suit le quotidien de ses équipes mais aussi des vacanciers qui, derrière une couche de sable fin et de piscines à débordement, traversent chacun différents traumatismes personnels et/ou familiaux. Petit à petit, leur séjour idyllique va se transformer en cauchemar ensoleillé, voire remettre en question leur vie et leurs désirs.

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Succession sous le soleil des tropiques

Ⓒ HBO

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Hôtel cinq étoiles pour un casting de luxe. Comme souvent avec ses mini-séries, HBO a attiré du beau monde dans The White Lotus. La vétérante Connie Britton, Sydney Sweeney (Euphoria), Alexandra Daddario (True Detective) ou encore Jennifer Coolidge, alias la maman de Finch dans American Pie, défilent dans les couloirs du resort hawaïen. Sympathiques, séduisants et attachants au premier abord, ces personnages vont rapidement se montrer sous un autre jour au fil des vacances, si bien que les rires et les sourires vont se transformer en séquences malaisantes, voire carrément empreintes de méchanceté, un peu à la manière de Succession.

Les deux œuvres, qui sont des productions de la maison HBO, partagent un goût prononcé pour la satire du privilège blanc et des millionnaires vaniteux. The White Lotus est une fausse comédie parsemée du mal-être et des traumatismes de ses protagonistes, qui vont faire de l’hôtel un véritable ring où s’affrontent des inégalités sociales de classes, de genres et de races. Le cast majoritairement blanc de la mini-série est volontaire, de sorte qu’on s’offusque davantage de leurs comportements nauséabonds, voire toxiques, et que l’on rie jaune en les voyant tenir des propos grossophobes, misogynes et racistes sous couvert de leur pouvoir lié à l’argent.

The White Lotus est très clairement une série de gauche qui se moque des gens riches, en les faisant passer pour “des bébés spéciaux choisis par l’hôtel”, comme s’agace Armond auprès d’une stagiaire hawaïenne ébahie par la bêtise de son manager. Les répliques du show sont cinglantes et vicieuses, évoquant une nouvelle fois le ping-pong incessant et délectable des dialogues de Succession. Sydney Sweeney et Brittany O’Grady forment un duo de pestes délicieusement détestable, Alexandra Daddario incarne une jeune journaliste constamment rabaissée par son richissime mari, qui se sent dépourvue face aux traditions patriarcales du contrat de mariage, tandis que Jennifer Coolidge campe une femme troublée aux pensées suicidaires et obsédée par… les massages.

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Ⓒ HBO

Le cast et leurs dialogues sont réjouissants d’impudeur et de méchanceté. The White Lotus plonge ses personnages dans une sorte de caverne de Platon pour les épier et les décortiquer, sans véritablement donner de fil rouge à la mini-série. Il y a bien une histoire de meurtre qui ouvre le premier épisode, rappelant ainsi le schéma narratif antéchronologique de Sharp Objects et Mare of Easttown, mais on l’oublie vite en appréhendant la prochaine dinguerie lâchée par ces pénibles vacanciers. Même l’esthétique onéreuse et paradisiaque de la mini-série trahit cette illusion dans laquelle évoluent les personnages ; ils deviennent les touristes de leur propre vie en comprenant que leur monde est comme le homard dans leur assiette : délicieux en apparence, maigre à l’intérieur.

Sans aucune prétention, The White Lotus s’impose en six épisodes comme une satire tragicomique et thérapeutique très contemporaine et pleine de justesse dans son écriture. Mike White continue d’exposer sa sensibilité bouleversante à l’égard de ses personnages féminins, qu’il avait déjà transcendés à travers Laura Dern dans Enlightened. Les riches Américains et le privilège blanc en prennent pour leur grade dans cette mini-série à l’humour noir, qui nous rappelle que si les vacances sont une échappatoire, elles nous enferment parfois dans une vision du monde étriquée.

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La mini-série The White Lotus est diffusée tous les lundis en US+24 sur OCS à la demande.