Qui est Damien Echols, le métalleux accusé de meurtre qui a inspiré Eddie dans Stranger Things

Publié le par Adrien Delage,

© Netflix/Gary Miller/Getty Images

Les frères Duffer se sont inspirés d’une véritable histoire judiciaire pour le personnage d’Eddie Munson, du true crime comme seule l’Amérique peut en produire.

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Au fil des saisons, les frères Duffer se sont imposés comme des créateurs de talent, en particulier quand il s’agit d’introduire des personnages secondaires très attachants. On pense à Barb (Shannon Purser) en saison 1, Bob Newby (Sean Astin) en saison 2, Murray Bauman (Brett Gelman) en saison 3… En saison 4, c’est le président du Hellfire Club, Eddie Munson, incarné par Joseph Quinn, qui a conquis les fans de Stranger Things. Eddie ressemble à une version plus chaleureuse et excentrique que Billy Hargrove, passionné par le hard rock, les jeux de rôles et les références à la pop culture comme Le Seigneur des anneaux. Mais le nouveau pote de Dustin et Mike s’est retrouvé au cœur d’une enquête policière après la mort de Chrissy, qui est en réalité liée au retour du Monde à l’envers et son général terrifiant : Vecna.

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En vérité, l’intrigue autour d’Eddie n’est pas due au hasard et ce sont les frères Duffer en personne qui l’ont confirmé au cours d’une interview avec le site Tudum de Netflix. Ainsi, on apprend que le personnage et son arc s’inspirent de la véritable histoire des West Memphis Three (“Les trois de Memphis Ouest”), une affaire de meurtres qui s’est déroulée dans l’Arkansas, aux États-Unis, au milieu des années 1990. Eddie fait en particulier référence à l’un des trois garçons condamnés, un certain Damien Echols, un fan de métal devenu par la suite auteur de livres sur le développement personnel et de plusieurs autobiographies. Il faut dire que le métalleux a passé plusieurs années dans le couloir de la mort avant d’être finalement innocenté, tout comme ses deux camarades de l’époque, Jessie Misskelley Jr. et Jason Baldwin.

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Une affaire sanglante et choquante

L’histoire commence le 5 mai 1993, alors que la police de West Memphis reçoit un appel de la part d’un parent inquiet. Son fils de huit ans ainsi que deux de ses amis du même âge ont disparu et ne sont pas rentrés chez eux en début de soirée. Les trois enfants en question sont Steve Branch, Michael Moore et Christopher Byers qui, ironie du sort, porte le même nom qu’une certaine famille d’Hawkins. Les autorités locales, mais aussi des voisins et des amis des trois familles vont mener des recherches toute la nuit, sans retrouver une seule trace des trois garçons. Il faudra attendre quarante-huit heures avant de mettre la main sur une chaussure appartenant à l’un des disparus, flottant sur un petit ruisseau situé sur les collines de Robin Hood, en pleine nuit.

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En remontant la crique, les policiers tombent finalement sur un canal de drainage et font une découverte abominable. Les corps des trois garçons sont là, nus et ficelés à la façon du hogtie, une pratique BDSM. L’autopsie révèle plusieurs traces de mutilation sur le cadavre des enfants, dont certaines au pénis et sur le scrotum, tandis que du sperme est retrouvé sur leurs vêtements. La police suspecte un viol ante mortem, même si les experts n’arriveront jamais à se mettre d’accord sur ce point. Au terme de l’autopsie, Christopher Byers est déclaré mort suite à ses blessures, provenant de plusieurs attaques au couteau qui avaient notamment pour but de le castrer, tandis que Steve Branch et Michael Moore ont subi des assauts similaires mais sont décédés de noyade.

L’affaire, brutale, choquante et inhabituelle, secoue la communauté de l’Arkansas. Rapidement, les autorités se lancent sur plusieurs pistes pour retrouver les coupables et les traîner en justice. Au début de l’enquête, leur attention se porte sur deux adolescents, Chris Morgan et Brian Holland, qui ont quitté la ville de façon abrupte seulement quatre jours après la découverte des corps. Par ailleurs, les policiers trouvent plusieurs accusations de consommation et trafic de drogue dans leur historique judiciaire. Le 17 mai 1993, les deux hommes sont arrêtés en Californie mais, après leur interrogatoire et une batterie de tests ADN, ils sont finalement écartés de la liste des suspects.

Dans le même temps, les enquêteurs traquent un homme noir à l’identité inconnue et surnommé “Mr. Bojangles”, du nom du restaurant où il a été aperçu pour la dernière fois. Selon plusieurs témoins, il aurait eu un comportement étrange au matin des meurtres, alors que le Bojangles se situe justement sur les collines de Robin Hood. Si les policiers sont intrigués, c’est parce que l’homme en question était ensanglanté et “mentalement désorienté” selon les témoignages des riverains. Malheureusement, la piste ne donnera rien après que l’un des détectives perd une preuve essentielle à l’enquête, à savoir des gouttes de sang sur une paire de lunettes qui aurait appartenu à “Mr. Bojangles”.

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Panique satanique et hystérie collective

Dans le même temps, les enquêteurs se portent sur une piste beaucoup plus sérieuse et interrogent trois adolescents dans la foulée, âgés de 16 à 18 ans : Jason Baldwin, Jessie Misskelley Jr. et Damien Echols. Les casiers judiciaires des trois garçons, arrêtés dans le passé pour vandalisme et vol à l’étalage, ne jouent pas vraiment en leur faveur. Mais c’est un autre élément qui attire surtout l’attention des policiers : Baldwin, Misskelley et Echols sont des fans de métal et auraient un intérêt tout particulier pour l’occulte et les rites démoniaques. Or, depuis le milieu des années 1980, les États-Unis sont en proie à une hystérie collective surnommée la panique satanique, la même expression qu’emploiera Jason dans Stranger Things pour convaincre les habitants d’Hawkins de partir à la traque d’Eddie Munson.

La panique satanique est une période d’une vingtaine d’années qui a frappé l’Amérique pavillonnaire entre les années 1980 et 1990. Elle est née dans l’imaginaire des médias et des associations de parents d’élève, renforcée par l’explosion des tueurs en série, la musique hard rock et heavy metal avec des groupes comme Iron Maiden et Def Leppard, ou encore la démocratisation des jeux de rôle comme… Donjons et Dragons. Les jeunes se passionnent pour des univers plus sombres, voire jugés comme du paganisme, ce qui sera considéré à l’époque comme une forme de déviance, sans véritable preuve de possibles rites sataniques. Et dans le cas de l’affaire des West Memphis Three, la panique satanique a clairement joué un rôle et entraîné une bavure judiciaire de grande ampleur chez l’Oncle Sam.

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En effet, un an après leur arrestation et leur procès, les trois adolescents sont condamnés pour le meurtre des enfants. Si Misskelley et Baldwin s’en sortent avec une “simple” condamnation à perpétuité, Echols entre, lui, dans le couloir de la mort. Lors de leur procès, ils seront notamment décrits comme des parias de la société, amateurs d’une musique dite pagane (le métal), de jeux dangereux comme Donjons et Dragons et fans des romans de Stephen King. Mais l’état mental d’Echols, jugé comme “mentalement instable”, selon son psychologue, lui permettra de repousser la date de son exécution à plusieurs reprises. Son client, qui assure avoir acquis des super-pouvoirs après avoir bu du sang humain dans des notes écrites par son psy, devient alors le visage de la panique satanique aux États-Unis.

Quelques mois après leur incarcération, alors que Damien Echols attend dans le couloir de la mort, le procès et l’affaire sont vivement critiqués et remis en cause par les avocats des coupables. Maître Dan Stidham, en charge de défendre Misskelley, assure notamment que l’enquête des policiers a été bâclée et que de nombreuses preuves ont été égarées. À la fin des années 1990, deux séries documentaires produites et diffusées par HBO sortent sur l’affaire : Paradise Lost: The Child Murders at Robbin Hood Hills (1996) et Paradise Lost 2: Revelations (2000). Les deux œuvres prennent la défense des accusés et mettent en évidence des reproches similaires à ceux de l’avocat, avec notamment des tests d’ADN non concluants et la disparition inexpliquée de traces de sang sur le lieu du crime.

En 2007, alors que les trois garçons ont déjà purgé une peine de 13 ans de prison ferme, l’enquête est réouverte après la découverte de nouvelles preuves ADN. Trois ans plus tard, la Cour suprême de l’Arkansas entame un nouveau chapitre du procès des West Memphis Three pour réévaluer l’affaire. Finalement, en 2011, Jason Baldwin, Jessie Misskelley Jr. et Damien Echols sont déclarés innocents après que les anciennes preuves ont été révoquées par les nouvelles. Cette épreuve carcérale aura particulièrement marqué les trois hommes, à commencer par Echols, qui a passé près de 20 ans avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête à cause de sa passion pour les riffs de guitare énervés et les créatures de Mystara.

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À travers des personnages comme Eddie Munson, mais aussi Dustin, Mike et les autres kids d’Hawkins, les frères Duffer lui rendent donc un hommage vibrant dans Stranger Things. Tant qu’à l’affaire des West Memphis Three, qui aurait pu rejoindre la fameuse catégorie des cold cases, elle est en réalité bouclée pour la justice. Le juge David Laser, en charge du nouveau procès ouvert en 2010, avait accepté la défense des trois coupables tout en les condamnant pour les années qu’ils avaient déjà passées en prison. En d’autres termes, et parce que les poursuites et les preuves de l’époque ont été jugées suffisamment accablantes par la justice, Jason Baldwin, Jessie Misskelley Jr. et Damien Echols sont toujours considérés comme les meurtriers de Steve Branch, Michael Moore et Christopher Byers. Une ironie du sort glauque au possible qui ne déplairait pas à un certain Vecna.

Les quatre premières saisons de Stranger Things sont disponibles sur Netflix.