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Love, Victor ou la difficulté d’effectuer son coming out

Love, Victor ou la difficulté d’effectuer son coming out

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©Disney+

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Par Marion Olité

Publié le

Dans sa saison 2, Victor assume son homosexualité et fait face aux diverses réactions de ses proches.

Après une première saison convaincante, qui posait les bases de son univers feel good engagé, le teen drama Love, Victor, extension sérielle du film Love, Simon, a repris ses marques pour une saison 2 mise en ligne le 11 juin dernier sur Hulu et diffusée au compte-gouttes en France, sur Disney+. Les premiers épisodes de cette deuxième livraison, composée de dix épisodes, sont consacrés au coming out du personnage principal, Victor Salazar (Michael Cimino). Après une première saison centrée sur l’exploration de son orientation sexuelle, l’adolescent concrétisait son attirance pour Benji (George Sear) et rompait avec sa petite amie, Mia.

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“Tout le monde dit que les coming out, c’est facile de nos jours, mais c’est faux.” En voix off, Victor nous explique comment ses parents (par ailleurs en pleine séparation) ont réagi à l’annonce de son homosexualité. Si le papa, Armando, souvent décrit comme “macho”, réagit plutôt bien à cette nouvelle, c’est en fait Isabel, sa mère dont il a toujours été proche, qui a bien du mal à digérer l’information.

Sa réticence crée immanquablement une distance avec son fils, qui se sent de plus en plus rejeté. Alors que son père rejoint une association de parents dont les enfants sont LGBTQ+, et apprend à déconstruire ses préjugés, Isabel reste hostile. Elle n’arrive pas à dire le mot “petit ami” quand le prénom de Benji surgit dans une conversation, elle ne veut pas que Victor explique son orientation sexuelle à son petit frère, et ses entretiens avec le prêtre de son église n’aident pas. Mais, à son rythme, elle finira par apprendre à mieux communiquer avec son fils et à s’ouvrir sur la façon dont elle a été éduquée, par une église catholique homophobe. Si le coming out familial n’est pas chose aisée, ce n’est pas le seul auquel Victor se confronte.

© Disney+

Après un été passé dans sa bulle amoureuse avec Benji, le jeune homme réalise qu’il ne veut pas se cacher au lycée, d’autant plus que de fausses rumeurs sur une infidélité de Mia, qui aurait conduit à leur rupture, commencent à circuler. Face au slut-shaming de son ex, Victor décide de rétablir la vérité et de vivre ouvertement son homosexualité. L’épisode 3 est ainsi consacré aux réactions de ses camarades.

Et, comme il l’explique à son ami Simon, avec qui il continue d’échanger sur les réseaux sociaux (la série reprend le principe du film, des échanges entre deux hommes gays, mais cette fois dans une optique amicale, Simon soutenant et conseillant Victor à distance), les conséquences de son coming out sont multiples : il y a les personnes qu’il ne connaît pas qui lui posent tout à coup des questions sur sa routine beauté ou l’appellent “queen”, celles qu’il connaît et deviennent soudainement mal à l’aise en sa compagnie, les réflexions maladroites et, les pires, les réactions homophobes. La série a le mérite de mettre en images tout le spectre des comportements auquel Victor fait face, nous montrant à quel point cela peut être accablant.

L’histoire prend un tournant vraiment déplaisant quand le lycéen, qui fait partie de l’équipe de basket et est dépeint comme son meilleur joueur, se voit demander par son entraîneur de se changer dans des vestiaires à part. Dépité, Victor décide de quitter l’équipe. L’histoire ne s’arrête pas là : le capitaine, Andrew, jusque-là allié timide, finit par prendre ses responsabilités et convint toute l’équipe, sauf un joueur homophobe, écarté, de soutenir Victor. Ce dernier revient alors dans l’équipe.

Victor is the new Jack

Sa trajectoire évoque immanquablement celle de Jack McPhee, personnage secondaire et homosexuel de la série culte Dawson’s Creek, qui effectue son coming out dans la saison 2 (après avoir daté Joey), notamment auprès de son père qui a beaucoup de mal à l’accepter. En saison 3, le jeune homme trouve une forme d’intégration dans son équipe de football américain, et est également dépeint comme un brillant joueur. Un peu comme s’il fallait être la perle rare pour être accepté dans une équipe de sport ET être gay. On connaît l’homophobie persistante qui règne dans le milieu du sport de haut niveau, et qui prend racine dès le lycée.

Ce genre de storyline, qui invite notamment les jeunes hommes hétérosexuels à soutenir leur pote gay, reste donc terriblement d’actualité et nécessaire. Comme Dawson en son temps (l’équipe soutenait Jack lors d’un match en se maquillant pour se moquer de l’équipe adverse, qui avait tenu des propos homophobes), l’équipe de basket soutient Victor en se teignant les cheveux en rose (en référence à une conversation entre Andrew et Victor). Si le coming out de Jack dans Dawson fut mis en scène de façon beaucoup plus dramatique (Jack explose de colère, de rage, et pleure) que celui de Victor, les deux possèdent de nombreuses similarités.

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Love, Victor, dont l’ADN est tourné vers la transmission et le besoin de davantage de représentation, poursuit la logique au fil de la saison 2, quand Victor devient à son tour un modèle (comme Simon l’a été pour lui) pour un nouveau venu, Rahim, qui aimerait aussi faire son coming out, mais craint la réaction de ses parents, de confession musulmane. Comme à Capeside dans Dawson, dans le cocon de Creekwood où vivent les protagonistes de Love, Victor, on finit toujours par communiquer avec ses proches, et par se comprendre. La série est un modèle de tolérance, qui a complètement conscience de son rôle pédagogique auprès du grand public, d’une audience jeune comme de celle des parents.

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On regrettera en revanche qu’elle n’approfondisse pas (en tout cas pas dans la première partie de cette saison 2, cela vient peut-être par la suite) davantage les challenges auxquels fait face Victor en tant que personne racisée et queer. Le fait que Victor appartienne à la communauté latinx n’est abordé qu’à travers la réaction épidermique de sa mère, élevée dans un catholicisme qui exclut les personnes LGBTQ+, et du père (une représentation importante pour le coup) qui réussit à outrepasser une culture “machiste” pour mieux comprendre son fils. C’est un peu court.

On peut le considérer édulcoré (malheureusement, de nombreux jeunes subissent encore en 2021 des attaques homophobes bien plus frontales et des rejets terribles de la part de leur famille), mais la mise en scène de ce coming out reste un symbole fort. C’est peut-être la première fois que le personnage principal d’un teen drama effectue un coming out, qui plus est un personnage non-blanc. On prend alors la mesure du retard que Love, Victor s’évertue à combler.

La saison 2 de Love, Victor est actuellement diffusée sur Disney+ en France.