Non, Riverdale n’a pas de sens (et c’est pour ça qu’on l’aime)

Non, Riverdale n’a pas de sens (et c’est pour ça qu’on l’aime)

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Par Florian Ques

Publié le

L’attaque du grizzli façon The Revenant aurait pu être le point de non-retour pour la série… et en même temps, on se dit qu’on n’est plus à ça près.

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En janvier 2017, quand Riverdale a débarqué à l’antenne de la CW de l’autre côté de l’océan, on croyait fermement avoir dégoté un digne successeur à Gossip Girl. Et tout au long de sa première saison, c’était un peu ça – même si les similitudes étaient plus nombreuses avec Pretty Little Liars, il faut se l’avouer. Puis, ce fut la débandade. Rien ne nous avait préparés à des attaques d’ours sauvage, une guerre des gangs kitsch ou un tueur cagoulé déterminé à purger la ville de ses péchés, le tout saupoudré d’un zeste d’inceste (autrement, ce n’est pas drôle).

Pour autant, le point de non-retour n’a pas encore été atteint. Saison après saison, semaine après semaine, Riverdale continue de mettre les pieds dans le plat. Un plat bourré d’incohérences, de grosses ficelles et d’une absurdité sans nom à faire pâlir de jalousie Le cœur a ses raisons. En soi, on pourrait dire que les séries pour ados façonnées dans le même moule jouaient aussi sur ce tableau-là. Les Frères Scott, Newport Beach et autres 90210 n’ont jamais fait dans le crédible, avec des intrigues qu’on aurait pu dénicher dans les pires telenovelas made in Mexico.

Mais elles ne sont en rien comparables à Riverdale. Dans le jargon sériel, on invoque souvent la notion du jump the shark (qu’on traduit littéralement par “sauter par-dessus le requin”, une référence à une scène iconique de la sitcom Happy Days) pour désigner une œuvre qui, à un moment donné, est partie trop loin. Cela renvoie la plupart du temps à un procédé jugé grotesque, utilisé par les scénaristes pour capter l’attention du téléspectateur. En d’autres termes, c’est un peu le point de non-retour qu’on évoquait plus tôt.

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Le truc avec Riverdale, c’est qu’elle a sauté par-dessus tellement de requins qu’on se demande si elle n’a pas déjà couvert tous les océans. Pour ma part, il y a bien un moment où je me suis dit que non, c’était mort, la série ne pouvait pas se relever après ça. C’était, courant saison 2, quand Jughead a kidnappé cette vipère de Penny Peabody et lui a arraché son tatouage des Serpents, la chair avec. C’est arrivé hors caméra, mais c’est arrivé quoi qu’il en soit. Ce fut un acte tellement violent, surtout de la part du personnage concerné, que je concevais difficilement comment Riverdale pouvait aller de l’avant en ayant pris une direction aussi radicale pour Jughead.

It’s so bad it’s almost good*

Et finalement, il y a eu l’incarcération d’Archie Andrews, accusé d’avoir buté un autre gars lors d’un week-end dans les bois et condamné sans aucune preuve tangible. Ce fut ensuite le moment de découvrir qu’un fight club clandestin se tenait dans les sous-sols de la prison, mais également que le couvent de la ville servait de couverture à un trafic de fizzle rocks – la drogue dure de choix pour les habitants de Riverdale, après le jingle jangle bien entendu. Aux dernières nouvelles, c’est Archie qui nous a régalés avec le pire twist au monde. Après s’être fait attaquer par un grizzli durant sa petite promenade dominicale, une confrontation dont il sort finalement indemne, il reprend sa routine dans l’épisode suivant sans aucune explication (plausible, du moins) quant à sa guérison miracle.

Que peut-on tirer de toutes ces informations ? Tout simplement que, oui, Riverdale est un sacré bordel où les trous scénaristiques sont aussi nombreux que les conquêtes d’Archie. Plus rien n’a de sens à Riverdale, absolument rien ne tient la route. Et pourtant, le public est toujours là. Je suis toujours là. Chaque épisode, c’est la même rengaine : j’observe passivement les tribulations sans queue ni tête de ces ados improbables. Et en toute honnêteté, je glousse nettement plus que devant une sitcom lambda. Car ça y est, Riverdale est devenue tellement absurde qu’elle en est désormais risible… et c’est pour ça que j’aime toujours autant la suivre.

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Si l’on prend un parti à contre-courant complet, Riverdale a accompli quelque chose d’assez admirable. En trois saisons, elle s’est affranchie de toute obligation, de tout réalisme, pour fonder son propre univers avec les règles qui vont de pair. Une mineure ne peut pas être propriétaire de bar et y vendre de l’alcool ? À Riverdale, c’est possible. Un ex-détenu ne peut pas devenir shérif de toute une ville en un claquement de doigts ? À Riverdale, là encore, c’est possible. Telle une bourgade coupée du monde extérieur – et donc, de toute législation –, Riverdale définit ses propres codes.

Somme toute, on peut reprocher beaucoup de choses à Riverdale. Son absence navrante de réalisme, ses incohérences à la pelle, ses intrigues trop poussives… Attention, tous ces arguments-là sont valables. On peut comprendre celles et ceux qui ont quitté le navire – ou naufrage ? – en cours de route. Pour les autres qui ont préféré rester, c’est en connaissance de cause. Riverdale, on l’aime pour ses défauts. Au début, on s’offusquait. Maintenant, on en rigole avec beaucoup de second degré. Tient-on ici le plaisir coupable ultime ? On aurait tendance à dire que oui.

Riverdale est diffusée chaque semaine en US+24 sur Netflix en France.

* C’est tellement mauvais que ça en devient presque bon.