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Voyage au bout de l’enfer, le film qui a enterré l’insouciance des sixties

Voyage au bout de l’enfer, le film qui a enterré l’insouciance des sixties

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Par Théo Chapuis

Publié le

Peu de films ont aussi vivement dépeint la gueule de bois qui a réveillé l’Amérique de la guerre du Vietnam et de la fin du summer of love. Voyage au bout de l’enfer y est parvenu.
C’est un vrai chef-d’œuvre tragique que proposait de voir Arte dimanche 23 août. Projeté dans le cadre de Summer of Peace, Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino est à revoir mercredi 26 août à 1h05. Lauréat de 5 oscars (dont meilleur film), ce film magistral de 1978 raconte une passion contemporaine dans l’Amérique des années 70, pour une moitié critique de la vacuité de la guerre, pour une autre moitié fresque romanesque sur les désillusions de l’Amérique post-sixties.

Cinq amis, Mike, Steven, Nick, Stan et Axel, ont un quotidien paisible à Clairton, Pennsylvanie. Ils sont comme vous et moi : après le travail à l’aciérie, ils aiment boire quelques canons ensemble et partagent le reste de leur vie de jeunes hommes entre trios amoureux et parties de chasse au cerf dans les bois. Sauf qu’on est en 1968 et que leur monde bascule radicalement le jour où trois d’entre eux, Mike, Steven et Nick, sont envoyés au Vietnam. Là-bas, ils expérimentent les affres de la guerre, mais aussi de l’incarcération, de la torture psychologique et de la quête de rédemption.
Avant même sa sortie, le film perturbe, notamment lors de sa projection à la Berlinale de 1979 : la scène qui fait scandale ? Celle qui fera la postérité du film et où Christopher Walken et Robert De Niro sont contraints à jouer à la roulette russe devant leurs geôliers viet cong. Dans ce jeu macabre, auquel la chasse au cerf fait écho, on perçoit l’angoisse de la mort, l’allégorie du coup fatal qui finirait par tomber, de la balle qui viendrait faucher le G.I. De la guerre, c’est cela que Cimino choisit de montrer : le portrait d’une génération en proie au malaise, durement ramenée à la réalité après l’éphémère summer of love.

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Qu’y-a-t’il après la guerre ?

C’est ce qu’il y a probablement de plus hippie dans Voyage au bout de l’enfer : montrer de jeunes hommes qui font l’aller-retour vers l’enfer qu’est la guerre et n’en tirent ni gloire, ni espoir, ni force. Au lendemain de la première défaite du pays de l’Oncle Sam, Cimino dépeint une guerre vaine qui a saigné le pays d’une partie de sa jeunesse : d’abord jeunes gens insouciants, les trois soldats de Clairton deviennent des bêtes traquées dans le chaos vietnamien, puis des hommes déclassés au lendemain du conflit, dans une Amérique qui ne pansera jamais vraiment ses plaies.
Sorti avant Apocalypse Now, il montre les traumatismes de la société américaine face au désastre du Vietnam et jette un œil cru dans les plaies béantes de la guerre. Alors qu’il ne montre rien de la contre-culture hippie, son regard éclairé sur la condition ouvrière, sur le bourbier vietnamien (60 000 morts américains) et sur un certain hédonisme américain en font une œuvre complète : ce film en dit énormément sur le déclin de l’insouciance héritée des sixties et sur la crise existentielle américaine en contexte de guerre froide. Car après la guerre, qu’y-a-t’il ?
On prétend souvent d’un film qu’il est “poignant” : si un seul d’entre eux devait mériter l’adjectif, ce serait sans doute celui-ci.
Projeté dans le cadre de Summer of Peace, la séance de rattrapage de Voyage au bout de l’enfer sera diffusée sur Arte mercredi 26 août, à 1h05 du matin.