Avec Access, Ahmed Sylla passe la comédie française au crible

Avec Access, Ahmed Sylla passe la comédie française au crible

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Par Delphine Rivet

Publié le

C’est avec une série plus ou moins autobiographique qu’Ahmed Sylla nous raconte son expérience d’acteur et de scénariste à la télé française.

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C’est ce soir que C8, chaîne du groupe Canal, lance sa nouvelle série, Access. Comme son nom l’indique, un peu, elle suit le parcours semé d’embûches du jeune Yanis Traore (Ahmed Sylla, devant et derrière la caméra), un acteur et auteur comique sollicité pour redresser l’émission déclinante d’access primetime Sketchs & Associés. Repéré sur YouTube, il faisait partie d’un duo d’humoristes dont le second membre, Tristan, prend désormais son envol au cinéma.

Notre héros, lui, a donc pris le chemin de la télé. Il va devoir s’intégrer dans une writers’ room qui doute de son talent, jouer les pitres devant la caméra et être à la hauteur des attentes de sa productrice, Valérie (Mathilda May), qui compte sur lui pour redonner un coup de jeune à l’émission comique. De réunions d’écriture gênantes en interviews foireuses, en passant par la désapprobation de ses parents (MC Jean Gab’1 et Princess Erika), Yanis va devoir naviguer dans ce panier de crabes qu’est la production de séries hexagonales.

Coécrite avec Thomas Pone, Moussa Sylla et Varante Soudjian, Access est surtout le bébé d’Ahmed Sylla. Ce récit, plus ou moins librement inspiré de sa propre expérience dans le milieu de la comédie, est une œuvre méta. À ceci près que l’acteur, qui raconte en interview n’avoir pas trop eu à souffrir du racisme dans son travail — son introduction dans le milieu ayant été facilitée par son succès dans l’émission de Laurent Ruquier On n’demande qu’à en rire — confronte son personnage aux discriminations. Juste un petit peu, mais c’est bien là. Yanis ne veut pas “être le Noir de service”, mais se heurte à un mur quand certains de ses collègues scénaristes estiment qu’il surréagit, déplorant que “rholala, on peut plus rien dire”.

Access met aussi le doigt sur un autre problème de l’industrie, qui n’est certainement pas connu ou perceptible du public. Quand une journaliste demande à Yanis s’il n’a pas trop les nerfs que son ex-partenaire fasse du cinéma, cherchant clairement à lui faire dire des méchancetés sur son ancien ami, elle insiste, devant sa bienveillance (feinte ou non) : “On va pas comparer un futur carton au box-office avec une petite pastille d’humour sur le câble.”

Ce mépris pour le petit écran face au cinéma est encore, malheureusement, bien ancré. Un discours que le milieu de la télé a lui-même totalement intégré, préférant souvent la médiocrité qui rassemble à la créativité qui divise. Avoir ce recul sur cette industrie, c’est une forme d’honnêteté à laquelle on n’était pas prêt.

Il n’y a pas 36 types de comédies à la télé française : la shortcom domine. Au début, ça ressemblait à Un gars, une fille, Kaamelott ou Caméra café, de vrais partis pris en termes d’humour (qu’on aime ou pas) et d’écriture.

Et puis les chaînes ont repéré le filon, et on a eu droit à pléthore de shortcoms “bouche-trous”, celles qui cartonnent et servent de prétextes à de multiples coupures pub en prime. Elles se ressemblent toutes, ont peu ou prou les mêmes dialogues et se gobent à la suite, sans ordre précis, sans avoir besoin de prémâcher tout ça. On est passé, en quelques années, d’un format innovant à un format fast-food.

Au départ, on a approché la série avec nos a priori (qui sont quand même nourris par des années de visionnage et d’observation des séries). On pensait qu’on nous vendrait la même chose avec Access. Première erreur : il s’agit bien d’une comédie, mais on est sur du 26 minutes, le format roi du genre et dont la shortcom s’est émancipée, pour le meilleur comme pour le pire. Elle s’attache ainsi à nous montrer les sketches en question, et leur élaboration pas toujours glorieuse. Mais là où Access gagne immédiatement des points, c’est dans son point de vue.

Résolument méta, elle se glisse dans les coulisses de ces “usines à sketches” et, plutôt que de débiter du gag au kilomètre, se pose une question simple : “C’est quoi, faire rire ?” Jamais méchante, mais avec de chouettes intentions, la série s’approche (sans toutefois les égaler, mais on lui pardonne) de 30 Rock ou encore Extras, la comédie grinçante de Ricky Gervais sur les déboires du métier de figurant.

Plus à sa portée, elle rappelle la regrettée Off Prime (produite à l’époque par CALT, comme Access) et son regard incisif sur le milieu. Imparfaite sur la forme, elle a encore le temps d’affiner son écriture, mais les dialogues et le jeu des acteurs et actrices sont prometteurs. La chaîne de Cyril Hanouna est donc capable de faire oublier ses dérives, le temps d’une série plutôt bien ficelée.

Access, c’est tous les mercredis à 21 heures sur C8.