Faut-il se lancer dans la version US de Calls, la série télévisée à écouter ?

Faut-il se lancer dans la version US de Calls, la série télévisée à écouter ?

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Par Delphine Rivet

Publié le

Ce n’est pas une défaillance de votre téléviseur ! N’essayez pas de régler l’image !

Quand elle a débarqué chez nous en 2017 sur Canal+ Décalé, Calls était un véritable OFNI : un objet fictionnel non identifié. Et on était bien embêté pour la décrire : c’est une série télé, mais pour les oreilles ; une expérience audio immersive ; un trip sensoriel ; un récit à mi-chemin entre le podcast et La Quatrième Dimension… Qu’est-ce que nous avait pondu son créateur, Timothée Hochet ? Quatre ans après, certains de ses épisodes nous hantent encore. Et aujourd’hui, alors que son adaptation par l’Américain Fede Alvarez débarque ce vendredi 19 mars, à la fois sur Apple TV+ et sur Canal+ Séries, Calls détonne toujours autant. Le concept, en franchissant l’Atlantique, est resté le même (encore heureux puisque c’est précisément cette forme inédite de narration qui fait son originalité) : chaque épisode contient une histoire qui nous est rapportée par les personnages eux-mêmes, à travers leurs échanges téléphoniques. Ils ont tous pour point commun d’être témoins et victimes d’événements surnaturels défiant l’entendement.

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Le trait de génie qu’a eu Timothée Hochet en créant Calls, c’est de faire reposer son récit quasi exclusivement sur des éléments audio, les fameux “calls” du titre. À l’écran, comme pour nous hypnotiser davantage, des visuels minimalistes attirent notre attention sur le nom des protagonistes. Quand la communication se brouille, rompt, grésille ou s’estompe doucement comme dans un dernier souffle, l’image fait de même. Ces animations sont là pour renforcer l’effet et amplifier l’atmosphère déjà étrange de la série, mais les rares informations qu’elles contiennent ne devancent jamais la narration : au contraire, elles l’accompagnent. Quand on vous dit que Calls est une expérience sensorielle, on n’exagère pas. C’est une série à regarder dans le noir, avec des écouteurs vissés dans les oreilles. Il faut accepter de se laisser envelopper, de lâcher prise.

En trois saisons, le réalisateur et scénariste français ne s’est pas limité aux appels téléphoniques mais a exploité le filon jusqu’au bout : on écoute ainsi des coups de fil, des dialogues par talkie-walkie, des magnétos, une émission de radio, les dernières conversations récupérées dans une boîte noire d’avion, etc. Autant d’enregistrements compilés, vestiges de témoignages d’un cataclysme sans précédent, et qui brouillent les pistes d’une temporalité en morceaux. Dans la version américaine, Fede Alvarez s’en tient pour l’instant à des appels en direct. Le premier épisode nous est familier puisqu’il se calque sur celui de la série originelle. Mais très vite, Calls US trace sa propre route avec des histoires totalement inédites.

Et comment s’offusquer de cette émancipation ? C’est déjà suffisamment rare qu’une série française soit adaptée par Hollywood. Elle a la décence de ne pas en faire un copier-coller – The Returned, resucée de la magnifique Les Revenants, n’avait pas franchement brillé par sa qualité en 2015 – mais d’en reprendre le concept, sa substantifique moelle. Ce qui fonctionne encore mieux qu’on aurait pu l’espérer. Elle se paye aussi un casting voix savoureux, du très en vogue Pedro Pascal, en passant par Rosario Dawson, Lily Collins, Karen Gillan, Ben Schwartz, Aubrey Plaza, Nick Jonas, Aaron Taylor-Johnson, Stephen Lang ou encore Mark Duplass. Mais le piège, avec un tel panel de stars qu’on ne peut même pas admirer, c’est de passer tout un épisode à se demander où on a déjà entendu tel acteur ou telle actrice, au risque de se sortir un peu de l’histoire. Essayez donc, si vous le pouvez, de ne pas trop jouer à “qui est-ce ?”, vous passeriez à côté de l’essentiel. Le générique de fin lèvera tous vos doutes à ce sujet, le moment venu.

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Une fois passé l’Atlantique donc, Calls reste cet objet curieux, atypique, immersif. Ce que la version US – plus structurée que son originale – gagne en lisibilité, elle le perd, sans doute un peu, en effet de surprise. Le lien qui unit chaque épisode est rapidement visible, là où la série française, peut-être plus chaotique dans sa narration, ne dévoilait ses cartes que bien plus tard dans la saison. Elle maintenait ainsi, presque jusqu’au bout, l’illusion que nous étions face à une anthologie pure et dure. Certain·e·s préféreront l’une plutôt que l’autre, mais les deux remportent leur pari : on ressort changé·e d’une expérience comme celle-là. Calls est une série qui trouble nos sens, et pas seulement parce que l’horreur se glisse dans chaque épisode.

Elle joue sur les hallucinations auditives et l’on se prend à chercher des indices à l’écran ou à extrapoler sur le moindre son, la plus insignifiante interférence sur la ligne. Cette série hybride, petite prouesse “made in France” et première série européenne développée par Apple, est restée trop confidentielle chez nous. On espère que son adaptation américaine passera moins inaperçue.

La première saison de Calls, version US, est disponible à partir du 19 mars sur Apple TV+ et Canal+ Séries.