Les ados lumineux de Mental bravent les clichés sur les troubles psychiques

Les ados lumineux de Mental bravent les clichés sur les troubles psychiques

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Par Delphine Rivet

Publié le

Tout en s'aventurant sur le terrain de Skam ou Skins, Mental s'attaque avec brio à un sujet fort et inédit à la télé française.

Peu de choses sont aussi taboues que la maladie mentale, et dans les fictions, elle est souvent utilisée à des fins spectaculaires ou pour rendre un personnage plus “edgy”. Dans la vraie vie, on a tendance à taire ces tourments intérieurs. Loin de l’image romantique ou extravagante de la “folie” telle qu’elle a presque toujours été représentée dans les différents arts, une petite série sans prétention (mais pas sans ambition !) lancée ce 25 octobre sur la plateforme France.tv Slash tente une approche plus réaliste du sujet.

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Mental, c’est l’histoire de quatre jeunes, Marvin, Mélodie, Estelle et Simon, qui se cherchent, se trouvent et se découvrent durant un séjour en clinique psychiatrique. En dehors de ce dernier, qui se présente d’emblée comme “Simon, borderline”, son diagnostic porté comme un étendard, les autres ne sont pas associés immédiatement à leur pathologie. C’est quelque chose que l’on devine plus tard, ou que l’on apprend en dernier. Un choix délibéré des scénaristes, Victor Lockwood et Marine Maugrain-Legagneur, qui ont cherché à déstigmatiser les troubles mentaux.

“On est partis de pathologies qui semblaient raconter quelque chose de l’adolescence, de ce qu’on se souvient de notre adolescence. À partir de ces pathologies, on a fabriqué nos personnages, et ils se sont mis à exister tous seuls, et ça, c’était assez magique”, nous a confié Marine Maugrain-Legagneur.

Ils se sont inspirés d’une série finlandaise nommée Sekasin, mais ont pris de grandes libertés quant au ton, au format, et avec les personnages. Bref, ils ont refait tout ça à leur sauce. Avec en tête des séries comme Skins et Misfits, leur priorité était d’abord d’écrire des adolescent·e·s d’aujourd’hui. Et surtout, de briser le cliché associant irrémédiablement troubles psychiques à la camisole de force, en s’éloignant le plus possible de l’image Vol au-dessus d’un nid de coucou de Milos Forman.

“On a vraiment essayé d’avoir l’approche la plus déstigmatisante possible sur le sujet”, nous a expliqué Augustin Bernard, l’un des producteurs de Mental.

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Ici, ce n’est pas l’hôpital qu’on nous montre, le décor a été “démédicalisé” (le tournage a d’ailleurs pris ses quartiers dans un foyer d’étudiants en médecine, du côté de Clermont-Ferrand) pour mettre l’accent sur le côté “structure d’accueil” et l’accompagnement. Si l’adolescence commence à peine à être représentée de façon juste à la télévision française avec des séries comme Skam ou Les Grands, la maladie mentale reste un territoire jamais foulé du pied par nos séries, ou si peu – on pense notamment à HP, sur OCS, mais qui emprunte le point de vue des soignants.

Mental place son regard à hauteur de ces jeunes, borderline, bipolaires, schizophrènes, qui n’en restent pas moins des ados épris de liberté, d’amour, de connexions… Et si les dialogues sonnent si bien, c’est bien sûr grâce à l’écriture fulgurante des scénaristes, mais aussi et surtout parce que ces jeunes acteur·ice·s se les sont appropriés. Forcément, tout de suite, ça sonne mieux.

Ce casting, c’est l’arme secrète de Mental : Alicia Hava (Mélodie), Louis Peres (Simon), Lauréna Thellier (Estelle) et Constantin Vidal (Marvin) sont incroyables de justesse, de fraîcheur et de vulnérabilité. Ils font vivre et grandir leurs personnages respectifs tout au long des 10 épisodes qui composent cette saison 1 en nous offrant, chacun·e à leur façon, des performances remarquables.

L’autre atout de la série, c’est sa réalisation inspirée que l’on doit à Slimane-Baptiste Berhoun, qui avait déjà élevé la mise en scène des Engagés, autre websérie de France.tv Slash, en saison 2. Ici, le réalisateur est parvenu à représenter, avec inventivité et bienveillance, ce qu’il se passe dans la tête de ces ados. Comment montre-t-on la paranoïa, ou une crise d’angoisse, un passage dépressif ou maniaque ? Pour être le plus juste possible, la production a su s’entourer.

Scénaristes et cast ont pu rencontrer des patients, des soignants. Ils ont même visité des cliniques psy, assisté à des groupes de parole et ont consulté des pédopsychiatres pour ne jamais trahir leur sujet. Jamais encore une série française n’avait si bien dépeint les troubles mentaux et ce qu’il se passe entre les murs d’une institution psychiatrique. Elle a su créer des personnages instantanément attachants, lumineux et complexes, en jonglant entre la comédie et le drame sans jamais tomber dans le pathos ou le misérabilisme. Ce que Mental nous donne à voir est aussi rare que précieux.

Mental, qui a reçu le prix de la meilleure série en 26 minutes au dernier Festival de la fiction TV de La Rochelle, est disponible sur France.tv Slash.