Braqueurs : La Série, un polar froid et violent dans la lignée de Taken

Braqueurs : La Série, un polar froid et violent dans la lignée de Taken

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Par Adrien Delage

Publié le

Le réalisateur Julien Leclercq transpose son film coup-de-poing dans une version sérialisée, explosive mais sans réelle surprise.

Depuis l’ineptie Marseille en 2016, les séries françaises originales de Netflix ont fait du chemin. La plateforme de streaming s’est essayée à différents genres, de l’horreur (Marianne) à la science-fiction (Osmosis) en passant par la comédie romantique (Plan cœur), avec un succès en dents-de-scie.

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Pour sa nouvelle production hexagonale, Netflix a fait confiance au réalisateur Julien Leclercq, qui adapte son film coup-de-poing Braqueurs dans une version feuilletonnante (mais avec plusieurs changements narratifs), et donc potentiellement plus profonde et complète. À l’époque, le cinéaste avait d’ailleurs fait confiance au rappeur Kaaris pour lancer sa carrière d’acteur et profiter de sa popularité nationale.

Dans Braqueurs : La Série, Salif et le reste de la bande ont disparu puisque Julien Leclerq fait table rase du passé. On retrouve toutefois Sami Bouajila à la tête de ces Expendables français, dans un rôle à la fois similaire et différent. Il incarne cette fois Medhi, un expert du casse et leader d’un groupe de braqueurs au bord de la retraite. Mais lorsque sa nièce Shaïnez se fait capturer par un narcotrafiquant après lui avoir dérobé huit kilos de cocaïne, Medhi se retrouve pris au cœur d’une guerre des gangs sanglante et impitoyable. Il pourra uniquement compter sur la jeune Liana, une voleuse à la tire qui souhaite sauver sa petite amie et échapper au monde cruel de la rue.

Vieux briscards, jeunes braqueurs

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Dans le game des thrillers musclés, Julien Leclercq, accompagné du scénariste Hamid Hlioua (The Eddy, Cannabis), a imposé sa patte avec le film Braqueurs. Une mise en scène nerveuse et très réaliste, dans la lignée du travail de ses confrères Olivier Marchal et Cédric Jimenez.

Évidemment, la série profite de son talent et son expérience pour proposer un récit haletant et explosif, symbolisé par une introduction à base de gros calibres. Julien Leclercq sait rendre l’impact des balles réel et filmer des scènes de fusillade avec panache, rendant l’immersion très agréable pour les spectateurs et spectatrices. Braqueurs est plus ou moins l’inverse du slow burner à l’américaine : commencer haut et fort pour ensuite retrouver un rythme plus posé, parfois à contre-mesure.

Malgré tout, la série assure le spectacle et les cliffhangers comme un bon soldat du visionnage boulimique made in Netflix. L’action ralentit très peu hormis pour quelques scènes de dialogues entre Mehdi et Liana, histoire de ne pas nous laisser le temps de respirer entre deux détonations. Julien Leclercq a opté pour une image froide, avec un grain désaturé qui n’est pas sans rappeler la tonalité très dure et réaliste de Gomorra. En termes esthétique et de réalisation, Braqueurs : La Série est une franche réussite, à la fois efficace, spectaculaire et sobre dans ses effets. Le divertissement est là, même si cette adaptation ressemble davantage à un film de six heures qu’à une véritable série feuilletonnante, évitant de multiplier les points de vue et les introspections à l’égard de ses personnages.

On apprécie également la volonté du réalisateur de dépoussiérer les archétypes du polar français traditionnel, notamment à l’aide d’un cast plus jeune et inclusif. Une relation de mentor et d’élève se tisse rapidement entre Mehdi et Liana, qui incarne une nouvelle génération de têtes brûlées avides de liberté et d’indépendance. Sami Bouajila campe une sorte de RoboCop taiseux et déterminé, à la croisée de Liam Neeson dans Taken et Denzel Washington dans Man on Fire, même si on regrette parfois son manque d’implication émotionnelle. Face à lui, la jeune Tracy Gotoas s’affirme comme une belle découverte, forçant parfois un peu trop le trait sur son archétype banlieusard mais restant toujours pleine de vie et d’assurance.

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La rythmique du duo repose sur une dualité de la vieillesse face à la jeunesse, un poil classique mais qui fonctionne sur le principe. On finit par s’attacher au tandem qui évoluera sur différentes péripéties, dont le braquage d’un entrepôt rempli de drogues où leur vision de la vie s’entrechoque. La série propose alors un discours léger mais appréciable sur l’héritage des valeurs et la transmission de soi, même si Braqueurs peine à délivrer des moments d’émotions vraiment forts et poignants. La faute à des interprétations très hasardeuses, pour ne pas dire robotiques, de certains antagonistes et personnages secondaires ainsi qu’une froideur esthétique trop ancrée, qui altère voire annihile le pathos du public.

Quelques mois après Caïd et sa réalisation intrigante inspirée du found footage, Netflix propose avec Braqueurs : La Série un concept efficace sur la forme mais finalement très classique sur le fond. Julien Leclercq aurait sûrement eu un impact plus puissant en proposant une histoire complètement originale et non une redite fractionnée de son film. Ce n’est pas le casse du siècle, mais les fans du genre sauront apprécier la saveur des balles en plomb et des lingots d’or tachés de sang.

Les six épisodes de Braqueurs : La Série sont disponibles en intégralité sur Netflix.