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Castlevania, saison 2 : un road trip sanglant et envoûtant en terres wallachiennes

Castlevania, saison 2 : un road trip sanglant et envoûtant en terres wallachiennes

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© Netflix

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Par Adrien Delage

Publié le

L’adaptation en série animée de la franchise culte de Konami s’offre une deuxième saison plus grande, plus efficace et plus palpitante que la première.

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À notre époque, il est coutume de perdre espoir en tout projet vidéoludique calibré pour le grand écran. On se souvient encore des traumatismes causés par l’immonde Doom de 2005, de l’infidèle Prince of Persia signé Disney ou encore de la récente déception Tomb Raider portée par Alicia Vikander. Et si la réponse à ces échecs successifs se trouvait dans le format des séries, et plus précisément des séries animées ? C’est en tout cas ce que tend à prouver Netflix et son adaptation de Castlevania, franchise vampirique phare des années 1980-1990 développée par Konami.

Après une très – trop – courte première saison composée de quatre petits épisodes, le géant américain en a commandé huit nouveaux pour cette fin d’année. Dans cette deuxième saison, entièrement écrite par le génie des comics Warren Ellis (Moon Knight, Transmetropolitan, Trees…), Trevor, Sypha et le vampire Alucard s’embarquent dans une quête ardue mais qu’ils sont les seuls à pouvoir mener à bien : renverser Dracula et son armée de suceurs de sang, prêts à tout pour régner sur le monde et éradiquer l’espèce humaine de la planète Terre.

Un buddy movie hypnotique en Transylvanie

La saison 2 de Castlevania évolue sur une nouvelle dynamique de groupe qui fonctionne à plein régime. Le trio de chasseurs de vampires parcourt le royaume de Wallachia à la recherche d’une arme surpuissante pour vaincre et tuer Dracula. Au cours de ce road trip, on assiste, émerveillé, au travail d’orfèvre effectué sur les paysages de la série animée. Sincèrement, la direction artistique de Samuel Deats et son équipe flatte la rétine, si bien qu’on a parfois l’impression de traverser des tableaux byzantins modernes, qui respectent avec rigueur et une touche de poésie l’ambiance gothique des jeux vidéo.

Si l’animation avait tendance à ralentir et patauger pendant les séquences d’action de la saison 1, elle a été retravaillée pour ce deuxième chapitre. Les scènes de combat, moins nombreuses mais plus intenses, sont jouissives. Elles restent sanglantes et explicites comme le format animé l’autorise, et on apprécie particulièrement les effets des sorts de Sypha. Ces derniers offrent des couleurs chatoyantes et pastel du plus bel effet, tandis que le bestiaire de l’univers continue de s’agrandir et multiplie les références à la franchise de Konami. On garde notamment en tête les créatures démoniaques de l’épisode 2, qui surgissent devant la pleine lune en hommage à l’opus Circle of the Moon.

Avec huit épisodes de 25 minutes, Warren Ellis a désormais un temps considérable pour approfondir son récit et la mythologie de la série animée. Ainsi, on assiste à l’arrivée de personnages emblématiques des jeux vidéo, dont la glaçante Carmilla de Simon’s Quest ou l’hypnotique Hector de Curse of Darkness. Subtils et jouissifs (bonne dose de frissons avec l’apparition du fouet mystique des Belmont), les Easters eggs sont bien équilibrés avec les partis pris scénaristiques de l’adaptation. Le show prend son temps pour poser ses enjeux et développer la psyché de ses protagonistes, explorant tour à tour les points de vue des différents personnages comme une véritable intrigue de RPG.

En effet, on retrouve cette sensation de gamer/spectateur qui imbibait la première saison, celle d’être plongée dans un récit imprégné des codes du genre : Trevor monte une guilde, découvre des coffres cachés et upgrade même ses armes pour combattre Dracula. La progression de Castlevania est linéaire mais truffée d’obstacles (ou twists, dans le langage des séries), rendant hommage au matériau de base tout en proposant une série rythmée et peu à peu envoûtante. En fin de compte, Warren Ellis met en scène un véritable slow burner dans un monde fantasy jalonné de personnages torturés et complexes.

Des vibes de Game of Thrones

Le développement des personnages de Castlevania évoque les tragédies shakespeariennes. On pense en particulier à Alucard, déchiré entre sa part vampire et humaine. C’est un antihéros romantique au sens littéral du terme, capable de monologues lyriques et envolés. Il s’oppose parfaitement à la figure plus arthurienne de Trevor, qui a toujours une punchline vulgos pour contrebalancer le sérieux du fils de Dracula. Leurs échanges sont assez délectables à suivre, et toujours assurés par des comédiens de doublage qui prennent un certain plaisir à s’envoyer des “f*ck off” à tout-va (James Callis et Richard Armitage dans le cas présent).

Mais le récit de Warren Ellis fascine surtout pour la construction du personnage de Dracula. Un “méchant” au discours presque compréhensible et qui appelle à la compassion. Il évoque le Thanos des films Avengers, avec sa volonté de supprimer une partie de la race humaine pour mieux la réguler. Ce seigneur damné voit son destin frappé d’une terrible ironie : il veut se venger des humains qui ont tué sa bien-aimée Lisa, mais ne peut survivre sans se nourrir d’eux. C’est un nihiliste dans l’âme qui va prendre des décisions radicales et déchaîner une vague d’indignation au sein de sa communauté, de loin l’aspect le plus captivant de cette saison 2.

En effet, et à la manière des premières saisons de Game of Thrones, Castlevania se dote d’une approche politique dans son univers de fantasy médiévale. Outre les innombrables trahisons au sein des “familles” qui rappellent les plans vicieux de Varys et Littlefinger, la série animée met en exergue le totalitarisme religieux du XVe siècle, où la médecine et la science étaient considérées comme une hérésie. La mort de Lisa et la rage de Dracula sont la conséquence de cette intolérance. Puis, à travers le personnage d’Isaac, elle s’attaque à l’esclavage des temps anciens. Isaac est un érudit africain dont le village a été dévasté par les chrétiens, avant qu’il ne devienne déshumanisé par la traite des êtres humains et décide de se venger de ses bourreaux.

Enfin, le vampire Godbrand est une allégorie du nazisme : il génère une guerre civile pour prendre le pouvoir, capture des humains avant de les enfermer dans des camps de concentration. Là, ils sont stockés pour devenir du bétail et nourrir les suceurs de sang. Le parallèle avec l’Holocauste est assez saisissant, soutenu par les dialogues tranchants de Warren Ellis et une animation macabre, où les corps en décomposition rappellent l’horreur de la Seconde Guerre mondiale. Écrite avec passion et justesse, bouleversante et toujours aussi violente dans ses combats, la saison 2 de Castlevania est une vraie réussite qui nous laisse espérer un troisième chapitre encore plus long et vertueux.

Les deux premières saisons de Castlevania sont disponibles en intégralité sur Netflix.