Creepshow, l’anthologie de sketchs horrifico-comique façon Les Contes de la crypte

Creepshow, l’anthologie de sketchs horrifico-comique façon Les Contes de la crypte

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Ⓒ Shudder

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Par Adrien Delage

Publié le

Greg Nicotero redonne vie à l'œuvre culte de King et Romero dans une série de genre inquiétante et prometteuse.

Au début des années 1980, deux patrons de l’horreur unissaient leurs forces pour la création d’un long-métrage : Stephen King au scénario et George A. Romero à la réalisation. Ce tandem de ténors avait accouché de Creepshow, un film d’épouvante à sketchs qui a rencontré un certain succès commercial et d’estime à sa sortie en 1982. Il a notamment inspiré des monuments horrifiques du petit écran, comme Les Contes de la crypte et plus tard Fais-moi peur !. Aujourd’hui, c’est Greg Nicotero qui réveille le narrateur squelettique pour une poignée d’intrigues macabres en série.

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Le réalisateur et maquilleur de The Walking Dead est lié depuis plusieurs années à Creepshow. Il était ainsi en charge des effets spéciaux du deuxième film, sorti en 1987. Pour la série de Shudder, la plateforme de streaming d’AMC, il reproduit le format d’anthologie en divisant chaque épisode en deux sketchs. Certains sont basés sur des romans fantastiques (The Companion de Joe R. Lansdale, By the Silver Water of Lake Champlain de Joe Hill…) alors que d’autres sont issus de l’imaginaire de la writers’ room. Le pilote de Creepshow traduit assez bien ce que sera la série : une œuvre de genre horrifico-comique, qui ne plaira pas à tous mais assume pleinement son aspect rétro et dégoulinant.

Monstres gluants et humour noir

(Ⓒ Shudder)

Le premier épisode de l’anthologie est une réécriture de la nouvelle Matière grise de Stephen King, et de The House of the Head de Josh Malerman. Deux œuvres d’épouvante radicalement différentes : la première est une métaphore sur les liens père et fils traduite à travers un monstre baveux, tandis que la seconde pourrait s’appeler “American Horror Toy Story” et fait appel aux peurs de l’enfance. Ces deux sketchs se paient en plus les trois excellents acteurs que sont Giancarlo Esposito (Breaking Bad, The Get Down), Tobin Bell (le tueur de la saga Saw) et la jeune mais brillante Cailey Fleming (l’adorable Judith de The Walking Dead).

Ces deux histoires n’ont qu’une vingtaine de minutes pour cohabiter ce qui impose un rythme soutenu pour capter le spectateur dans l’intrigue. Il est intéressant de noter que chaque sketch fait pourtant appel à une narration différente : “Gray Matter” joue la carte du twist de fin, alors que “The House of the Head” distille ses frissons par petites couches tout au long de l’épisode. C’est d’ailleurs le second qui nous convainc davantage que le premier, transcendé par la mise en abyme haletante d’une histoire dans l’histoire.

Contrairement au Marianne de Netflix, pour prendre un exemple récent et qui surfe également sur les deux tableaux effroi et comédie, Creepshow s’oriente davantage vers l’humour noir et l’horreur organique. L’anthologie de Greg Nicotero emploie des marionnettes flippantes et les personnages se prennent régulièrement des matières gluantes et écœurantes dans la face. Les deux épisodes se terminent sur une forme de morale, souvent ironique pour ne pas dire glaçante, et qui n’est pas sans rappeler Chair de poule et Les Contes de la crypte. Dans cette optique, l’épisode multiplie évidemment les clins d’œil à Stephen King (Cujo, Ça) et John Carpenter (The Thing).

(Ⓒ Shudder)

Ce parti pris artistique, inhabituel à l’heure où les jump scare du Conjuring-verse dominent le grand écran, pourra paraître hermétique à certains. En effet, Creepshow s’inscrit dans l’esthétique des bandes dessinées EC Comics issues des années 1950, et connues pour leurs récits horrifiques et d’aventure. Les transitions de début et de fin de sketchs prennent la forme de cases de comics avant de passer à la réalité. L’effet est très réussi et assez jouissif pour les spectateurs les plus nostalgiques, mais risque de déstabiliser les sériephiles plus terre à terre. Il faut tout de même reconnaître que Greg Nicotero cache un côté criard et over-the-top dans sa série, que ne renierait pas Ryan Murphy.

Au terme de ce pilote, on se dit que Creepshow est une œuvre de genre finalement assez singulière dans le paysage sériel actuel. Elle s’adresse clairement à un public de niche et plutôt nostalgique, mais pourrait convaincre des nouveaux venus grâce à sa production solide et au talent de Greg Nicotero pour pondre des créatures répugnantes et cauchemardesques. Une belle découverte sur un ton nanar assumé, qui aura certainement du mal à trouver un diffuseur français tant elle respire la pop culture rétro et américaine.

La première saison de Creepshow est diffusée sur Shudder aux États-Unis et reste inédite en France.