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Elle Fanning brille dans la comédie historique The Great, qui a tout d’une grande

Elle Fanning brille dans la comédie historique The Great, qui a tout d’une grande

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© Hulu

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Par Delphine Rivet

Publié le

Une mini-série résolument moderne, par le co-scénariste du film The Favourite, sur la jeune Catherine II de Russie.

Huzzah ! Le marrainage bienveillant des films Marie-Antoinette et The Favourite plane au-dessus de The Great, dernière production à gros budget de la plateforme Hulu qui suit les six mois précédant la montée sur le trône de la jeune Catherine II de Russie. Car avant de devenir la grande impératrice que l’on connaît, celle-ci a d’abord été une étrangère, mariée à 19 ans, sans qu’elle n’ait son mot à dire sur la question, à l’empereur Peter. La vie de palais ne sera évidemment pas de tout repos pour la jeune Catherine, interprétée à la perfection par Elle Fanning. Face à elle, c’est Nicholas Hoult qui joue les monarques incontrôlables et vaniteux.

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Créée par Tony McNamara et inspirée de sa pièce de théâtre éponyme, The Great annonce la couleur dès le début : “an occasionally true story” prévient un carton au tout début de l’épisode. Une histoire “occasionnellement véridique”, voilà un oxymore qui pique la curiosité ! Et des libertés avec l’Histoire, elle en prend. Pas assez pour rompre le charme de la trajectoire de cette femme ayant réellement existé, mais suffisamment pour se permettre d’inclure un cast plus divers que si la série avait dû respecter scrupuleusement la démographie de l’époque en Russie. Une licence créative qui l’inscrit résolument dans la modernité car, plus qu’une quête de véracité, c’est l’histoire avec un petit “h” qui prime ici.

Les intrigues de cour, l’humour, l’absurde, le pouvoir qui monte à la tête et, en guise de fil d’Ariane, l’expérience brutale d’une jeune aristocrate catapultée dans le lit de l’un des empereurs les plus puissants du monde. Et l’un des plus fêlés aussi. Peter est un sale gosse doublé d’un psychopathe, un souverain bouffé par son propre ego qui mène la guerre à la Suède par pure hubris. Catherine, elle, nous est d’abord dépeinte comme une optimiste d’une naïveté confondante, prête à toutes les humiliations pour se faire accepter de son nouveau mari.

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On peut regretter l’utilisation, le plus souvent gratuite, de scènes de sexe ou de violence — surtout quand les deux sont mêlées — en guise de virgules dans le récit, surtout quand celui-ci applique un soin tout particulier à s’élever au-dessus de bien des productions “en costumes” actuelles et passées. On pensait pourtant avoir dépassé l’adage selon lequel le sexe et le sang font vendre. Ces séquences sont d’autant plus inutiles que la série parvient très bien, le reste du temps, à démontrer la folie de Peter et de celles et ceux qui gravitent autour de lui, et de la cruauté de cette caste.

Mais sans détourner les yeux des ors du palais, The Great raconte la révolte du peuple et celle de Catherine, future grande impératrice de Russie, qui gronde entre les murs mais aussi en dehors. Parce qu’il est toujours bon de rire des puissants, la série dénonce l’hypocrisie de l’aristocratie et son incapacité à voir au-delà de ses œillères. La solitude de notre héroïne, qui, désespérée de ne pouvoir plaire à son empereur — l’idée du mariage qu’elle s’était imaginée, comme beaucoup de fillettes, est évidemment très loin de la réalité — choisit de tirer le meilleur parti et de reprendre le contrôle d’une situation qui jusqu’ici lui échappait.

La série fait ici des appels du pied au film référence en la matière : Marie-Antoinette de Sofia Coppola. Enfin ça, c’était avant l’arrivée sur grand écran de The Favourite de Yorgos Lanthimos, dont Tony McNamara a coécrit le script. Là aussi, il était question d’une aristocrate en disgrâce, jouée par Emma Stone, propulsée à la cour d’une monarque, la reine Anne d’Angleterre, interprétée par l’immense Olivia Colman. La jeune femme comprend vite que le palais est un nid de vipères et que sa survie dépend de l’affection que lui portera la monarque. Et à ce petit jeu, tous les coups sont permis.

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Comme elle, Catherine sait que sa position est fragile. Les têtes tombent facilement au palais. Littéralement. Mais son intérêt pour les arts et la culture, son empathie pour les problèmes du peuple et le maintien de son statut à la cour vont se rejoindre quand une occasion de détrôner Peter se présente. L’innocence et la naïveté des débuts laissent alors place à une opération de séduction politique. Notre héroïne se fait violence, et use de son intelligence — ce dont elle ne se croyait pas autorisée jusqu’alors — pour placer ses pions.

L’idée de The Great n’est pas radicale, tant elle trouve des échos dans certaines figures de ce genre cinématographique durant la dernière décennie, mais elle est suffisamment ambitieuse et inédite sur le petit écran pour capter notre attention. Le soin extrême apporté aux costumes, aux décors et à la mise en scène en général, lui confère une véritable aura de luxe et de décadence, auréolé d’une modernité rafraîchissante. Coïncidence de l’industrie télé américaine, comme cela arrive parfois, elle succède à une autre série centrée sur l’impératrice de Russie, Catherine The Great, avec Helen Mirren, sortie en octobre 2019 sur HBO. Mais cette dernière, qui s’intéresse au règne de Catherine après sa prise de pouvoir et dont la diffusion n’a pas fait de vagues en ces temps de Peak TV, ne fait aucune ombre à The Great.

Chacune de ces deux séries adopte un regard différent sur l’Histoire et son héroïne. Non seulement elles peuvent exister dans le même paysage sériel à quelques mois d’intervalle, mais la proposition de Hulu séduit davantage par son point de vue et son humour grinçants. Une fois n’est pas coutume, on espère que The Great, initialement prévue comme une mini-série de dix épisodes, aura droit à une saison 2 tant la fin nous laisse en suspens (ce qui était aussi le cas pour The Favourite), avec l’envie gourmande d’en voir davantage.

Les dix épisodes de The Great sont disponibles en France sur Starzplay.

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