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La saison 4 de Dix pour cent est un chant du cygne doux-amer

La saison 4 de Dix pour cent est un chant du cygne doux-amer

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©France2

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Par Marion Olité

Publié le

Le hit français tire sa révérence sur une saison 4 dispensable.

Devenue en quelques années un modèle de réussite sérielle à la française, Dix pour cent revient à compter de ce mercredi 21 octobre pour une ultime livraison de six épisodes. C’est avec un plaisir mêlé d’une certaine appréhension que l’on retrouve Andréa, Gabriel, Hervé et toute la bande de l’agence ASK dans une saison 4 qui doit se passer pour la première fois de sa créatrice et showrunneuse, Fanny Herrero. Après sept années de bons et loyaux services, elle avait en effet décidé de voguer vers de nouvelles aventures à la fin de la saison 3, concluant un deal avec Netflix.

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Victor Rodenbach et Vianney Lebasque ont pris la relève à l’écriture. La tâche n’était pas simple au vu des circonstances : il fallait conserver “l’esprit Dix pour cent” qui a fait le succès de la série – de l’humour, des répliques pétillantes, un ton moderne et féministe – mais aussi installer un nouveau paradigme après le final de la saison 3, qui voyait Mathias et Noémie quitter l’agence ASK ; et pour finir, imaginer une fin digne de ce nom – la quatrième saison ayant été plus ou moins annoncée comme la dernière.

Présentés en avant-première au Festival Canneséries, les deux premiers épisodes de cette saison 4 cherchent logiquement leurs marques et peinent à les trouver. Ni le passage de Charlotte Gainsbourg ni celui de Franck Dubosc – trop convenus – ne permettent de faire véritablement décoller la saison. Comme l’expliquait Dominique Besnehard, dont le passé d’agent a inspiré le point de départ de la série, un épisode de Dix pour cent réussi place le guest en danger, joue avec les limites de son autodérision ou accentue l’une de ces facettes (comme Isabelle Huppert et son côté workaholic). Il faut du piquant pour concocter un épisode mémorable et enlevé. Or, les histoires imaginées autour de Charlotte Gainsbourg – trop gentille pour refuser de participer à un film nul mais écrit par un pote – ou d’un Franck Dubosc sombre, en quête d’un rôle dramatique (dans le genre, l’épisode avec Jean Dujardin qui se prend pour DiCaprio dans The Revenant était bien plus réussi), sentent le réchauffé. Les guests ont beau passer une tête en masse dans chaque épisode – d’une Mimi Mathy lasse d’être mal aimée (là aussi, il aurait fallu assumer le choix à fond et lui consacrer un épisode entier) en passant par les caméos de Tony Parker, Nathalie Baye ou Rayane Bensetti –, il manque cette bulle de légèreté, des répliques qui claquent, ainsi qu’un ton subtilement engagé.

L’un des meilleurs épisodes de Dix pour cent mettait en scène Juliette Binoche au Festival de Cannes (S2E6), qui tente d’échapper à un producteur agresseur abusant de son pouvoir ; un fort écho à #MeToo et l’affaire Weinstein qui allait éclater quelques mois plus tard. Cette nouvelle saison manque de vision et ne se mouille pas, alors qu’elle met en scène la cérémonie des Césars dès son premier épisode. Impossible de ne pas penser à la déflagration provoquée par l’édition de 2020, le départ tonitruant d’Adèle Haenel, son “La honte”, suivi de celui de Céline Sciamma, à l’annonce du César remporté par Roman Polanski. Autrefois visionnaire, Dix pour cent est devenue aveugle et se contente de célébrer en surface la beauté du cinéma, sans plus interroger ses mécanismes. 

La fête est finie

Nicolas Maury, Grégory Montel, Camille Cottin

Quant aux agents, le cœur de la série, la transition se révèle aussi laborieuse. D’un côté, Mathias et Noémie reconfigurent avec plus ou moins de bonheur (il y a de jolis passages, dûs à l’incroyable Laure Calamy) leurs vies pro et perso, toujours entrelacées, et de l’autre, Andréa et le reste de la troupe sont à bord d’un bateau qui prend l’eau de toutes parts. Certaines protagonistes, comme Hicham, se retrouvent complètement délaissés. Heureusement, la trajectoire de quelques seconds rôles marquants de Dix pour cent – Hervé (Nicolas Maury) qui voit se dessiner une carrière inattendue et Sophia (Stéfi Celma) en pleine plongée dans le star-system français – nous réserve encore quelques scènes savoureuses et fraîches. On ne peut pas en dire autant de notre guerrière, Andréa, dont les scénaristes n’exploitent pas de nouvelle facette. Camille Cottin a beau s’agiter et défendre quelques belles saillies, son personnage est à bout de souffle, et la série avec elle. Même sa relation avec sa sœur ennemie, Élise Forman (la nouvelle venue Anne Marivin, convaincante dans un rôle compliqué), ne l’éveille pas de sa torpeur. Son impuissance face à la situation est frustrante. On attend, en vain, un coup de génie de sa part. Les scénaristes ne savent pas non plus quoi faire de son couple formé avec Colette, et surfent sur une dynamique (Andréa travaille trop, Colette n’en peut plus) déjà vue dans les précédentes saisons.

Le salut provient d’une performance inattendue : celle de José Garcia dans l’épisode 3, touchant en amoureux mélancolique bouleversé par le retour d’une ancienne flamme. Dix pour cent a toujours su parler d’amour. À partir de cet épisode, la série reprend quelques couleurs. Le suivant, moins émouvant mais sympathique, met en scène une Sandrine Kiberlain volatile, qui n’hésite pas à incarner une version parodique d’elle-même, pas franchement flatteuse. Puis le cinquième épisode fait la part belle à son invitée américaine, la grande Sigourney Weaver, qui nous gratifie d’un message gentiment féministe (les femmes âgées ont aussi une vie sexuelle et le droit de fantasmer sur de petits jeunes) et d’un moment de comédie musicale encore inédit dans Dix pour cent. Cet épisode festif redonne un peu d’entrain à une saison qui en manque cruellement. 

Mais alors qu’elle semblait retrouver son allant d’antan, la série s’achève sur une note pour le moins pessimiste, avec un Jean Reno fatigué, prêt à prendre sa retraite, et une Arlette dévastée par une tragédie personnelle. Ce final triste, en queue de poisson, laisse un goût amer, là où la saison 3 s’achevait en apothéose, par une grande fête pour les dix ans de l’agence ASK. Il a au moins le mérite de laisser des portes ouvertes vers une suite, un film ou de possibles spin-off. Mais la si joyeuse Dix pour cent appartient déjà à un autre temps, où régnait le cinéma, le glamour et la joie de vivre dans un tourbillon parisien encore inconscient de l’arrivée d’un certain virus. 

La saison 4 de Dix pour cent débute ce mercredi 21 octobre sur France 2, à 21 h 05, à raison de deux épisodes par semaine.