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Élite, saison 2 : stéréotypes ambulants pour désastre addictif

Élite, saison 2 : stéréotypes ambulants pour désastre addictif

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© Netflix

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Par Florian Ques

Publié le

La série espagnole de Netflix continue d'être mauvaise. Si mauvaise qu'on ne peut pas détourner le regard. Attention, spoilers.

Si l’on doit miser sur une seule œuvre de la petite lucarne pour redorer le blason des séries espagnoles, ce ne sera pas Élite. Lancé à l’automne 2018 avec une promotion qui faisait écho à celle de Gossip Girl – dont il se veut de toute évidence l’héritier –, le teen show hispanophone phare de Netflix s’est imposé comme la définition même du plaisir coupable. Poussif, prévisible, pas toujours bien joué… Il n’a jamais été question de réinventer la roue. Et en saison 2, le constat reste malheureusement le même – mais en pire.

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Plutôt qu’une affaire de meurtre, le fil rouge de ce second tour de piste est une disparition. Celle de Samuel, un héros archétypal aux principes (a priori) inébranlables qui s’est évanoui dans la nature du jour au lendemain. L’intrigue nous montre les mois précédant son absence inexpliquée, avec un retour mouvementé dans les couloirs de Las Encinas. Alors que le véritable assassin de Marina erre encore, nos lycéens friqués ont d’autres chats à fouetter : de nouveaux élèves intègrent l’école et ces derniers comptent bien faire des vagues.

Histoire de bousculer le statu quo, tout du moins en apparence, Élite parie sur trois nouveaux personnages. Rebeca, une nouvelle riche au look “ghetto chic” qui se lie d’amitié avec Samuel et Nadia. Valerio, le demi-frère de Lucrecia qui couvre un mal-être palpable avec un fort penchant pour la poudre blanche. Et enfin Cayetana, une fille de femme de ménage qui n’hésite pas à s’inventer une vie pour se la jouer caméléon parmi les gosses de riches de Las Encinas. Si ça n’est pas assez évident, on tient là de beaux stéréotypes vus et revus.

© Netflix

À quelques nuances près, tous les protagonistes d’Élite ont déjà existé ailleurs, et parfois même sous une meilleure forme. Outre Gossip Girl qui semble être la référence n° 1, les lycéens de la série évoquent les personnages d’autres fictions tantôt récentes, comme How to Get Away with Murder ou encore 90210, tantôt plus classiques, à l’instar des soap operas qui se sont longtemps éternisés à l’antenne américaine. Ajoutons à cela des intrigues qui, là encore, ont été déjà poncées jusqu’à usure, et on en arrive à la conclusion suivante : Élite, c’est quand même un beau ramassis de clichés et de twists attendus. 

Et pourtant, la sensation espagnole de Netflix réussit à mettre mon esprit critique à rude épreuve. Tout bonnement car, en dépit de son côté prévisible et indéniablement vide (dans le sens où il n’y a aucune valeur véhiculée par la série), Élite me fait frémir d’impatience dès qu’un épisode se termine. Là où la première saison était laborieuse au niveau du ton et de la construction, cette seconde salve est mieux maîtrisée, ce qui contribue à sa dimension addictive. En soi, on enchaîne les épisodes sans aucun mal, voire avec une certaine appétence.

Mais pour peu qu’on prenne à nouveau du recul, on s’aperçoit que plusieurs choses clochent. À commencer par le traitement accordé à Nadia, le personnage musulman et voilé de la série qui avait offert une visibilité appréciable à cette minorité de la société occidentale. Enfin ça, c’était durant la première saison. Ici, on change son fusil d’épaule : Nadia se met à délaisser son voile et couche à plusieurs reprises avec Guzmán, l’objet de son désir depuis le début du show.

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Qu’une jeune femme décide en pleine conscience de reconsidérer son rapport à sa foi, c’est légitime et c’est une histoire qui mérite d’être racontée. Sauf qu’ici, ce n’est pas ce que fait Élite. Plutôt que de mettre en images le dilemme moral auquel est confrontée Nadia, la série joue plutôt sur le côté scandaleux de son évolution. En grande partie, on a la fâcheuse impression qu’elle délaisse l’islam pour obtenir les faveurs et l’attention de son prince charmant, très blanc et très friqué. Si l’on prend une posture un tantinet sociologique, on se dit que le message renvoyé par Élite est au mieux bancal, au pire problématique.

Mais dans les faits, l’évolution de Nadia est symptomatique du grand mal qui ronge la série depuis son lancement : Élite n’a pas de propos. C’est un divertissement à l’état pur qui n’a pas grand-chose à dire. Il s’agit d’une série ado qui n’apporte aucun regard critique ou éclairé sur la jeunesse, aux antipodes de 13 Reasons Why ou Euphoria pour citer des exemples récents. À bien des égards, les personnages de la série pourraient très bien être des adultes dans la trentaine. L’intrigue globale en serait à peine affectée. Doit-on préciser qu’il est un peu déplorable que le show ne réussisse pas à passer haut la main le test de Bechdel en 2019 ?

Pour un teen drama, Élite tutoie les bas-fonds du genre, avec une vacuité au niveau de son propos qui est sincèrement bluffante. Pour autant, on ne peut nier l’efficacité de sa narration qui nous happe sans aucun mal, pour peu qu’on soit amateur d’intrigues sulfureuses et pas crédibles pour un sou. Au fond, on aimerait juste que la série réussisse à allier son côté soap avec une volonté de dire des choses pertinentes sur l’adolescence et sur son époque. Peut-être en saison 3 ? Rien n’est moins sûr.

La deuxième saison d’Élite est disponible en intégralité depuis le 6 septembre sur Netflix.