Une page se tourne avec la saison 3 d’Élite, hautement binge-watchable

Une page se tourne avec la saison 3 d’Élite, hautement binge-watchable

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Par Florian Ques

Publié le

Plus aboutie et humaine que les précédentes, cette troisième salve d'épisodes prouve que la série est capable d'amélioration.

Inutile de se mentir, Élite ne remportera pas de Golden Globe ou autre Emmy Award de sitôt. Distinguée par son manque de finesse dans la narration et des personnages ô combien archétypaux, la série ado espagnole de Netflix peut difficilement être qualifiée de chef-d’œuvre. Et pourtant, il n’empêche que ses créateurs, Carlos Montero et Darío Madrona, ont réussi à pondre un divertissement efficace, addictif et, inévitablement, très binge-watchable. Sa troisième saison, à peine débarquée sur la plateforme, présente d’ailleurs la série à son apogée.

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Année de terminale oblige, les étudiants de Las Encinas sont au taquet… mais pas forcément au niveau de leur scolarité. Non, plutôt que de penser à leur baccalauréat, nos ados en uniforme sont tourmentés par le retour inopiné de Polo, dont tout le monde avait découvert l’implication dans la mort de Marina. Mais surtout, dans la grande tradition d’Élite, un nouveau flashforward vient relancer l’intrigue : lors de la fête post-remise des diplômes, un des élèves va mourir dans d’étranges circonstances.

C’est avec de tels enjeux que démarre cette troisième cuvée d’épisodes, imposant une cadence haletante de bout en bout. À défaut de subtilité, s’il y a bien quelque chose que sait maîtriser Élite, c’est le sens du suspense et des révélations surprenantes. Le dénouement de cette saison peut décevoir, certes, mais on ne peut lui enlever sa dimension étonnante. Si ce tour de piste se place un léger cran au-dessus des autres, c’est grâce à ses personnages.

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En ligne de mire, Lucrecia. Peste aussi méprisable que méprisante, la lycéenne montre enfin ses fêlures et gagne ainsi en consistance, prouvant qu’elle peut être davantage qu’une simple mean girl qu’on croise dans toute série ado. Là où elle devient le plus humaine finalement, c’est quand elle est confrontée à ses ami·e·s et à la loyauté sans faille qu’elle leur doit. Son amitié nuancée avec Nadia est très clairement l’un des atouts de cette saison 3, réussissant à élever leur histoire au-delà d’une simple querelle pour obtenir une bourse universitaire.

En suivant une sorte d’effet miroir, la relation unissant Guzmán à Samuel évolue elle aussi, d’une manière peu ou prou identique. Un peu brouillonne jusqu’alors, Élite semble vouloir nous faire comprendre qu’en dépit de leurs premières impressions et des préjugés qu’ils nourrissaient, ses élèves sont parvenus à passer outre leurs classes sociales. Bien que légèrement artificiel, c’est un message somme toute optimiste que véhicule la série.

Autre chose que la série réussit à faire, c’est à inverser un trope plutôt nocif, popularisé par Gossip Girl quelques années en arrière. Blair Waldorf s’amourachait de Chuck Bass, manipulateur perfide vendu comme un bad boy torturé, pour qui elle était capable de tout faire, quitte à nier son propre bien-être. On adorait leur histoire tumultueuse, mais il faut avouer avec du recul qu’elle n’avait rien de saine. Ici, les genres sont renversés : Samu est épris de Carla, la marquise névrosée. Lorsqu’on les voit se rapprocher pour mieux se rejeter, on ne peut s’empêcher de penser au duo Blair/Chuck. Néanmoins, Élite offre une finalité tout autre, prouvant que ce type de relation toxique n’est pas inéluctable et ne doit pas nécessairement être vendu comme quelque chose auquel il faut aspirer. 

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Là où le bât blesse, en revanche, c’est au niveau des personnages musulmans de la série. Alors que la saison 2 envoyait déjà un message assez trouble à l’égard de l’islam, ce troisième round termine d’enfoncer le couteau dans la plaie. En introduisant un nouvel étudiant de confession musulmane, Malick, Élite aurait pu montrer une autre vision de cette religion que celle de Nadia – qui, depuis le début, préfère partir en quête d’émancipation plutôt que de suivre les préceptes de façon assidue.

Or la série s’embourbe dans une philosophie assez nébuleuse, donnant l’impression de dire que pour être heureux, mieux vaut ne pas être musulman (les seuls personnages à ne pas se détourner de leur foi sont les parents de Nadia, tous deux présentés comme constamment dépités et maussades). Plusieurs twittos se sont indignés face à cette représentation clichée. On est bien loin de Skam et ses remakes, qui parvenaient à montrer l’islam sous un jour moderne et respectueux.

Bien que la porte soit laissée grande ouverte pour une saison 4, cette troisième salve sonne comme la fin d’une ère. En tout cas, le hit hispanophone de Netflix boucle cette première “génération” (le lien avec Skins est inévitable) avec des intrigues entrelacées captivantes, capitalisant sur ses influences soap, et un développement appréciable pour (presque) tous ses personnages. On l’aurait préférée un petit peu plus woke, mais en termes de plaisir coupable, Élite reste tout de même en haut du panier.

Les trois premières saisons d’Élite sont disponibles en intégralité sur Netflix.