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Avec l’épisode “Evolution”, le The Walking Dead des bons vieux jours est (presque) de retour

Avec l’épisode “Evolution”, le The Walking Dead des bons vieux jours est (presque) de retour

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© AMC

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Par Adrien Delage

Publié le

Angela Kang, la nouvelle showrunneuse de la série zombiesque, accomplit des miracles. Attention, spoilers.

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(© AMC)

Depuis deux saisons, The Walking Dead espérait un miracle pour se remettre sur les rails. Le destin a mis un messie sur sa route écaillée. En seulement huit épisodes, Angela Kang est parvenue à rehausser le niveau du show en redonnant du cachet à ses personnages, de la subtilité aux dialogues et une montée en tension monstre qui atteint son paroxysme dans l’épisode “Evolution”.

Un mid-season finale franchement flippant, qui revient aux sources de la série et même du genre zombie au sens large. Un épisode tellement palpitant et captivant que The Walking Dead parvient (enfin !) à retrouver le niveau des meilleurs épisodes de Game of Thrones en termes de divertissement. Et on le dit sans sourciller.

Et pourtant, que la route fut semée d’embûches pour la showrunneuse, qui a dû gérer le départ de deux acteurs principaux, Andrew Lincoln et Lauren Cohan (et sûrement les ego qui vont avec), tout en nettoyant le bazar laissé par Scott M. Gimple à la fin d’une saison 8 médiocre, pour ne pas dire catastrophique.

Si tout est loin, et même très loin d’être parfait, Angela Kang et son équipe se sont concentrées sur ce qui a toujours fait le sel de The Walking Dead : ses personnages (féminins pour le coup) attachants et identifiables et ses méchants charismatiques voire carrément terrifiants dans le cas des nouveaux arrivants.

La nuit des Chuchoteurs

(© AMC)

L’arrivée d’Angela Kang à la tête de la série zombiesque a boosté les personnages féminins (coïncidence ? On ne croit pas). Ainsi, le départ d’Andrew Lincoln a servi de tremplin pour des personnages tels que Michonne et Carol, qui se sont emparés du lead et ont ainsi trouvé l’espace nécessaire pour exprimer leur plein potentiel. Si la perruque de la seconde a bien fait rire les fans, il est indéniable qu’elle reste la survivante la plus imprévisible et captivante à voir évoluer. Elle incarne même tout un symbole de renouveau : Scott M. Gimple l’avait cloîtrée seule dans une maison à broyer du noir, Angela Kang l’en a fait sortir et l’a rendue lumineuse au milieu de sa famille et de ses amis, tout en insistant sur son côté manipulateur. Ce qui fait de Carol une survivante épanouie, badass et résolument révoltée. En somme, une femme de 2018.

Le cas de Michonne est encore plus probant. Danai Gurira a toujours été une très bonne actrice, trop souvent reléguée au deuxième plan dans un rôle de soutien. Pour Rick, elle a par exemple tenu le rôle de fidèle bras droit avant de devenir l’épouse parfaite puis une bonne mère. Mais ce temps est révolu et la sabreuse a pris les commandes d’Alexandria. Dans “Evolution”, un dialogue entre Carol et elle souligne d’ailleurs cette assurance : Michonne y établit la séparation entre sentiments pour son amie et responsabilités envers sa communauté. Et puis, sa lame n’a jamais tranché les rôdeurs avec autant de style et on ne risque pas de s’en priver ni de s’en lasser.

Évidemment, Angela Kang sait faire la parité et ne dénigre pas les hommes de la série. Daryl est redevenu le bad boy reclus, loyal et impitoyable qu’on connaît. Sa stupidité chronique a été soignée par de vrais dialogues, dont des échanges intenses avec Rick et des comportements qui l’élèvent davantage au rang de leader que de suiveur. Cela dit, tout n’est pas rose non plus dans le traitement des personnages : Siddiq est toujours inutile, Henry ne parvient pas à faire oublier la décision hérétique d’avoir tué Carl et le nouveau groupe d’inconnus, bien qu’intrigant voire fun avec Luke (Dan Fogler, Jacob Kowalski dans Les Animaux fantastiques), manque de relief et de mordant.

(© AMC)

Mais le coup de génie d’Angela Kang, qui convoque tout le talent de l’équipe de la série – allant d’une mise en scène plus soignée (les grains de l’image ont disparu en grande partie) à des maquillages cadavériques parfaitement maîtrisés – réside dans la gestion de la tension. Si les saisons de The Walking Dead sont toujours trop longues (un point sur lequel la showrunneuse ne peut malheureusement rien faire), elle a rendu du suspense et une bonne dose de mystères à une histoire devenue aussi palpitante que le cœur d’un zombie.

Cette montée progressive de l’angoisse atteint son paroxysme dans “Evolution”, un épisode pratiquement maîtrisé de bout en bout pour introduire les Chuchoteurs, les nouveaux antagonistes de la série. Le mid-season finale s’offre un vraiment moment d’épouvante, qui nous surprend en nous rappelant que The Walking Dead est avant tout une série d’horreur. La mise en scène du réalisateur Michael E. Satrazemis renvoie aux films originels du genre, La Nuit des morts-vivants de George A. Romero en tête : un cadre angoissant (le cimetière et la brume), une présence surnaturelle oppressante (les rôdeurs qui pourchassent les vivants), une sensation d’oppression, d’enfermement…

Ainsi, on pardonnera à la série ses intempestives incohérences (Michonne et le groupe de Luke qui se pointent comme un deus ex machina pour sauver Eugene et Aaron) contre-balancées par une entrée en scène traumatisante des Chuchoteurs. Les entendre murmurer, détourner les pièges de Daryl ou encore esquiver le coup d’épée de Jesus – un mouvement si inattendu et glaçant qu’il agit comme un jump scare dans l’esprit des spectateurs – prend aux tripes jusqu’à la révélation finale et le clin d’œil assumé aux comics. Là encore, le retour au matériau de base saura ravir les fans éberlués devant les choix narratifs désastreux des saisons 7 et 8.

Le sacrifice manqué de Jesus

(© Gene Page/AMC)

“Evolution” était presque parfait jusqu’à sa conclusion controversée, qui fait déjà polémique sur les réseaux sociaux. La mort de Paul, si héroïque, voire quasi biblique étant donné son surnom, fait débattre pour deux raisons. En premier lieu, c’est un personnage au potentiel resté cruellement inexploité. Hormis quelques scènes de baston vénères, dont ce kung-fu fighting sacrificiel dans cet épisode, la psyché épicurienne de Jesus n’a jamais été approfondie. Et pourtant, la partition de Tom Payne le rendait ô combien attachant et lumineux dans l’univers de la série.

Les fans les plus remontés face à cette décision mortelle doivent d’ailleurs connaître la vérité. L’acteur avait conscience que son personnage restait injustement en retrait depuis son arrivée en saison 6. En réalité, c’est Tom Payne en personne qui a demandé à la production de tuer Jesus pour qu’il puisse passer à autre chose et cesser de gâcher les talents du meilleur combattant de The Walking Dead. Ce qui nous amène au second problème posé par son trépas : le show de AMC n’apprend rien de ses erreurs et continue d’entretenir le nauséabond trope du “Bury your gays”.

Tom Payne a tous les droits de quitter la série. Mais il doit aussi être conscient que son personnage représente une cause sociale, celle de la représentation des minorités. Or, The Walking Dead a trop souvent sacrifié ses survivants LGBTQ+ par le passé : Alisha, Denise et Eric en ont fait les frais (même le spin-off suit ce schéma rétrograde avec Victor Strand). Le symbole est d’autant plus dramatique alors qu’on commençait à percevoir une romance naissante entre Jesus et Aaron. Le constat est déplorable mais bien réel : le show ne laisse jamais en paix ses couples homosexuels (Tara/Alisha, Tara/Denise, Eric/Aaron). À l’inverse, des personnages hétérosexuels comme Rick et Carol finissent toujours par retrouver l’amour, respectivement dans les bras de Michonne et Ezekiel.

Trois ans auparavant, The Walking Dead avait sombré dans la série insipide. Elle n’a peut-être jamais été parfaite, même sous ses meilleurs jours. Mais le boulot acharné d’Angela Kang est porteur d’espoir pour les derniers fidèles de la série. Il lui reste encore une montagne à gravir (ou plutôt une Colline) pour remettre le show dans le droit chemin. Une montagne constituée d’un long parcours ponctué de décisions narratives médiocres ou incohérentes (sur huit années d’existence, imaginez le boulot de dingue), de nombreux ego d’acteurs qui se frictionnent, de la pression d’une chaîne en perte d’audience et de spectateurs toujours plus exigeants.

En vérité, tout le monde a mis des bâtons dans les roues d’Angela Kang mais elle mène sa barque comme un pirate indéfectible, le regard fixé sur l’horizon. Grâce à cette hargne, son talent d’écriture et sa créativité, elle est parvenue à ressouder une équipe créative pour finalement proposer un épisode de The Walking Dead tout simplement brillant. Le genre de ceux qui peuvent rejoindre le panthéon des épisodes cultes tels que “The Grove”, “Killer Within” et “18 Miles Out”. La showrunneuse est peut-être l’unique personne à avoir découvert le remède d’une série zombifiée, si bien que The Walking Dead mérite toute votre attention sous l’ère Angela Kang.

En France, la saison 9 de The Walking Dead reprendra le 11 février 2019 sur OCS Choc.