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Firefly Lane : un This Is Us cheesy sur une amitié féminine au long cours

Firefly Lane : un This Is Us cheesy sur une amitié féminine au long cours

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© Netflix

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Par Marion Olité

Publié le

Intitulée sobrement (non) Toujours là pour toi, en français, la série marque le retour de Katherine Heigl dans une série.

Il est conseillé d’avoir visionné au moins les cinq premiers épisodes de Firefly Lane avant de lire cette chronique.

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Depuis son départ de Grey’s Anatomy il y a une décennie déjà, Katherine Heigl n’a pas vraiment retrouvé de rôle aussi marquant que celui d’Izzie Stevens. L’actrice a bien joué dans quelques comédies romantiques anecdotiques, comme Happy New Year (2011), Marions-nous ! (2015) ou Rivales (2017)… Elle est également apparue dans des séries comme Suits (2018), mais ses tentatives de retour sur le devant de la scène sérielle – de State of Affairs à Doubt – se sont soldées par des échecs cuisants. Un peu comme si l’actrice appartenait à une vision révolue de la femme, l’héroïne de rom-com, un genre qui peine à se renouveler et tombe en désuétude à Hollywood. Pourtant, la carrière de Katherine Heigl s’oriente irrémédiablement vers ces productions à l’eau de rose, bourrées de clichés genrés, mais réconfortantes pour certain·e·s en ces temps si troublés.

Pas étonnant de voir l’actrice retrouver les plateaux avec une production Netflix, Firefly Lane, qui s’inscrit dans la lignée de Virgin River ou À l’ombre des magnolias, des séries d’inspiration Harlequin lancées avec succès par la plateforme. Si les audiences sont au rendez-vous sur ce genre de fictions prémâchées où règnent bons sentiments et clichés à la pelle, ce n’est pas le cas des critiques, souvent assassines.

Il y a de fortes chances que Toujours là pour toi (oui, ce titre français sonne comme une chanson de Lorie) ne fasse pas exception à la règle. Sur le papier, l’histoire donne plutôt envie : adaptée du roman éponyme de Kristin Hannah, Firefly Lane raconte l’histoire d’une amitié féminine sur trois époques différentes. Kate et Tully se rencontrent adolescentes, au cœur des années 1970, en devenant voisines. Les deux autres timelines les voient évoluer après le lycée, dans les années 1980, alors qu’elles débutent ensemble dans le monde professionnel, puis au début des années 2000, alors qu’elles vivent leur quarantaine.

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Katherine Heigl se glisse dans la peau de la flamboyante Tully Hart, animatrice télé sexy devenue célébrité, tandis que sa BFF, Kate Mularkey, prend les traits d’une autre revenante, Sarah Chalke (Scrubs). À l’opposé de sa pote, cette dernière se distingue par sa timidité et son côté quirky. Elle œuvre plutôt dans l’ombre, en tant que productrice ou assistante des journalistes, selon les époques, mais aspire en réalité à écrire de la fiction. Au fur et à mesure des amours, des bébés et des opportunités professionnelles, elles conservent ce lien indéfectible qui les unit, à moins que…

Aurait-on jugé Firefly Lane un peu vite ? Tiendrait-on là un joli drama, sans prétention, sur la grandeur des amitiés féminines ? Disons simplement que, dans son style kitsch assumé, la série a ses bons moments, notamment quand elle se penche sur les versions adolescentes de Kate et Tully, interprétées par les excellentes Ali Skovbye et Roan Curtis. On assiste à cette amitié naissante, aux épreuves dures que traversent les deux jeunes femmes ensemble (l’une est victime de viol et slut-shamée, l’autre traitée comme une geek loseuse – ses énormes lunettes de vue nous le rappellent subtilement…), à la découverte de leurs dynamiques familiales respectives, rue Firefly Lane (qui donne son nom original à la série) ou aux premières règles de l’une (évidemment, elle porte un pantalon blanc comme neige). Les ficelles sont grosses, mais on se laisse séduire par les attachantes ados, à l’aube de leur existence.

Les timelines des années 1980 et 2000, portées par Katherine Heigl et Sarah Chalke, s’avèrent étonnamment moins convaincantes et versent encore plus facilement dans des clichés éculés. Les scènes qui se déroulent dans les 80’s ont au moins le mérite de jouer avec une reconstitution toujours savoureuse, surtout dans le milieu des émissions télévisées : par ici la laque, les permanentes, les bodys de fitness et les costards à épaulettes pour les femmes ! Katherine Heigl est comme un poisson dans l’eau, en héroïne célibattante façon Bridget Jones, mais téléportée dans les années 1980. La dernière timeline se déroule au début des années 2000 (il y a donc déjà 20 ans) et semble correspondre à une forme de présent pour les personnages, ce qui n’est pas très clair. Une personne est morte, mais il faudra se coltiner toute la saison 1 pour découvrir qui exactement.

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Firefly Lane a donc tout d’un This Is Us, la subtilité d’écriture et la diversité des personnages en moins. Elle verse dans des sentiments et rebondissements faciles, opposant d’un côté la gentille godiche, sous-cotée, timide et maladroite, tout à coup atteinte d’une diarrhée verbale face à un homme qui lui plaît – en réalité, cette fille est une perle, au passage, absolument canon derrière son soi-disant manque de sex appeal, Sarah Chalke en fait des caisses mais elle assure dans ce rôle stéréotypé – et de l’autre, la bombe Tully, blessée par les hommes et une famille maltraitante. Celle-ci représente le cliché de la working girl des 80’s, qui a tout donné pour son travail et se rend compte, la quarantaine passée, qu’il serait temps d’ouvrir son cœur à nouveau – pourquoi pas un bébé ? Katherine Heigl fait du Katherine Heigl, ni plus ni moins.

Alors que les deux copines traversent des épreuves, un homme se trouve évidemment au milieu pendant toutes ces années : Ryan (Ben Lawson), producteur de Tully et (ex, futur) mari de Kate, qui aspire à un journalisme un peu plus sérieux. Eh oui, car c’est un bonhomme : reporter de guerre frustré par des années derrière son bureau, il veut retourner sur le terrain pour mettre au jour le mensonge de la guerre en Irak. Si la série n’insiste heureusement pas trop (après cinq épisodes visionnés) sur la rivalité féminine, ce personnage à la croisée de leur amitié s’avère, lui aussi, plutôt cliché. C’est quand elle se recentre sur ses deux héroïnes se serrant les coudes que la série devient vraiment intéressante.

Bancale, cousue de fil blanc malgré sa narration déstructurée (mais pas très bien maîtrisée) et filmée comme un téléfilm du dimanche aprèm sur M6, Toujours là pour toi manque d’audace et de modernité dans son propos. Dans le genre série sur des amitiés féminines, on préférera les audacieuses Grace and Frankie, Dead to Me ou encore Insecure – à moins d’être vraiment très fan de Katherine Heigl et Sarah Chalke.

La première saison de Firefly Lane est composée de dix épisodes, disponibles sur Netflix.