Freud, ou le Penny Dreadful autrichien du pauvre

Freud, ou le Penny Dreadful autrichien du pauvre

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Par Adrien Delage

Publié le

Une série risible et complètement surréaliste qui ne rend pas hommage au père de la psychanalyse.

Depuis la mise en place du top 10 du contenu Netflix tendance, on trouve dans cette sélection des œuvres aussi populaires que surprenantes. C’est le cas de Freud, sorte de thriller fantastique et policier sur la jeunesse du neurologue autrichien. Bien loin d’être un biopic traditionnel, la série de Marvin Kren, Stefan Brunner et Benjamin Hessler propose un point de vue fictif sur la jeunesse de Sigmund Freud, alors théoricien en herbe raillé par ses pairs pour ses hypothèses sur l’hypnose et les cas d’hystérie, jugés absurdes.

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Des années avant de devenir le père de la psychanalyse, Freud est dépeint dans la série comme un jeune médecin avide de faire ses preuves. En 1886, la ville de Vienne est au même moment frappée par une série de meurtres sanglants et glauques, qui pourraient être l’œuvre d’un psychopathe. Au plus près de l’affaire, le neurologue va tenter de résoudre ces cas tout en comprenant la psyché du dangereux prédateur, avec l’aide d’une équipe pour le moins atypique : Fleur, une médium apparemment douée de pouvoirs magiques, et Alfred, un policier patibulaire directement impacté par l’enquête.

Une révision surréaliste de l’histoire

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Sur le papier, le pitch de Freud peut faire sourire voire carrément intriguer. Mais une fois la série lancée, ses lacunes ne trompent pas. Qu’ont bien pu avaler ses créateurs pour écrire une histoire aussi absurde et bancale ? Certainement une substance proche de la cocaïne qu’ingurgite régulièrement le neurologue, seul élément véridique de la vie d’un génie qui était rongé par son addiction aux drogues. Autrement, tout le scénario de Freud ressemble à une tentative ratée portant sur la réinvention (tout sauf historique) d’une personnalité scientifique majeure de notre civilisation.

Au premier abord, on pourrait penser à une copie de série B de Penny Dreadful, les héros fantastiques littéraires en moins, bien qu’il serait indigne de comparer ce pastiche fade à l’œuvre culte de John Logan. Freud se rapproche davantage des nanars hollywoodiens tels que Van Helsing ou encore Abraham Lincoln, chasseur de vampires, avec un budget encore plus resserré. La série tombe rapidement dans la caricature du thriller policier flirtant du côté fantastique, s’inspirant même sans grand succès des ténors du genre (une ouverture sordide à la True Detective, des séances d’hypnose qui évoquent les entretiens de Mindhunter, un décor gothique et ténébreux façon The Alienist…).

Si Freud est soignée dans son approche esthétique, où un vrai effort a été accordé à la mise en scène et la lumière, son scénario catastrophique fait bien vite oublier ses quelques qualités. Les personnages sont introduits à la va-vite, l’intrigue part dans tous les sens sans jamais assumer son aspect procedural, qui l’aurait peut-être aidé à mieux se cadrer. La série n’a aucune limite quand il s’agit de forcer le côté horrifique des séquences surnaturelles, si bien qu’elle en devient grotesque malgré elle.

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Pourtant, elle aurait pu avoir un propos pertinent sur l’approche de la psychanalyse, notamment à travers les patients du médecin, traités comme de la vermine à l’époque. Les êtres humains, et en particulier ceux jugés hystériques, ne servaient alors que de cobayes pour mieux percer le secret de notre cerveau. Ce sujet passionnant sur la relation entre handicap et pouvoir, qui fut l’un des éléments-clés de la narration de Game of Thrones notamment, est pourtant rapidement mis de côté au profit du sensationnalisme horrifique, de dialogues entrecoupés de psychologie de comptoir et d’une intrigue policière capillotractée.

En cette période longue et difficile de confinement, il est normal de piocher dans l’offre gargantuesque proposée par les plateformes de streaming. C’est l’occasion de rattraper des séries cultes, se mettre à jour sur des shows en retard et évidemment se rassurer avec des plaisirs coupables. Freud n’appartient à aucune de ces catégories et mérite tout simplement d’être jetée en pâture à votre inconscient et sa capacité unique d’inhibition, pour reprendre un des termes chéris par le génie qui doit se retourner dans sa tombe à l’heure actuelle.

La première saison de Freud est disponible en intégralité sur Netflix.

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