Hacks : quand deux femmes, et deux générations, partent à l’assaut du rire

Hacks : quand deux femmes, et deux générations, partent à l’assaut du rire

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© HBO Max

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Par Delphine Rivet

Publié le

C’est l’histoire de deux femmes, une jeune et une vieille, qui entrent dans un bar…

C’est un vrai défi de faire une série (ou un film) sur le milieu du stand-up. Les rares essais concluants se comptent sur les doigts d’une main : Louie, I’m Dying Up Here, The Marvelous Mrs Maisel et désormais Hacks. Cette dernière, lancée ce 13 mai sur HBO Max (et encore inédite en France au moment où l’on écrit ces lignes), aura sans doute un succès discret et c’est fort dommage. Imaginée par Jen Statsky, Lucia Aniello et Paul W. Downs (ce dernier interprète aussi le rôle de l’agent, Jimmy), tout droit sortis de Broad City, Hacks est bien une petite pépite comme on aimerait en voir plus souvent. Ce two-women show a trouvé l’équation parfaite avec ses deux héroïnes. 

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On entre dans la série par le personnage d’Ava Daniels (Hannah Einbinder), une autrice de télévision bisexuelle qui vit à Los Angeles. Après un tweet tendancieux, elle doit faire profil bas, et les occasions de bosser ne se pressent pas au portillon. Son agent lui décroche pourtant un job, qui fera surtout office de pénitence : écrire pour Deborah Vance (Jean Smart), une légende du stand-up qui a fait carrière à Las Vegas. Il faudrait donner un coup de frais à ses sketches. L’humoriste, de son côté, ne voit pas d’un bon œil l’arrivée de cette jeune autrice qui voudrait lui dicter, à elle, la reine de la comédie, ce qui est drôle ou pas de nos jours.

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Après tout, elle a toujours pu compter sur son matériau d’origine et ses blagues, même datées, ont fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui. À ceci près qu’aujourd’hui justement, la star est sur le déclin et sa résidence, sur l’une des plus grandes scènes de la cité du vice, est menacée par des spectacles plus contemporains. Cette fin de règne annoncée fera finalement plier Deborah. Mais la cohabitation avec son nouveau binôme ne se fait pas sans accrocs. On assiste alors à un clash des générations, boomer vs millennials, tout en soulevant, de façon fine et pertinente, les questions qui les divisent et les rapprochent, par le prisme de l’humour.

Portée par deux femmes, chacune représentant la culture de son époque et campant sur ses principes, Hacks pose un regard tantôt acerbe, tantôt doux, sur le milieu impitoyable du stand-up, de l’humour en général, et de la comédie faite par les femmes en particulier. Les scénaristes ne pouvaient trouver meilleures ambassadrices que Hannah Einbinder, une inconnue qui a déjà tout d’une grande, et Jean Smart, aussi légendaire que son personnage, et qui, rien que ces deux dernières années, a joué dans Legion, Watchmen, Big Mouth et Mare of Easttown. Hacks permet à ses deux actrices principales d’être drôles dans les moments les plus désespérés, et, a contrario, on peut lire la tristesse et la solitude dans leurs yeux lorsqu’elles travaillent leurs sketches ou se balancent des horreurs à la figure.

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Quand la comédie se regarde le nombril, ça passe ou ça casse ! Fort heureusement ici, la série prend très justement le parti de rester subtile, sans forcer, sur les questions qui secouent pourtant ces derniers temps toute une industrie, et la culture qui s’y rattache. Ce qui ne l’empêche pas de parler de cancel culture, sans la mentionner, de MeToo, ou encore de certaines blagues qui ne sont plus tolérables aujourd’hui. Et les deux héroïnes, malgré leurs échanges parfois tendus, ne donneront aucune prise au fameux “on ne peut plus rien dire”. Car à l’arrivée, leur mission est d’élever leur écriture, pas de miser sur des poncifs aussi problématiques qu’éprouvés. 

Il faut donc que nos deux héroïnes s’apprivoisent, s’affrontent sur le terrain des idées, et trouvent, enfin, leur dénominateur commun. La tendresse dans Hacks se mérite. Paradoxalement, ce sont surtout leurs défauts qui les rapprochent. Ava comme Deborah peuvent être parfois égocentrées et sont persuadées d’avoir l’ascendant intellectuel sur l’autre. L’une évolue dans une industrie post-MeToo qui ne tolère plus certains comportements, quand l’autre s’est faite toute seule, a explosé le plafond de verre, sans pouvoir compter sur la sororité (ni l’encourager). Elles ne parlent tout simplement pas le même langage. Mais peu importe, puisque c’est sur le terrain de la solitude qu’elles se retrouvent, jusqu’à se raconter sans fard, intimement, et d’en tirer suffisamment de substance pour en faire un show, aussi drôle que sincère, à la manière d’une Hannah Gadsby. Et bonne nouvelle : Ava et Deborah seront de retour puisque HBO Max a commandé une saison 2 de Hacks. En espérant que, d’ici là, elle sera proposée sur un diffuseur français.