Ryan Murphy réinvente Hollywood dans une mini-série plaisante mais bordélique

Ryan Murphy réinvente Hollywood dans une mini-série plaisante mais bordélique

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Par Florian Ques

Publié le

Le showrunner ultra-prolifique imagine l'usine à rêves sous un prisme plus inclusif. Une volonté louable, mais mal aboutie.

Nip/Tuck, Glee, American Horror Story, Pose… toutes ces œuvres de la petite lucarne ont un dénominateur commun. Derrière chacune d’entre elles se cache Ryan Murphy, ponte de l’industrie sérielle qui a su, année après année, faire de la diversité son credo. Il persiste et signe avec sa dernière fiction, la deuxième produite sous l’égide du tout-puissant Netflix : Hollywood. C’est l’occasion pour lui de faire une croix sur ce qui a été et de concevoir ce qui aurait pu être. Une réécriture d’un pan de l’histoire ingénieuse en théorie, un peu moins en pratique.

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Dans cette mini-série divisée en sept épisodes, Ryan Murphy et ses fidèles collaborateurs Ian Brennan (Scream Queens) et Janet Mock (Pose) remontent le temps pour nous immerger dans le Los Angeles des années 1940, sacro-sainte période considérée comme l’âge d’or hollywoodien. On y suit plusieurs personnes dont les destins s’entrelacent au gré des chapitres : Jack, un ex-soldat rêvant d’être acteur, Archie, un scénariste en herbe afro-américain, Avis, l’épouse d’un grand producteur de cinéma… Comme sur un échiquier, les pions se mettent en place et se réunissent autour d’un but commun : produire Peg, un long-métrage porté par une femme noire, détail scandaleux et véritablement révolutionnaire pour l’époque.

S’il y a une chose qu’on ne peut pas enlever à Ryan Murphy sur ce coup-là, c’est bien que l’idée de base derrière Hollywood est intéressante. Ici, le showrunner met sur pied une uchronie qui, épisode après épisode, se mue en utopie. Il conçoit un nouveau microcosme hollywoodien aux antipodes de ce qu’il était à l’époque : plus inclusif, moins misogyne, moins homophobe. Alors oui, ces tares sont présentes au fil de l’intrigue, mais elles se trouvent progressivement estompées, piétinées par l’espoir infaillible des personnages. C’est beau, ça fait rêver, mais souvent, ça sonne creux et ce, pour plusieurs raisons.

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D’une part, le propos global de la série est terriblement maladroit. Hollywood dépeint des personnages issus de minorités qui donnent tout pour acquérir la gloire à laquelle ils aspirent tant. Oui, ce chemin vers la reconnaissance est semé d’embûches. En guise d’exemple, Camille, la jeune actrice noire ayant décroché le rôle principal de Peg, écope de menaces racistes par téléphone et voit son domicile pris d’assaut par un cocktail Molotov, après l’annonce de son casting, mais ce n’est pas grave, elle s’obstine. L’impact émotionnel qu’elle aurait pu subir est à peine effleuré. Parce qu’après tout, il n’y a qu’un but et un seul à ne pas perdre de vue : tout rafler aux Oscars.

Grosso modo, les obstacles rencontrés par les personnages d’Hollywood sont trop aisément écartés. En découle alors un message assez confus : si les minorités de l’époque n’ont pas réussi à vaincre les discriminations inhérentes à cette période-là, c’est bien parce qu’elles n’ont pas suffisamment persévéré. Post-visionnage, on a cette impression amère que la série, peut-être sans en avoir conscience, rejette la faute sur les victimes, négligeant une grande partie des mécanismes discriminatoires de la première partie du XXe siècle. Le tout, au profit d’une histoire se voulant inspirante, certes, mais qui sent le réchauffé.

Le personnage de Camille, évoqué plus haut, est de loin le plus frustrant. Telle un pantin, elle n’existe que pour ce qu’elle représente et jamais pour ce qu’elle est. Son personnage est unidimensionnel au possible : elle incarne la communauté afro-américaine et n’est jamais plus qu’un porte-étendard, n’ayant aucune réelle profondeur au-delà de sa participation historique à Peg – la faute, peut-être, à un format trop court pour une mini-série qui aurait gagné à mieux développer ses protagonistes.

En revanche, elle aurait bénéficié d’accorder moins de temps à certains comme Jack Costello, héros archétypal dont l’existence est loin d’être indispensable. On en vient surtout à se dire que Ryan Murphy a encore une fois voulu recycler l’un de ses acteurs blancs moyens-mais-très-mignons, en l’occurrence David Corenswet, entraperçu dans son autre série The Politician.

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En parlant de comédien·ne·s passables, Hollywood en compte une flopée. Laura Harrier peine à rendre Camille attachante, misant constamment sur des moues boudeuses qui finissent par blaser plus qu’autre chose – on pourra mettre ça sur le compte d’un scénario qui lui offre malheureusement peu de choses à explorer. L’acteur Jake Picking, révélé dans cette mini-série, délivre lui aussi une performance assez plate sous les traits de Rock Hudson, star hollywoodienne ayant véritablement existé, que la série prend plaisir à abrutir plus que nécessaire pour d’obscures raisons. Toute la grâce d’Hollywood vient de son casting plus rodé à l’exercice, avec des prestations impeccables de la part de Patti LuPone et Holland Taylor.

Malgré tout, si les défauts d’Hollywood sont nombreux et facilement camouflés sous un vernis clinquant, la mini-série de Netflix a ses moments de génie. Comme quand, par exemple, elle décortique les mécanismes homophobes de l’époque à travers le personnage qu’interprète Jim Parsons (The Big Bang Theory), un agent refoulant son homosexualité et abusant de ses talents. La série est aussi fascinante dans son traitement des personnages féminins âgés, n’hésitant pas à explorer leur sexualité, chose que l’on voit encore trop rarement sur un écran. 

Bien que l’on se réjouisse forcément face à ce triomphe de la diversité sur l’adversité, Hollywood n’est pas aussi cathartique qu’elle veut nous le faire croire. Sa volonté initiale est noyée sous une facilité qui fait tiquer, des pistes narratives prévisibles, ainsi que des performances faiblardes dans l’ensemble. On aurait peut-être été plus investis si la série avait pris le temps de faire de ses personnages plus que de simples archétypes ambulants. À choisir, on préférera revisionner Feud qui, elle, a su se montrer plus acérée dans sa reconstitution d’une fresque hollywoodienne.

Hollywood est disponible en intégralité sur Netflix à l’international.