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Jessica Jones, ou le chant du cygne d’une super-héroïne fatiguée

Jessica Jones, ou le chant du cygne d’une super-héroïne fatiguée

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©Netflix

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Par Delphine Rivet

Publié le

Il n'y a pas grand-chose à sauver de ce troisième opus, qui a pour seul mérite de nous faire regretter la saison 1.

Alors que toutes ces petites camarades nées de l’union Marvel/Netflix ont été annulées, Jessica Jones avait encore une saison à offrir, un troisième et dernier tour de piste pour dire au revoir, et pour qu’elle nous donne une fin satisfaisante tout en nous faisant regretter sa disparition de nos écrans. Ce n’est pas ce qu’il s’est passé ici. Jessica Jones a droit au pire sort que l’on puisse réserver à une série : tomber dans l’oubli.

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La sortie, le vendredi 14 juin, de cette troisième saison n’a provoqué qu’une indifférence polie. Et une fois ingurgitée en un week-end, d’un œil distrait, on peut désormais l’affirmer : cette dernière salve d’épisodes est un sacré gâchis. On en vient presque à se dire qu’elle aurait dû s’achever plus tôt. Mais quand ? La saison 2 n’était pas inintéressante mais très dispensable. Non, vraiment, Jessica Jones n’a jamais fait mieux que sa saison 1.

Il y a une certaine fatigue qui transparaît entre les lignes de ces treize derniers épisodes. Jessica a du plomb dans l’aile, et ça fait franchement mal au bide car c’est une héroïne que l’on a profondément aimée. Elle fait d’abord face à un problème de rythme, aka le grand mal qui a atteint toutes les séries Marvel/Netflix, forcées d’occuper un espace beaucoup trop grand pour des intrigues méritant maximum 10 épisodes. Cette saison 3, qui aurait dû faire monter la sauce pour nous gratifier d’un feu d’artifice d’action et d’émotion, n’a pas tenu ses promesses.

© David Giesbrecht/Netflix

Elle met un temps bien trop long à révéler ses gros enjeux, soit la traque d’un serial killer (pour le “plot” psychologique et action), et la trajectoire funeste de Trish (pour le “plot” émotionnel). Elle nous fait donc languir, sans pour autant nous donner quoi que ce soit à nous mettre sous la dent en attendant. Même l’humour semble avoir quitté notre héroïne pourtant délicieusement cynique et irrévérencieuse. Sa meilleure vanne doit concerner son ablation de la rate, mais on ne sait plus trop, tant l’ennui était grand.

Alors certes, passer après Killgrave en saison 1, ça sent le coup fourré. Pas évident de surpasser le machiavélisme de ce personnage, merveilleusement interprété par un David Tennant au sommet de son art (et du vice). Un méchant fascinant, contre qui Jessica était vraiment vulnérable, les pouvoirs du premier étant en mesure de contrer ceux de l’héroïne. À la limite, la saison 2 lui opposait un défi d’ordre surtout émotionnel. Mais qu’est-il passé par la tête des scénaristes, toujours menés par Melissa Rosenberg, pour nous infliger Gregory Salinger, un serial killer, certes très intelligent, mais tout ce qu’il y a de plus humain ?

Le cerveau VS la force physique, ça marche peut-être pour une saison de Survivor, mais en fiction, on a connu plus inspiré. On a alors cette désagréable impression que Jessica Jones a oublié qu’elle était une série de super-héros. Pourtant, ça n’est pas faute de nous rabâcher à longueur d’épisode que non, non, non, elle ne veut pas être une super-héroïne. Elle exècre la fonction, et l’aspect moral du job, mais s’évertue pourtant à faire le bien autour d’elle. Notre détective n’est plus à un paradoxe près.

Et pendant qu’elle traque Salinger et se plaint d’à peu près tout, sa sœur de cœur Trish part totalement en vrille. Après une expérience scientifique douteuse en fin de saison 2, l’ex-enfant star se retrouve dotée de pouvoirs surhumains… Enfin ça, c’est ce qu’on essaye de nous faire avaler. En vérité, celle qui était, si la série avait continué, destinée à devenir Hellcat, a surtout développé une agilité hors du commun et la capacité de voir dans l’obscurité (ce qui ne lui servira qu’une fois). Trish s’entraîne comme une dingue. Elle vend des cardigans le jour dans son émission de téléshopping, et combat le crime la nuit.

© Netflix

Les dilemmes moraux qu’elle rencontre (et son accoutrement) rappellent ceux de Daredevil : quand on décide de se faire justice soi-même, il est facile de basculer sans s’en rendre compte dans le camp de ceux que l’on punit. Heureusement, la série a dégainé son arme secrète : un “love interest” ou plutôt le “plan cul” de Jessica, un certain Erik, soit l’incarnation humaine d’un compas moral. En présence de personnes corrompues ou malfaisantes, il est pris de migraines plus ou moins fortes. Pratique pour nous signaler, à la toute fin de la saison, que Trish est vraiment devenue peu recommandable. C’est vrai qu’on avait encore des doutes après avoir tué trois hommes à mains nues…

Ce naufrage est d’autant plus écœurant que Jessica Jones était la dernière et l’une des meilleures représentantes de la franchise Marvel sur Netflix. Personne ne sera là pour pleurer sa disparition, parce qu’après les annulations choc de Daredevil, Luke Cage et Iron Fist, on n’en avait presque oublié que l’héroïne de Hell’s Kitchen avait eu droit à un sursis. Hélas, elle a cramé cette dernière opportunité de briller en détruisant ce qui avait fait sa gloire en saison 1.

Exit l’impertinence et l’humour, Jessica est réduite à n’être qu’une râleuse antipathique, exit les combats épiques, les rares scènes d’action n’impressionnent plus, exit le boss de dernier niveau, on se fade une sorte d’incel pathétique aux motivations fumeuses… Rien ne va dans cette saison 3, et ça nous rend super triste de dire au revoir à Jessica Jones en finissant sur une note pareille.