Kirsten Dunst nous vend sa meilleure came dans On Becoming a God in Central Florida

Kirsten Dunst nous vend sa meilleure came dans On Becoming a God in Central Florida

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© Showtime

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Par Delphine Rivet

Publié le

Une comédie dramatique aussi cynique que lumineuse.

L’Amérique, terre de tous les possibles où chacun et chacune peut réussir… enfin, c’est évidemment plus compliqué si on n’est pas blanc·he, ni valide, qu’on n’est pas un homme cis et hétéro, et qu’on est pauvre. L’adage a soudain un sérieux goût de rance et tient, au mieux, de la pensée magique quand on appartient aux minorités citées ici. Pour rajouter à la cruauté de la situation, le système capitaliste nous pousse à adopter la posture grégaire du “manger ou être mangé”.

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On Becoming a God in Central Florida vient détricoter, avec un certain cynisme, l’idée même de l’ascension sociale. Créée par Robert Funke et Matt Lutsky et produite par Kirsten Dunst (qui tient aussi le premier rôle) et George Clooney, la série de Showtime, qui se déroule au début des années 90, s’attaque à ce vaste sujet en privilégiant le petit bout de la lorgnette. On suit alors les galères de Krystal Stubbs, ancienne reine de beauté et maman d’un bébé, qui, à la suite d’un accident de la vie, va se retrouver au pied du mur.

Elle se retrouve avec une cargaison de produits ménagers et un portefeuille de clients sur les bras qu’elle doit faire fructifier. Sauf qu’elle n’est pas entrepreneure, elle est — et elle en a parfaitement consciente — l’un des maillons (faibles) d’une arnaque pyramidale nommée F.A.M., Founders American Merchandise, calquée sur le système de Ponzi.

Ici, on parle de “système Garbeau”, du nom de son grand manitou, Obie Garbeau II (joué par Ted Levine), à mi-chemin entre le cow-boy moustachu et le télévangéliste. Pour espérer grimper les échelons et se sortir la tête de l’eau, Krystal doit impliquer, et donc arnaquer, des gens qui, comme elle, ont du mal à s’en sortir mais sont suffisamment crédules pour imaginer qu’en Amérique, tout le monde peut gagner à la loterie. “I won’t be poor again. I won’t”.

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Parce qu’elle est une femme, et maman solo, elle est vue comme une proie facile. Le système qu’elle va d’abord intégrer pour survivre et va éventuellement tenter de faire imploser, c’est autant celui de F.A.M., de la société capitaliste tout entière, que du patriarcat. Car l’un comme l’autre ne peuvent subsister que si Krystal reste à sa place, tout en bas de la pyramide.

On Becoming a God in Central Florida, portée par une Kirsten Dunst au sommet de son art, pose aussi un regard plein de tendresse sur l’Amérique white trash, celle qui aurait pu voter Trump si on était en 2016. On y voit le désespoir de personnages, pas mauvais dans le fond, qui peinent à joindre les deux bouts, accablés par les dettes qui s’accumulent et l’envie de posséder toujours plus pour exister aux yeux de la société capitaliste. Pourtant, la série conserve une étonnante légèreté par moments, et s’aventure même en Absurdie avec des scènes dignes d’une comédie des frères Coen.

Elle consacre aussi une bonne partie de son propos, et c’est évidemment lié au capitalisme, à l’endoctrinement réclamé par le système Garbeau. F.A.M. est montré comme une secte et les liens avec la religion sont nombreux. Prédicateurs donnant la messe à des fidèles béat·e·s, adeptes qui répètent les mantras du gourou sur cassette jusqu’à l’autohypnose, séances de prières collectives, rigorisme du dogme… Le “In God we trust” imprimé sur les billets verts est d’une pertinence qui fait froid dans le dos. Pour se multiplier et exaucer tous les souhaits, le dieu dollars a besoin de sacrifices humains.

Les quatre premiers épisodes déjà diffusés, sur les dix qui composent la saison 1, donnent le ton de cette chronique mordante menée par une héroïne aussi attachante que féroce dans l’adversité. Autour d’elle gravite une belle galerie de seconds rôles (et un caméo d’Alexander Skarsgård), dont le brave Ernie, un ami de Krystal plus écorché qu’il n’y paraît incarné par Mel Rodriguez, vu dans The Last Man on Earth, et dont l’épouse résiliente mais pas dupe est jouée par la chanteuse Beth Ditto. On salue aussi la performance de Théodore Pellerin, qui campe un des “super vendeurs” de F.A.M., Cody, et dont l’ambiguïté de la relation avec Krystal n’en finit pas de nous captiver.

On Becoming a God in Central Florida est une vraie découverte, dont le lancement s’est fait en toute discrétion sur Showtime, et qui n’a, hélas, pas encore trouvé de diffuseur français à ce jour.