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Love, Death + Robots, l’anthologie animée révolutionnaire de Tim Miller

Love, Death + Robots, l’anthologie animée révolutionnaire de Tim Miller

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Par Adrien Delage

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On n'avait pas vu telle merveille depuis l'Animatrix des sœurs Wachowski.

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Depuis qu’il s’est lancé dans Mindhunter, David Fincher ne lâche plus le petit écran, quitte à tourner le dos à des projets hollywoodiens colossaux telle que la suite de World War Z. Fidèle à Netflix pour le moment, le cinéaste est venu prêter main-forte à son homologue réalisateur Tim Miller (Deadpool), pour une anthologie animée qui pourrait bien redéfinir le concept de binge-watching sur le long terme. Osons le dire, les deux hommes viennent de créer une série ovni qui restera dans les annales.

Plus qu’un format épisodique, Love, Death + Robots est une sorte d’anthologie de courts-métrages où se côtoient évidemment les trois éléments du titre, mais aussi une vaste palette de thématiques et de techniques d’animation. Tim Miller et David Fincher ont fait appel à de multiples studios d’animation (américains, nippons et européens) pour donner vie à des militaires lycanthropes, des aliens tout droit sortis de Starship Troopers, des démons vampiriques et d’étranges robots comiques. Il en résulte 18 épisodes qui flattent la rétine, émeuvent, font sourire ou tout simplement s’accrocher à son canapé.

Frustrer pour mieux imaginer

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À travers Love, Death + Robots, Tim Miller et ses équipes créatives mettent en exergue la consommation excessive des séries à notre époque et se questionnent sur notre rapport à l’écran en pleine ère de Peak TV. Les 18 épisodes de l’anthologie sont courts, voire très brefs (de 5 à 18 minutes), et après avoir enchaîné ces récits fantastiques et intenses, on s’en trouve parfois frustrés mais dans le bon sens du terme.

Frustrés de ne pas connaître la mythologie extraterrestre qui se cache derrière “Beyond the Aquila Rift”, de ne pouvoir incarner l’un des héros russes de “The Secret War”, émouvant et sanglant season finale, dans un FPS façon Call of Duty, ou de ne pas comprendre qui a commencé la boucle temporelle meurtrière dans le haletant “The Witness”… Love, Death + Robots nous laisse songeur quant à sa capacité à se renouveler et nous plonger dans un univers fascinant, avant de nous en expulser tout aussi rapidement.

Dans cette optique, Miller et Fincher interrogent notre rapport à la série et son caractère éphémère : un épisode de 5 minutes se vit-il plus intensément qu’une saison de 22 épisodes ? La beauté d’une œuvre ne se cache-t-elle pas dans sa fugacité, comme en témoigne le très arty et poétique “Zima Blue” ? Ne vaut-il pas mieux être sélectif dans ses choix d’épisodes pour ne pas être déçu à la fin ? Love, Death + Robots bouscule les codes, autant dans sa forme et sa mise en scène que dans la manière de la consommer, et nous rappelle que notre imagination prime toujours sur la fiction.

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Mais avant de nous faire réfléchir, Love, Death + Robots est une œuvre qui se vit et se regarde d’un œil passionné. Animation à la japonaise, photoréalisme, CGI en 3D poussée à la limite de l’uncanny valley, motion capture (certains auront sans doute reconnu Samira Wiley d’Orange Is the New Black dans “Lucky 13”), acteurs en chair et en os dans le surprenant “Ice Age”… Les équipes artistiques du show multiplient les prouesses visuelles, si bien qu’on ne compte aucun raté dans l’esthétique du show, même si chaque spectateur gardera en tête l’animation révolutionnaire de “The Witness”, réalisé par Alberto Mielgo, déjà consultant artistique sur l’innovant Spider-Man: New Generation.

Love, Death + Robots brasse également une tonne de sujets et de genres, voire de sous-genres, différents. Le space opera, l’horreur, le cinéma d’exploitation et même le rape and revenge, la science-fiction, le western… Il y a de tout, et c’est peut-être là où le bât blesse dans le format de l’anthologie. Certains épisodes paraissent franchement anecdotiques, comme le monstre de la décharge de “The Dump”, alors qu’on vient se prendre en pleine tête la beauté miyazakienne de “Good Hunting” et son récit lyrique.

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Impossible de parler de l’anthologie sans évoquer la violence et la nudité, qui sont d’ailleurs souvent liées dans les épisodes. Le sang coule à flots dans de nombreux courts-métrages, souvent pour souligner l’aspect fantastique et terrifiant de certaines histoires comme le combat des loups-garous dans “Shape-Shifters”. D’autres fois, c’est une utilisation de la violence plus intime, à échelle humaine, comme dans “Helping Hand”, sorte de survival spatial glaçant et féministe, entre Gravity et 127 heures.

Quant à la sexualité dans Love, Death + Robots, elle prend un aspect queer, pansexuel et débridé, et va parfois très loin, comme dans cette scène zoophile où le capitaine Thom couche avec une araignée troglodyte dans “Beyond the Aquila Rift”. C’est souvent dérangeant, mais moderne et captivant, si bien que l’anthologie va encore plus loin que sa cousine en live action, Black Mirror. On notera également quelques échos à la folie créative et désinhibée de Gaspar Noé dans “The Witness”, et sa scène d’orgie marquante à base de fluides étranges, de stroboscope épileptique et de lumières fluo.

Avec son ultraviolence et son bestiaire lovecraftien, ses thématiques portées sur l’anticipation et le transhumanisme, Love, Death + Robots s’adresse clairement aux adultes et à ceux et celles qui ont le cœur bien accroché. L’anthologie de Tim Miller assume pleinement son statut d’ovni unique, même si on ne peut s’empêcher de rêver à une deuxième saison tout aussi rythmée et impétueuse. Cela dit, Love, Death + Robots semble nous dire que les séries plus courtes sont souvent les meilleures. Et puis on est déjà assez perturbé comme ça après notre visionnage, à se demander quotidiennement si ce fromage frais en apparence innocent ne finira pas par régner sur la galaxie…

En France, les 18 épisodes de Love, Death + Robots sont disponibles en intégralité sur Netflix.