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Une saison 2 plus convenue pour l’anthologie Love, Death + Robots

Une saison 2 plus convenue pour l’anthologie Love, Death + Robots

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Ⓒ Netflix

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Par Adrien Delage

Publié le

Les courts-métrages d’animation produits par Tim Miller et David Fincher sont toujours spectaculaires mais moins surprenants.

En 2008, David Fincher et Tim Miller annonçaient leur collaboration pour produire un reboot de Heavy Metal, un film anthologique d’animation et de science-fiction sorti en 1981. Ce long-métrage réalisé par Gerald Potterton proposait différentes histoires baignant dans la violence, le sexe et la nudité. Finalement, Tim Miller fut appelé pour le développement de Deadpool, pendant que David Fincher produisait la première série originale de Netflix, House of Cards. Mais ce partenariat fructueux avec la plateforme de streaming donna aux deux cinéastes l’idée d’une série animée inspirée de Heavy Metal, et désormais connue sous le nom de Love, Death + Robots.

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La première saison, mise en ligne en mars 2019, avait marqué les abonnés Netflix par sa richesse artistique et ses histoires surprenantes. Le tandem redonnait un souffle innovant à la série d’animation pour adultes, avec 18 épisodes souvent gores, à l’esthétisme macabre et la moralité ambiguë. Certaines histoires ressortaient particulièrement du lot, comme “L’Œuvre de Zima”, véritable envolée lyrique et poétique, ou encore la beauté du dessin miyazakien de “Bonne Chasse”. Bref, on n’avait pas pris une telle claque d’originalité et de créativité depuis l’Animatrix des sœurs Wachowski.

Love, Death + Robots revient ce mois-ci avec un deuxième volume moins généreux (seulement huit épisodes), mais la promesse de continuer à nous faire voyager dans des univers et des mythologies aussi variés qu’émouvants. La saison 2 met principalement à l’honneur des studios d’animation européens, dont les Français d’Atoll Studio et d’Unit Image, les Anglais de Passion Animation Studios, Axis Studios et Blink Industries, ainsi que la boîte américaine de Tim Miller, Blur Studio, déjà à l’œuvre sur la saison 1. Au programme : des cyborgs, du sang et des sentiments, évidemment.

Horreur et transhumanisme

Ⓒ Netflix

La force de Love, Death + Robots repose sur une mécanique frustrante mais terriblement addictive et jouissive : des courts-métrages qui ne dépassent parfois même pas les dix minutes, mais qui donnent envie au spectateur d’en voir plus. Les univers éclectiques, imaginés par les différents scénaristes et studios d’animation, sont toujours assez captivants pour valoriser l’imagination des fans, qui souhaiteraient prolonger l’expérience dans un film, une série entière voire un jeu vidéo. Avec son robot aspirateur tueur, sa créature lovecraftienne de Noël et son Argonaute gigantesque, la saison 2 poursuit cet appel délicieux à l’imaginaire et la réinvention.

Avec deux fois moins d’épisodes que le premier, ce deuxième volume recentre toutefois ses grandes thématiques. Elles sont tout du moins bien plus évidentes à cerner. Les histoires évoquent des questionnements humains et technologiques, souvent implantés dans des dystopies, des mondes futuristes voire notre environnement contemporain. On y parle d’immortalité et de transhumanisme, du libre arbitre des robots théorisé par Asimov et Campbell, de la peur de l’inconnu, d’écologie ou encore de la place de l’humanité dans l’univers. C’est captivant, souvent émouvant voire carrément dérangeant pour certains récits qui s’inspirent de l’horreur lovecraftienne ou encore japonaise façon Kaijū.

La variété des styles d’animation se combine avec celle des genres, mais l’horreur reste clairement au cœur de Love, Death + Robots. Il y a par exemple la créature xénomorphe de “La Surprise de Noël”, le robot tueur de “Module de secours” et les monstres difformes de “De si hautes herbes”. Mais dans les épisodes les plus bluffants, l’horreur prend forme humaine pour se conclure sur une morale glaçante, parfois sordide. On pense aux agents du FBI tueurs d’enfants de “Groupe d’intervention” et aux touristes anglais irrespectueux du “Géant noyé”, qui saccagent un corps humain sous prétexte de sa taille absurde. Loin de multiplier les jump scares, l’horreur de la série animée y est surtout psychologique ou joue carrément sur des questionnements éthiques terrifiants.

Ⓒ Netflix

Dans la même idée que ses thématiques cycliques, les références de ce volume 2 sont très marquées par la pop culture. Si l’anthologie est très clairement influencée par une patte Black Mirror, on y trouve plein de petits éléments issus du cinéma et de la littérature fantastiques. Ainsi, “Snow et le Désert” est une version Rated R de The Mandalorian et Star Wars dans l’ensemble ; “Groupe d’intervention” pioche la dichotomie de son univers inégalitaire dans les pages du roman noir Carbon modifié de Richard Morgan ; “De si hautes herbes” est un hommage à Stephen King qui aurait piqué les créatures du film d’horreur The Descent ; tandis qu’on distingue dans “Le Géant noyé” un savoureux mélange entre Le Bon Gros Géant de Spielberg et un conte noir des frères Grimm.

Si on prend un malin plaisir à repérer ces références éparpillées dans les épisodes, ce deuxième volume de Love, Death + Robots reste toutefois plus convenu et surtout moins surprenant que la première saison. Rien qu’en termes d’animation, la sélection de Miller et Fincher est bien moins variée et s’appuie principalement sur du photoréalisme et de la création numérique. Ça n’enlève rien à la majestuosité des plans créés par ordinateur ou même au plaisir de retrouver Michael B. Jordan en motion capture dans ces épisodes, mais on perd un peu de la poésie offerte par les dessins manuscrits ou le style aquarelle de courts bouleversants comme “L’Œuvre de Zima”.

D’un côté, l’intérêt d’une œuvre anthologique repose sur son caractère subjectif, puisque tous les spectateurs sont censés y trouver leur compte avec des épisodes qu’ils jugeront meilleurs ou moins bons. Dans tous les cas, Love, Death + Robots continue d’explorer une science-fiction riche, à la fois noire par ses thématiques et lumineuse pour ses fulgurances d’animation. Le volume 3 est déjà en développement du côté de Netflix avec une sortie prévue en 2022, pour un rendu peut-être moins sombre alors que l’humanité commence à entrevoir l’espoir de sortir d’une crise sanitaire mondiale, et sûrement autant existentielle qu’une série qui nous parle aussi bien d’amour, de mort et de robots.

Les deux premières saisons de Love, Death + Robots sont disponibles en intégralité sur Netflix.