Narcos: Mexico est une variation réussie sur le même thème, la naissance des cartels de la drogue en Amérique Latine

Narcos: Mexico est une variation réussie sur le même thème, la naissance des cartels de la drogue en Amérique Latine

Image :

©Netflix

photo de profil

Par Marion Olité

Publié le

Meet le cartel de Guadalajara.

À voir aussi sur Konbini

 

©Netflix

On prend pas exactement les mêmes et on recommence. Après nous avoir compté l’ascension et la chute des cartels colombiens de Cali et de Medellín à travers la lutte sans merci que ses chefs se sont menée, mais aussi la détermination d’agents de la DEA et de flics locaux à arrêter tout ce beau monde, le showrunner Eric Newman nous propose un retour dans le temps et un changement de décor. Back to the 80’s donc, pas que pour le plaisir de voir les mafieux sapés avec des cols pelle à tarte façon Tony Montana dans Scarface (un clin d’œil direct est d’ailleurs fait au film culte de Brian De Palma sorti en 1983, dans l’épisode 3 où Rafa prend exemple sur le look du mafieux pour séduire une femme), mais tout simplement parce qu’on est pleine époque de la naissance des cartels. 

La saison 3 de Narcos avait donc beau se terminer au cœur des années 1990, par la chute des gentlemen de Cali, Narcos: Mexico remonte le temps, pour nous compter l’histoire d’un nouveau cartel, celui de Guadalajara au Mexique, et de son fondateur, Félix Gallardo. Incarné par un excellent Diego Luna, cet ex-flic originaire de Sinaloa a l’idée brillante de réunir toutes les plazas – les différentes organisations de trafic de drogue du Mexique qui se tirent dans les pattes depuis des décennies – sous sa coupe pour organiser le premier et le plus gros cartel de l’histoire du pays. Avec l’aide de Rafael Caro Quintero et Ernesto Fonseca Carrillo (Don Neto), il monte un gigantesque empire de la beuh avant de s’attaquer au marché de la coke. 

Et évidemment, pendant ce temps-là, un agent de la DEA l’a dans le pif. Kiki Camarena (Michael Peña) devient obsédé par la traque de Félix. Il embarque tout son service dans cette enquête impossible, le baron de la drogue ayant les trois quart des flics mexicains dans la poche. 

Say his name

©Netflix

Vous avez l’impression que Narcos vous raconte la même histoire chaque saison ? Oui et non. Certes, on retrouve la recette gagnante du show créé par Eric Newman : une narration ultra-efficace avec cette voix off cool, blasée et en même temps didactique, un savant mélange d’images d’archives et de reconstitution qui font de la série un objet assez particulier, à la fois fictif – les scénaristes prenant des libertés créatives par rapport à la réalité – et tout de même extrêmement bien documenté. Et puis, il y a de nouveau cette trajectoire croisée entre le mafieux en pleine ascension et le flic obsédé par son arrestation. Un bon vieux jeu du chat et de la souris, qui fonctionne toujours aussi bien, surtout quand ce sont Diego Luna et Michael Peña qui se courent après. Le tout est flatté par une réalisation toujours aussi soignée, qui ici épouse les couleurs désertiques du Mexique. On a ainsi droit à de très belles scènes de fin de journée, quand le soleil se couche.

Cette nouvelle saison n’est pas pour autant un bis repetita des précédentes. Chaque organisation criminelle a ses spécificités. Et derrière chaque baron de la drogue se cache un homme différent : le bigger than life Pablo Escobar, aussi touchant qu’effrayant, Pacho Herrera, le flamboyant psychopathe, les frères Orejuela, hommes d’affaires froids et calculateurs… Sur ce nuancier de criminels, Félix Gallardo se situe du côté de… Walter White dans Breaking Bad. De petit trafiquant de cannabis qui cherche à élever socialement sa famille, l’homme va devenir une autre personne, un véritable baron de la drogue, capable de tuer de sang-froid. Pourquoi ? La rage de vaincre, de prouver qu’il n’est plus ce “bouseux” méprisé par les classes dirigeantes de Guadalajara, l’appât du gain, la soif de contrôle, entre autres.

En sept épisodes, on assiste à la transformation morale d’un homme du peuple, pour lequel on avait de l’empathie, en véritable ordure capable de trahir les siens. C’est moins subtil que dans la série de Vince Gilligan, qui a le temps de creuser le sillon sur cinq saisons, mais tout de même édifiant. Les autres parrains dans Narcos étaient déjà de vrais salopards : c’est la première fois que l’on assiste à un “breaking bad” dans la série. 

Rebaptisée inutilement Narcos: Mexico, alors qu’elle est très explicitement connectée aux trois précédentes saisons (en témoigne un épisode 5 savoureux, qui ravira les fans de la série ou encore le générique dont les visuels ont changé en gardant le même esprit et évidemment le même son, “Tuyo” de Rodrigo Amarante), cette nouvelle saison n’est ni tout à fait la même que les autres, ni tout à fait une autre. Elle prouve en tout cas, une bonne fois pour toutes, que la volonté des créateurs de façonner une anthologie autour de la naissance des cartels de la drogue en Amérique latine, tient carrément la route. 

La saison de Narcos: Mexico, composée de dix épisodes, est disponible sur Netflix depuis le 16 novembre.