Now Apocalypse, l’ovni sériel totalement perché signé Gregg Araki

Now Apocalypse, l’ovni sériel totalement perché signé Gregg Araki

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Par Florian Ques

Publié le

Weed, vingtenaires sex addicts et fin du monde imminente : les aficionados du réalisateur ne seront pas dépaysés.

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Sur la petite lucarne, et c’est aussi valable pour le 7e art quand on y réfléchit bien, on remarque une volonté presque irrépressible de vouloir se cantonner à un genre unique. Si une œuvre est une sitcom, c’est une sitcom. S’il agit d’un drame familial, alors ce sera un drame familial. Rien de plus, rien de moins. Les séries qui s’essaient à l’hybridation sont de plus en plus nombreuses heureusement, mais demeurent une minorité. Pour le coup, difficile de faire plus exemplaire que Now Apocalypse, la toute première série de Gregg Araki, qui convoque une multitude de genres (comédie, drame existentiel, science-fiction et j’en passe) pour se forger une identité propre.

Proposée lors de la dernière édition du festival Sundance, où elle a globalement conquis la critique anglophone, Now Apocalypse vient d’entamer sa diffusion sur Starz, chaîne câblée méconnue à qui l’on doit entre autres Outlander et American Gods. Dès sa mise en chantier, le projet nous faisait déjà saliver : on retrouve un certain Steven Soderbergh à la production et Gregg Araki (Mysterious Skin) à la réal’ mais aussi au scénario, où il est épaulé par Karley Sciortino (Slutever). Rien que pour la team impliquée, ça avait de la gueule, mais ce n’était rien en comparaison du pitch.

À ne pas confondre avec le film multirécompensé de Francis Ford Coppola, Now Apocalypse relate le quotidien enfumé d’Ulysses, millennial accro aux applications de rencontres (et à la bonne weed), et ses potes tout aussi déluré·e·s que lui. Parmi ces derniers, il y a Carly, sa confidente, une comédienne en herbe qui s’adonne à des shows caliente à la webcam devant des inconnus, mais aussi Ford, son colocataire désinhibé qui rêve de percer en tant que scénariste hollywoodien, en couple avec Severine, une scientifique spécialisée en astrobiologie très portée sur le plaisir charnel.

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Vous avez repéré un dénominateur commun qui lie tous ces personnages ? Si le mot “sexe” vous a traversé l’esprit, c’est jackpot. En un seul pilote de moins de vingt minutes, Now Apocalypse réussit l’exploit de contenir davantage de sexe que 80 % des séries dans leur intégralité. La bonne nouvelle, c’est que, un peu comme Sex Education de Netflix sans le côté trop didactique, la série de Gregg Araki et Karley Sciortino est étonnamment “sex positive”, dans le sens où elle porte un regard bienveillant et éclairé sur les rapports sexuels.

Là où la série excelle à travers cet épisode inaugural, c’est dans sa manière d’aborder l’expérience gay. Assurément queer lui-même, Gregg Araki n’a jamais raté une occasion d’insuffler un certain progressisme dans les œuvres de sa filmographie, et Now Apocalypse ne fait pas exception à la règle. Lors d’un monologue expéditif, le personnage d’Ulysses se catégorise comme un 4 fluctuant sur l’échelle de Kinsey – une manière détournée de se définir comme bisexuel. Néanmoins, ce pilote explore surtout son côté gay et en profite pour mettre en lumière une réalité du dating homosexuel.

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Dans les derniers instants de l’épisode, Ulysses se rend à un premier rendez-vous dans un bar pour y rencontrer Gabriel (incarné par Tyler Posey, plus crédible que dans Teen Wolf heureusement). Le feeling passe entre eux, le date touche à sa fin. Sans aucun doute intéressé par Ulysses, Gabriel lui fait part de ses doutes : s’ils couchent ensemble maintenant et succombent à leurs pulsions de l’instant, ils risquent de faire une croix définitive sur tout espoir de relation amoureuse. Cette réflexion peut paraître inopinée pour un téléspectateur hétéro lambda, mais résonnera forcément avec un public queer, qui saura identifier les dilemmes auxquels il peut souvent être confronté.

Bon, OK, jusque-là, Now Apocalypse a tout l’air d’être un Sex and the City revisité à la sauce millennials et avec Los Angeles en toile de fond. Et c’est plus ou moins le cas jusqu’aux toutes dernières secondes de l’épisode… Après son date avec Gabriel, Ulysses entend du brouhaha venant d’une ruelle sombre. S’y aventurant, il ne s’attendait sans doute pas à tomber sur un sans-abri en train de se faire sodomiser contre son gré par une créature reptilienne, probablement d’origine alien. Oui, oui, vous avez bien lu. C’est un twist final pour le moins WTF, qui laisse entrevoir la trajectoire barrée et no limit que compte suivre Now Apocalypse au fil de sa première saison.

Post-visionnage, on ne sait pas trop ce qu’est Now Apocalypse, et encore moins ce qu’elle veut être. Cela n’a rien de surprenant quand on connaît le passif de Gregg Araki, spécialiste des scénarios insensés mais toujours empreints d’un regard satirique sur la société. Pour celles et ceux qui connaissent un minimum son travail, la série se présente comme une nouvelle mouture de Kaboom, son long-métrage de 2010 qui a d’ailleurs remporté la toute première Palme Queer du Festival de Cannes. Pour peu que vous ne soyez pas allergiques au mélange de genres et aux scènes de sexe débridées, Now Apocalypse est un petit ovni prometteur qu’on recommande vivement.

Now Apocalypse est diffusée sur Starz depuis le 10 mars 2019.