Outer Banks est un plaisir coupable dépaysant, entre Les Goonies et Dawson

Outer Banks est un plaisir coupable dépaysant, entre Les Goonies et Dawson

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Par Marion Olité

Publié le

Une chasse au trésor aussi divertissante qu'abracadabrante !

Tandis que le monde est en confinement pour lutter contre la pandémie mondiale de coronavirus, Netflix poursuit sa mise en ligne de séries en tous genres, qui deviennent plus que jamais de précieuses portes d’évasion. Mon coup de cœur pour Outer Banks n’aurait peut-être pas été si intense si j’avais pu planifier des vacances à la mer cet été. En l’absence de ce genre de perspectives, la série de Shannon Burke, Jonas Pate et Josh Pate prend une autre dimension.

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Centrée sur un groupe d’ados aussi galériens qu’attachants, elle raconte une improbable chasse au trésor tout en s’attardant, comme tout teen drama qui se respecte, sur les amitiés, les premiers émois et les déchirements de ce délicat passage à l’âge adulte. Les Outer Banks – qui donnent leur nom à la série – font référence à une localisation : un chapelet d’îles barrières situé en Caroline du Nord, aux États-Unis. Les paysages balnéaires, ces minces bandes de sable, les spots de surf, les sorties en bateau au milieu des herbes folles…

Ironiquement, la série n’a pas précisément été tournée dans cette région – mais pas loin, à Charleston, en Caroline du Sud. Elle devait être tournée à Wilmington, mais une législation anti-LGBTQ+ a fait changer Netflix d’avis. Si ces paysages paradisiaques – parfait pour des vacances d’été inoubliables – vous disent quelque chose, c’est normal. La série ado culte Dawson’s Creek (le titre original, devenu juste Dawson en français, retranscrivait l’importance des lieux) a, pour le coup, été tournée durant ses trois premières saisons à Wilmington, en Caroline du Nord.

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Ce n’est pas le seul point commun que partagent Outer Banks et le show de Kevin Williamson. Les deux séries mettent en scène une bande d’amis inséparables dont les vies changent au fil de l’eau et de leurs premiers amours. Comme Dawson, la série débute du point de vue d’un jeune homme sympathique, un peu naïf, répondant au nom de John B (Chase Stokes). Ce dernier nous raconte en voix off un été pas comme les autres. Entre deux balades en bateau et à bord de son combi Volkswagen, il va se lancer, avec ses BFF Kie (Madison Bailey), Pope (Jonathan Daviss) et JJ (Rudy Pankow), dans une enquête pour retrouver son père, disparu il y a 9 mois. Des indices le mènent vers une chasse au trésor qui va faire ressurgir l’Histoire de la région, théâtre des premières tentatives de colonisation de l’Amérique du Nord.

C’est là qu’Outer Banks va lorgner du côté des Goonies. Si les protagonistes de la série sont plus vieux que ceux du classique d’aventure – ils sont au lycée –, ils n’ont pas lâché leur part d’enfance. Les voilà qui s’embarquent – sur fond de couchers de soleil sur la mer et de filtre jauni (on s’y habitue !) – dans la recherche d’un bateau vieux de 150 ans, le Royal Merchant, qui aurait coulé avec à son bord des centaines de lingots d’or, équivalent à 400 millions de dollars. À leurs trousses, des dealers aux tronches patibulaires, une flic plus maligne que la moyenne, des parents qui ne comprennent rien ou les utilisent pour leur propre intérêt et un groupe d’ados rival particulièrement bas du front. Pour qu’on soit bien sûrs de les détester, ces prototypes de petits machos insupportables appartiennent au clan des “Kooks” et habitent dans les quartiers riches, tandis que nos héros, toujours en vadrouille avec leurs fringues de la veille et la faim au ventre (il y est fait plusieurs fois référence dans la série) font partie des pauvres, les “Pogues”.

Lutte des classes

Le thème de la lutte des classes est extrêmement appuyé dans la série et donne lieu à des scènes étonnamment violentes pour un teen drama. Dans un épisode, deux ados riches et méchants tabassent Pope (Jonathan Daviss), un jeune homme noir promis à un brillant avenir s’il arrive à décrocher une bourse, car comme lui dit son père, il n’a pas droit à l’erreur, alors que ses ennemis pourront toujours compter sur l’argent ou l’influence de papa pour se sortir des pires merdiers. Pope se voit entraîné dans une escalade de violence, quand il est poussé à se venger de cette attaque par l’un de ses amis, JJ (Rudy Pankow), le bad boy surfeur, pas forcément le meilleur conseiller en la matière, étant sous l’emprise d’un père abusif, qui le frappe à la moindre occasion. Ce personnage masculin attachant, qui a les répliques les plus fun de la série, n’est pas sans rappeler un certain Pacey Witter.

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La deuxième partie de cette première saison composée de dix épisodes perd en revanche en légèreté, en propos social et en sens de l’aventure pour plonger la tête la première dans un thriller premier degré, plutôt agaçant. Accusé de tous les maux et de tous les meurtres de l’île, John B devient la cible d’une chasse à l’homme épuisante ou notre “suspension de crédulité” (ce pacte du public qui accepte de croire à un univers qu’il sait fictif, tant qu’il est cohérent) est mise à rude épreuve. Au final, les “méchants” ne sont pas aussi drôles et flippants que les Fratelli dans Les Goonies et les ados, loin d’être écrits aussi subtilement que Jen, Dawson, Joey ou Pacey.

Les personnages féminins sont en particulier assez mal exploités : Kie (Madison Bailey), la Joey de la bande, est constamment sollicitée par ses potes mâles qui veulent tous sortir avec elle. Si elle finit par en choisir un à la fin de la saison, on ne comprend pas vraiment pourquoi, ses motivations restent floues, elle semble même n’en avoir rien à faire (alors pourquoi la caser absolument avec un des gars ?) et à vrai dire, ce personnage dégage des vibes gay, qu’il aurait été intéressant d’explorer.

La série se concentre sur l’aspect lutte des classes et reste plutôt aveugle, malgré la présence de personnages féminins et/ou racisés, quand il s’agit d’aborder les questions du racisme et du sexisme pourtant bien présentes en filigrane. Sarah (Madelyn Cline), la “princesse” des Kooks, va s’éprendre de John B dans un retournement classique à la Roméo et Juliette (il est Pogue, elle est Kook). En réalité, elle passe son temps brinquebalée d’une autorité masculine à une autre, entre son père, son horrible frère, son ex-petit ami et son nouvel amour. On la kidnappe, on ne la croit pas, on veut coucher avec elle… John B a des airs de prince charmant (en haillons, certes) venu la délivrer et en cadeau, il a le droit de coucher avec elle au bout de quelques jours de romance. Il y avait clairement mieux à faire de ce côté-là.

Si elle possède des atours séduisants, comme beaucoup de productions Netflix ces derniers temps, Outer Banks reste un plaisir coupable mal dégrossi, un divertissement balnéaire aux rebondissements de plus en plus improbables, fantasme de carte postale rétro, qu’on finit par regarder d’un œil distrait.

La première saison d’Outer Banks est disponible sur Netflix.

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