OVNI(s), quand la comédie made in France s’aventure aux frontières du rire

OVNI(s), quand la comédie made in France s’aventure aux frontières du rire

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Par Delphine Rivet

Publié le

Alunissage réussi pour cette série, qui joue habilement sur les codes de la SF et de la comédie.

Lancée ce 11 janvier, cette création originale Canal+ va vous faire croire à l’impossible : le centre de contrôle est formel, une série française s’est aventurée sur le terrain de la science-fiction, avec la comédie pour carburant, et ne s’est pas crashée. Bien au contraire. Imaginée par Martin Douaire et Clémence Dargent, deux anciens élèves de la promo Séries de la Fémis, OVNI(s) a débarqué sur la chaîne cryptée avec une proposition osée mais ultra-séduisante. Les deux scénaristes, qui l’ont écrite pour leur projet de fin d’études, sont allés chercher le réalisateur Antony Cordier, lui aussi ancien étudiant de l’école mais option Cinéma, et qui a trois longs-métrages à son actif. Le résultat final est un curieux mélange entre les comédies de Pierre Richard et les films SF des années 1970-1980.

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Nous sommes en 1978. Didier Mature (Melvil Poupaud), ingénieur en aérospatiale, est semble-t-il responsable de l’explosion d’une fusée. Il est alors rétrogradé par la direction du Cnes (Centre national d’études spatiales) et mis au placard dans un service qui tenait jusqu’ici plus du mythe que de la réalité : le Gepan (Groupe d’études et d’information sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés). Le voilà, lui, le scientifique sceptique et bourru, à la tête d’une équipe (très réduite), composée d’un grand taiseux un peu perché, une standardiste dans la lune et d’un jeune geek bénévole.

Leur mission : étudier les phénomènes d’objets volants non identifiés. Comme on l’imagine, rares sont les enquêtes qui aboutissent et les affaires non classées s’accumulent. Ça vous rappelle un peu X-Files ? C’est l’une des inspirations des scénaristes, mais à la différence de la série culte qui plaçait la paranoïa au cœur de son récit, OVNI(s) est solaire. Elle mise sur l’humain et réclame, de ses personnages comme de nous, de garder l’esprit ouvert aux belles choses, si étranges soient-elles.

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Si la série emprunte à une époque un paquet de références et navigue entre plusieurs genres, elle tient toutefois la parodie à bonne distance. L’exercice a pourtant dû être tentant : que ce soient celles et ceux persuadé·e·s d’avoir vu des soucoupes volantes, ou celles et ceux qui enquêtaient, il y avait matière à se moquer de cette bande d’hurluberlu·e·s. Mais OVNI(s) choisit une autre voie et peint avec tendresse une galerie de personnages qui, oui, sont parfois pathétiques, mais surtout diablement attachants.

Comme le veut l’expression consacrée, on ne rit pas d’eux mais avec eux. On pourrait reprocher à la série de ne pas être suffisamment drôle, de ne pas avoir poussé le curseur de la comédie pure un poil plus loin. Mais au grand-guignolesque, elle a préféré l’absurde et le burlesque, le tout enrobé dans une belle couche d’humanité. Ses protagonistes n’en sont, finalement, que plus touchants dans leurs imperfections. La bienveillance, c’est so 2021 !

La plupart des références de la série passeront certainement par-dessus la tête de ses plus jeunes spectateur·rice·s. Mais les clins d’œil à l’époque (que n’ont pourtant pas vécue ses deux scénaristes) sont savoureux, et le name dropping vaut son pesant de cacahuètes (expression elle aussi plutôt vintage) : Georges Marchais, Valéry Giscard d’Estaing, Georges Pompidou et… un certain Steven Spielberg, jeune, fait même un caméo. On a aussi droit à un petit détournement de l’histoire avec le personnage de François Duluc, aka Zorel, ancien employé de la société Melodia, qui aurait vécu une rencontre du troisième type et a ensuite décidé de créer sa secte. On pense évidemment à la communauté de Raël, faux prophète qui prédisait l’arrivée imminente des Elohims, des êtres venus du cosmos.

Bref, OVNI(s) a merveilleusement capturé l’essence de la fin des 70’s. La réalisation très soignée d’Antony Cordier baigne ses plans, pop, colorés et parfois surréalistes, d’une lumière chaude qui invite à la rêverie, à l’instar de la série qui mène ses personnages à regarder au-delà du monde connu. Il revendique à son tour différentes influences : de la reprise, au plan près, d’une séquence de La Mort aux trousses d’Alfred Hitchcock, aux hommages à Abyss de James Cameron, E.T. ou Rencontres du troisième type de Steven Spielberg, évidemment.

La série ne s’est donc pas contentée de mettre des pantalons pattes d’eph et des tapisseries rétro à l’écran, elle a bossé et compris son sujet. Elle s’en est tellement imprégnée qu’elle n’aurait pu placer son intrigue dans aucune autre époque. Cette décennie, dans l’inconscient collectif, est une période de relative insouciance, de libération sexuelle, mais c’était aussi l’âge d’or de l’ufologie. La série s’empare d’éléments réels pour les accorder à sa sauce. Car tout est parti d’une discussion entre Martin Douaire et un chauffeur de taxi. Le scénariste a ainsi découvert l’existence du Gepan, une division (bien réelle) du Cnes basée à Toulouse et lancée à la fin des années 1970. Si la curiosité vous en dit, on vous invite d’ailleurs à visiter le site de ce qui s’appelle désormais le Geipan.

Quand Didier, qui se traîne ses échecs (professionnels comme personnels) comme un boulet, débarque pour prendre ses nouvelles fonctions, il fait la connaissance de ses trois collègues : l’étrange Marcel (Michel Vuillermoz), obsédé par la disparition, qu’il estime suspecte, du prédécesseur de Didier ; Rémy (Quentin Dolmaire), le gentil geek de la bande, pas toujours très rigoureux dans ses recherches ; et enfin la lunaire et douce Véra (Daphné Patakia), l’oreille attentive qui reçoit les témoignages de gens persuadés d’avoir vu des OVNIS.

Leur dynamique de groupe – un chef qui se croit surqualifié et entouré d’une bande d’incompétents – rappelle évidemment les mécanismes de la comédie de bureau, à l’instar de The Office, Parks and Recreation ou Veep. Rares sont les séries françaises à s’y être attaquées avec justesse, mais OVNI(s) a su infuser son récit avec juste ce qu’il faut d’influences et de genres différents pour en faire un OFNI (objet fictionnel non identifié). Peu importe le nom qu’on lui donne, au fond, comédie de SF ou farce cosmique, tant qu’elle a les pieds sur terre et la tête dans les nuages.

Les 12 épisodes de la saison 1 d’OVNI(s) sont à retrouver sur Canal+ Séries. Une saison 2 est d’ores et déjà en préparation.