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Pennyworth : quand James Bond s’invite avec élégance dans l’univers de Batman

Pennyworth : quand James Bond s’invite avec élégance dans l’univers de Batman

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Ⓒ Epix

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Par Adrien Delage

Publié le

Avec ce nouveau prequel de Batman, Bruno Heller offre au célèbre majordome une origin story intrigante et prometteuse.

Depuis plusieurs années, les haters et pseudo-analystes de pop culture annoncent avec acharnement la chute des productions super-héroïques. Pourtant, les figures mythologiques de Marvel et DC Comics ne cessent de s’étendre sur le grand comme sur le petit écran, où les scénaristes en profitent pour expérimenter des choses. Voyant son œuvre majeure prendre fin en avril dernier, le showrunner Bruno Heller (Gotham) s’est lancé dans un nouveau projet, lié à l’univers de Batman mais pour le moins excentré de la Chauve-Souris, en se concentrant sur son plus fidèle acolyte : son majordome Alfred.

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Pennyworth se trouve à des années-lumière du Joker, de Gotham City et de n’importe quel gadget à la pointe de la technologie comme la Batmobile. Au contraire, ce prequel se déroule à Londres dans les années 1960, alors qu’Alfred Pennyworth officie chez les forces spéciales britanniques depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Bouleversé par cette dernière, et souffrant notamment du syndrome de stress post-traumatique, il met ses talents au service de sa reine et de son gouvernement, forcément bien plus corrompu qu’il ne l’imagine.

Agent secret le jour, videur la nuit, Alfred ne porte pas de masque de justicier mais intéresse de près la Raven Society, un groupuscule nationaliste et conservateur qui a des vues sur le trône d’Angleterre. Mais lorsque cette dernière kidnappe Esmé, sa compagne récemment rencontrée, le majordome en puissance n’a d’autre choix que de se salir à nouveau les mains. Dans le même temps, il fait la rencontre d’un millionnaire américain, un certain Thomas Wayne…

Au service de la forme

Ⓒ Epix

Sur la Fox, Bruno Heller possédait des ressources limitées pour introduire la mythologie de Batman, faute de temps et de moyens oblige. Avec Epix, une petite chaîne câblée qui appartient à trois gros studios américains, il a pu laisser éclater sa créativité. L’ex-scénariste de Rome est bien plus à l’aise avec les fameux prestige dramas dont fait incontestablement partie Pennyworth, ne serait-ce que pour sa patte artistique et sa direction d’acteurs calibrée.

Le pilote de la série est un très beau produit, certes classique dans sa forme, mais qui flatte la rétine à chaque plan. La reconstitution de l’Angleterre des sixties, tournée principalement sur fond vert dans les studios de Leavesden, est superbe. Pennyworth joue sur des couleurs chaudes et un travail élégant sur la photographie, si bien que certains plans semblent tout droit sortis d’une œuvre steampunk, ballon dirigeable et colonnes de fumée à l’appui. Pourtant, c’est bien aux codes des séries d’espionnage que répond en priorité le show.

L’Alfred de Pennyworth, campé avec une aisance remarquable par Jack Bannon (Imitation Game), aurait très bien pu voir le jour sous la plume de Ian Fleming. En effet, avant de devenir le majordome des Wayne, Alfred était un espion séduisant et très doué dans le maniement des armes et les combats à mains nues. Ces qualités sont mises en avant dans une intrigue d’une banalité affligeante (des méchants complotistes veulent s’emparer du gouvernement) mais finalement très James-Bondesque, avec des vilains caricaturaux qui boivent du brandy et à la démence digne du Dr No, Requin ou encore Goldfinger.

Ⓒ Epix

Mais en dépit de ses scènes d’action musclées et du duo très attachant composé d’Alfred et Esmé (Emma Corrin, The Crown), Pennyworth semble quelque peu privilégier la forme au fond. On ne sait pas trop où se dirige la série à la fin du pilote, si elle va adapter un format procedural ou approfondir la relation entre Thomas et Wayne pour les amener jusqu’à la naissance de Bruce. La beauté esthétique de la série tombe parfois dans la caricature, si bien que tout semble superficiel à l’écran, surtout dans un épisode pilote qui dure plus d’une heure.

Pour le moment, on reste dans l’idée que Pennyworth aurait pu fonctionner comme standalone, voire comme un film, plutôt que sous le format épisodique. Bruno Heller, habitué aux twists mortels et au jump the shark depuis Gotham, nous prouvera sûrement le contraire au fil de la saison. Reste que son œuvre est un excellent divertissement estival, qui met en lumière le talent de Jack Bannon tout en rendant justice à l’un des plus beaux personnages du lore de DC Comics, Alfred Pennyworth. Désolé Batman mais cette fois, c’est toi le sidekick.

En France, la première saison de Pennyworth reste inédite.